Environnement Lançonnais

Nucléaire : La stratégie française du ’démantèlement immédiat’

lundi 21 janvier 2013 par Alain KALT (retranscription)

Alors que Veolia Environnement et le CEA viennent de conclure un accord stratégique de collaboration dans des domaines impliquant le démantèlement et l’assainissement des installations nucléaires, des questions se posent. Quels sont en France, les acteurs impliqués dans le processus ? Que recoupe au juste le terme ’démantèlement’ et comment la France conçoit-elle sa mise en oeuvre ? Quels sont les défis et enjeux à relever ?

1. Une stratégie française : le démantèlement immédiat

Le nucléaire est aujourd’hui la première source de production brute d’électricité en France ; Plus de 75 % de l’électricité est issue du nucléaire (en 2011, 9 % vient de l’hydraulique, 10 % des centrales thermiques 2,2 % de l’éolien et 0,4 % est d’origine photovoltaïque).

Depuis cinquante ans, la filière nucléaire est profondément inscrite dans le paysage industriel français.

La France est l’un des leaders mondiaux sur l’ensemble du cycle électronucléaire, de l’extraction de l’uranium au retraitement des combustibles et au conditionnement des déchets, en passant par la conception et la construction des réacteurs. A ce titre, elle doit également faire face aux exigences d’assainissement et de démantèlement des sites – une activité destinée à croître et porteuse d’enjeux industriels et environnementaux majeurs.

Les exploitants nucléaires français ont donc initié des opérations en ce sens, suivant les recommandations de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui préconise, lorsque c’est réalisable, une stratégie de démantèlement dit « immédiat », c’est-à-dire dans la continuité de la mise à l’arrêt des installations après leur période d’exploitation, afin de diminuer les risques le plus rapidement possible et de bénéficier des connaissances du personnel d’exploitation.

Le démantèlement des installations nucléaires se situe au carrefour d’enjeux environnementaux, humains, économiques et réglementaires à savoir :

- le volume des déchets radioactifs générés par les opérations,
- la sûreté et le niveau élevé de sécurité des personnels requis sur les sites de démantèlement,
- le coût à terme du traitement des déchets non valorisés,
- la création d’emplois dans ces filières,
- le respect du cadre réglementaire.

Le démantèlement des installations nucléaires en fin de vie vise à les déconstruire en tenant compte des prévisions de réutilisation des sites ou bâtiments et en l’état de la réglementation.

En France, ce sont les exploitants nucléaires qui ont la responsabilité de mener l’ensemble des opérations nécessaires, dont l’ampleur dépendra de l’utilisation future du site. Ces opérations sont menées sous le contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire, qui seule peut proposer de prononcer ensuite par décret le « déclassement » de l’installation. Ces opérations sont complexes et longues, et nécessitent la mise en œuvre par les exploitants de véritables stratégies techniques et financières.

En France, le parc des installations nucléaires est constitué de 125 Installations Nucléaires de Base (INB), dont une trentaine en cours de démantèlement. Pour les INB actuellement ou prochainement mises à l’arrêt, des programmes de démantèlement s’étalant sur plusieurs dizaines d’années sont en cours d’élaboration.

Au total, 300 réacteurs devront être arrêtés, à l’échelle mondiale, dans les vingt prochaines années. S’ils ne seront pas tous démantelés immédiatement, le nombre de chantiers lancés devrait fortement croître et laisse entrevoir des perspectives d’activité très prometteuses pour les entreprises spécialisées dans un secteur jusqu’à présent limité à des volumes restreints, comme le démantèlement de laboratoires de recherche ou d’usines de transformation de combustible. La Cour des comptes indique, dans son rapport sur les coûts de la filière électronucléaire diffusé en janvier 2012, que les exploitants chiffrent à 31,9 milliards d’euros le démantèlement des installations civiles françaises. Et le cabinet de conseil Arthur D. Little prévoit un marché de 220 milliards d’euros dans le monde sur vingt ans.

2. Les acteurs de la chaîne de production

Deux acteurs principaux, deux entreprises publiques, assurent la chaîne de production sur le territoire français : EDF et Areva. La première produit de l’électricité, la seconde intervient sur toute la chaîne de valeur du nucléaire. Le domaine d’activité d’Areva s’étend de l’extraction de l’uranium jusqu’à son enrichissement et à la fabrication et au retraitement du combustible. Areva construit également les centrales, assure leur maintenance, procède au recyclage du combustible usé et participe au démantèlement des centrales. De son côté, EDF exploite ces centrales, et, sur certains chantiers, coordonne tous les travaux dont elle est responsable pour fournir le produit fini, c’est-à-dire l’électricité.

Depuis la production du combustible jusqu’au recyclage des déchets bien d’autres acteurs interviennent. Du côté des grands : les industriels, tels que Bouygues qui construit le nouveau réacteur nucléaire EPR de Flamanville, en Normandie, Vinci, ou encore Alstom, fournisseur des composants de centrales nucléaires. Du côté des petits : des centaines de PME agissent en amont ou en aval de la production. Des sous-traitants assurent la tuyauterie et la maintenance de produits spéciaux, mais participent aussi au démantèlement des centrales.

On chiffre à 125 000 emplois directs la filière nucléaire française. En y incluant les emplois indirects ce chiffre passe à 410.000, selon une étude réalisée par le cabinet PWC à l’initiative d’Areva, en mai 2011. Grâce à son parc de réacteurs nucléaires d’une puissance installée de 63 100 mégawatts, la France assure 78 % de sa production d’électricité, ce qui lui permet d’atteindre un taux d’indépendance énergétique voisin de 50 % (source : CEA).

Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), acteur majeur de la recherche, du développement et de l’innovation, complète ce tandem. Le CEA s’appuie sur la recherche fondamentale et assure un rôle de soutien à l’industrie. Pour réaliser ses missions, il exploite également des installations nucléaires et est responsable du pilotage de leur démantèlement quand celles-ci sont arrêtées.

3. Les acteurs publics de contrôle et de gestion

L’ASN (L’Autorité de sûreté nucléaire)

La loi TSN a créé une autorité administrative indépendante, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), chargée du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Ses missions consistent à réglementer, autoriser, contrôler, appuyer les pouvoirs publics dans la gestion des situations d’urgence et contribuer à l’information des publics. L’ASN est composée d’un collège de commissaires et de services. Elle s’appuie, sur le plan technique, sur l’expertise que lui fournissent notamment l’IRSN et des Groupes permanents d’experts (GPE).

L’ANDRA (L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs)

Créée en 1979 au sein du CEA, l’Andra est devenue en 1991 un établissement public à caractère industriel et commercial, indépendant des producteurs de déchets radioactifs et placé sous la tutelle des ministères en charge de l’énergie, de la recherche et de l’environnement. L’Agence est chargée par l’État de mettre en œuvre et de garantir des solutions de gestion sûres pour l’ensemble des déchets radioactifs français, afin de protéger les générations présentes et futures du risque que présentent ces déchets.

4. Un marché de plus en plus disputé

Conséquence de ce dynamisme, la plupart des acteurs du secteur nucléaire (dont les concepteurs et exploitants des centrales) se positionnent sur le démantèlement, qui de ce fait devient un élément à part entière du cycle de l’industrie nucléaire.

En France, 9 réacteurs sont déjà en cours de déconstruction jusqu’en 2040.

Les acteurs sont à la fois les groupes d’ingénierie et conception et ceux de génie civil, car il faut autant savoir développer des procédés que démolir et découper dans le respect des règles de sûreté nucléaire et de radioprotection.

Le marché du démantèlement est très morcelé avec un nombre important d’acteurs regroupés en 4 sphères de compétences : Ingénierie, BTP, maintenance et nettoyage, gestion des déchets

De nombreuses entreprises se positionnent sur les chantiers de démantèlement dans le monde.

5. Défis et enjeux du démantèlement

En plus des défis classiques liés aux travaux de déconstruction pratiqués dans le BTP, le démantèlement des installations sensibles présente des enjeux spécifiques tels que :

défis technologiques

- la cartographie et la métrologie du site à démanteler (bâtiments, équipements, matières …) ;
- la radioprotection des opérateurs potentiellement au contact des matériels pouvant contenir des substances radioactives ;
- l’utilisation de la robotique en zones à risques ;

défis environnementaux

- la caractérisation et le tri des déchets (radioactifs ou non) ;
- la réduction des volumes de déchets, qui sont très supérieurs en phase de démantèlement qu’en phase d’exploitation ;

défis opérationnels

- les difficultés liées au suivi de l’historique d’exploitation, et du maintien des compétences ; - la gestion d’un chantier hors normes (procédures, exploitation, …).

Compte tenu des enjeux, les opérations de démantèlement nucléaire réclament une « industrialisation » complète de la filière.

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