Environnement Lançonnais

Notre poison quotidien : commentaires de Marie-Monique Robin

mardi 8 mars 2011 par Alain KALT (retranscription)

Dimanche 6 mars 2011

Je viens de participer aux trois avant-premières de mon film "Notre poison quotidien" organisées au cinéma l’Arlequin à Paris (vidéo), à Châtillon sur Thouet dans les Deux-Sèvres (photos) et à Bègles à l’invitation de Noël Mamère.

A chaque fois, des participants m’ont posé une question clé à propos de l’espérance de vie qui n’a cessé d’augmenter au cours des dernières décennies dans les pays dits "développés". Cet argument est régulièrement utilisé par les industriels ou les représentants des agences de réglementation pour dire que finalement tout va bien et que les effets de la pollution chimique ne sont pas si graves puisque nous vivons de plus en plus vieux.

Malheureusement, comme on pouvait s’y attendre, cet argument a fait long feu : ainsi que le révélait Le Monde, le 27 janvier 2011, l’espérance de vie des Américains a baissé pour la première fois de leur histoire (elle a baissé de 1,2 mois par rapport à 2007) Parmi les causes invoquées il y a la cigarette et l’obésité. Et tout indique que la première cause de cette baisse n’est pas le tabac (la consommation a considérablement chuté aux Etats Unis depuis trente ans) mais l’obésité qui frappe 40 % de la population américaine auxquels s’ajoutent 30% d’Américains en surcharge pondérale.

Or, comme le lecteur le découvrira dans mon livre Notre poison quotidien, l’épidémie d’obésité, qui atteint des records aux Etats Unis, mais a déjà largement gagné l’Europe (lire l’article du Monde "Une personne sur dix est obèse dans le monde", du 7 février 2011, basé sur une publication du journal scientifique The Lancet), n’est pas due uniquement à la malbouffe et à la consommation des produits de l’industrie agroalimentaire, mais aussi et surtout aux molécules chimiques appelées" obésogènes" qui ont envahi notre environnement et notamment notre alimentation. De nombreuses études ont , en effet, montré que les produits chimiques tels que le Bisphénol A, mais aussi les phtalates, le PFOA des poêles antiadhésives, les PCB de Monsanto, ou certains pesticides, qui sont ou contiennent des hormones de synthèse et qu’on appelle "perturbateurs endocriniens",ont la capacité de programmer l’obésité chez les foetus exposés in utero.

L’obésité, qui est l’un des signes les plus visibles de l’épidémie actuelle de maladies chroniques, peut donc être considérée comme une maladie environnementale, ainsi que me l’ont expliqué plusieurs scientifiques du NIEHS, le National institute of environmental health sciences , le plus grand centre de recherche publique des Etats Unis.

Il y a donc fort à parier que l’espérance de vie européenne va aussi chuter dans les années qui vont venir, car nous suivons toujours les Etats Unis quelques années plus tard.

Quand on étudie sérieusement ce dossier, en sortant des arguments à l’emporte-pièce, on comprend aussi facilement que les personnes âgées d’aujourd’hui sont nées avant la seconde guerre mondiale et qu’elles n’ont pas été exposées aux polluants chimiques pendant leur vie prénatale ou leur enfance, ce qui les a mis à l’abri d’un certain nombre d’effets néfastes. Ce n’est pas le cas des générations nées à partir des années 1960 qui vont être et sont déjà les premières victimes (massives) du processus d’empoisonnement collectif que je décris dans mon film et livre.

Un nombre croissant de scientifiques tire régulièrement la sonnette d’alarme : le magazine Science du 4 mars vient de publier une lettre signée par huit sociétés savantes américaines, regroupant 40 000 chercheurs, qui dénonce la "sous estimation des risques liés aux produits chimiques " (Le Monde du 5 mars 2011) et appelle à un "changement de paradigme" pour l’évaluation toxicologique des poisons qui ont envahi notre environnement. C’est exactement ce que dit mon film et livre...

Enfin, concernant l’Inde et la question que m’a posée une participante à la projection de l’Arlequin(vidéo ci-dessous), il est un fait que l’espérance de vie y est bien inférieure à celle des pays industrialisés. Cela est dû notamment au problème de malnutrition endémique que la fameuse "révolution verte" n’a pas résolu, et a même accentué, en encourageant les monocultures et en entraînant la disparition de l’agriculture familiale qui est la seule garante de la sécurité alimentaire.

Il est un fait aussi que le taux d’incidence du cancer y est de 10 à 30 fois inférieur (selon les organes concernés) à celui des pays industrialisés, d’après les données du Centre international de la recherche sur le cancer (CIRC/ OMS). Malheureusement, avec l’industrialisation forcenée de l’Inde , cette particularité est en train de changer dans les grandes métropoles où l’on adopte notre mode de vie et d’alimentation éminemment pollué. Les scientifiques que j’ai rencontrés lors du colloque sur la cancer auquel j’ai participé à Bhubaneswar dans l’Etat de l’Orissa (où le cancer est quasiment inexistant) m’ont dit que l’Inde n’a absolument pas les moyens de gérer une épidémie de maladies chroniques similaire à celle que l’on constate dans les "pays riches" qui viendrait s’ajouter aux défis que le pays doit relever comme la malnutrition et la mortalité en bas âge. Il est donc urgent d’agir et de revoir les fondements du "progrès" ( j’y reviendrai bientôt)...


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