Environnement Lançonnais

Un an après fukushima, quels enseignements pour le CEA ?

samedi 17 mars 2012 par Alain KALT (retranscription)

A l’occasion d’un voyage au Japon en février 2012, l’Administrateur général du CEA, Bernard Bigot, a visité le site accidenté de la centrale nucléaire de Fukushima ; Il nous livre ses enseignements et les leçons qu’il estime pouvoir tirer de la catastrophe.

Quels enseignements avez-vous tirés personnellement de la catastrophe nucléaire japonaise ?

"D’abord que cette catastrophe aurait pu être évitée. Les installations ont parfaitement résisté à la première agression due au séisme ; après l’impact du tsunami qui s’ensuivit, plus de 12 heures étaient disponibles pour acheminer des moyens d’urgence. Même si la fusion des cœurs était engagée, il y avait encore moyen d’empêcher, au moins sur les réacteurs 1 et 3, le cycle infernal de la montée en pression dans l’enceinte de confinement du réacteur, suivie des explosions d’hydrogène libéré en éventant les enceintes dans des bâtiments fermés. Sans ces explosions, le relâchement de radioactivité aurait été largement limité."

"Le second enseignement concerne bien sûr le rappel de l’absolue priorité que représente la sûreté des installations nucléaires. Il faut envisager les événements les plus extrêmes et les enchaînements de catastrophes afin de s’assurer que même dans une situation hautement improbable, le confinement des matières radioactives serait préservé. C’est tout le sens des évaluations complémentaires de sûreté (ECS) qui ont été initiées par le gouvernement et réalisées cette année écoulée par l’Autorité de sûreté."

Le nucléaire peut-il encore être considéré comme une énergie sûre ?

"Comme le disait Bertrand Goldschmidt, pionnier du nucléaire en France, « le nucléaire n’est pas dangereux aussi longtemps qu’on a la certitude qu’il peut l’être ». Il y a donc une illusion dangereuse qui consisterait à croire qu’une technologie peut être intrinsèquement sûre : le risque zéro n’existe pas. Une vigilance permanente est donc nécessaire."

"Le risque d’un accident nucléaire majeur reste selon moi maîtrisable, même dans une situation extrême. Deux conditions sont impératives pour garantir cette maîtrise. Tout d’abord, une conception robuste de l’installation, la mettant en capacité de préserver les fonctions de sûreté en toutes circonstances et, même en cas de fusion du cœur, de confiner la radioactivité. Seconde condition : il faut une chaîne opérationnelle et décisionnelle efficace, où chaque maillon a anticipé et répété les gestes à faire ou les dispositions à prendre en cas d’accident extrême."

La part du nucléaire dans notre mix énergétique fait désormais l’objet d’un débat politique en france. quelle est votre position à ce sujet ? "Il est tout à fait légitime que les hommes et les femmes politiques débattent de ce sujet stratégique. Le mode de la production d’énergie est un des éléments clés de l’économie d’un pays. Ce débat nous concerne donc tous en tant que citoyen, mais il doit être sincère et solidement argumenté par des faits vérifiables et objectifs."

"Je note avec satisfaction que plusieurs rapports sont venus enrichir et étayer ce débat. Ainsi les évaluations complémentaires de sûreté conduites par l’ASN ont démontré que la sûreté des centrales françaises est globalement satisfaisante. Des travaux de renforcement seront nécessaires et les opérateurs (EDF, AREVA, CEA) se sont engagés à les effectuer."

"Parallèlement, le rapport publié par la Cour des Comptes sur les coûts du nucléaire a démontré la compétitivité de cette forme d’énergie, malgré les dépenses à venir. Quelques incertitudes subsistent, comme le coût exact du démantèlement et le stockage des déchets ultimes, mais la Cour a estimé que les incertitudes sur ces coûts le sont "par nature" et ne remettront pas en cause l’économie globale du nucléaire, en particulier l’absence de « coûts cachés »."

Les énergies renouvelables sont désormais vecteurs de formidables espoirs partout dans le monde. Pourront-elles un jour prendre le relais du nucléaire ?

"Il faut les développer assurément, mais nous devons avant tout nous affranchir de notre dépendance aux énergies fossiles qui représentent encore plus de 50% de l’énergie que nous consommons en France. Or ces énergies fossiles nous coûteront de plus en plus cher ; nous avons dû débourser 63 milliards d’euros pour les importer l’année dernière, soit l’équivalent de la totalité de notre déficit commercial. Elles font enfin courir un autre risque à notre planète : celui d’un dérèglement climatique majeur."

"Les énergies renouvelables nous aideront à décarboner notre économie. Elles sont promises à un très fort développement, dès lors que l’on parviendra à pallier leur intermittence. Il faut mettre au point de nouvelles technologies qui n’ont pour l’instant jamais été testées à grande échelle : le stockage massif d’électricité, les réseaux intelligents interconnectés, les lignes électriques supraconductrices, etc."

"Le CEA y travaille et nous sommes prêts à accélérer fortement nos efforts de recherche dans ce sens. Mais affirmer aujourd’hui que les énergies renouvelables peuvent se substituer rapidement au nucléaire et aux fossiles relève d’un pari scientifique et économique selon moi hors de portée des technologies envisageables à court / moyen terme. Aujourd’hui, seule l’Allemagne a fait ce pari. Mais pour produire l’essentiel de son électricité, ce pays a actuellement recours aux centrales thermiques au gaz et au charbon. Il émet donc cinq fois plus de gaz à effet de serre qu’en France. Et les particuliers, qui payent déjà leur électricité 40% plus cher que dans notre pays, risquent de voir leur facture inéluctablement s’envoler."

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