Environnement Lançonnais

PEC 2030 : une victoire européenne

dimanche 26 octobre 2014 par Alain KALT (retranscription)

Le 24 octobre 2014 par Valéry Laramée de Tannenberg

Les négociations auront duré jusque tard dans la nuit.

A l’arraché, les 28 ont accouché, aux premières heures de ce vendredi 24 octobre, d’un accord sur le climat. Le paquet Energie Climat 2030 fixe de grands objectifs à la politique communautaire. Et réforme le marché communautaire de quotas d’émission. Reste à savoir si cela sera suffisant.

On se serait cru au bon vieux temps des tractations sur les quotas laitiers. Jeudi 23 octobre, c’est en tout début de soirée que les 28 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union ont débuté le marathon du dernier conseil européen de l’année. En entrée, le paquet Energie Climat 2030 (PEC 2030). élaboré dans la foulée du PEC 2020, ce train de mesures doit encadrer les politiques énergétiques et climatiques des 28 pour les 15 prochaines années. Il constituera aussi la position communautaire, lors des prochains rounds de la négociation climatique.

Finalement, c’est vers 2 heures du matin que la nouvelle est tombée : les 28 s’étaient entendus sur les grands objectifs du PEC 2030. Il aura donc fallu trois conseils européens[1] pour trouver un accord. Et au vu des réticences polonaises à s’engager dans cette voie, l’accord n’était pas gagné.

20, 20, 20

Au final, l’Union européenne s’oblige, et de façon contraignante, à abattre de 40%, « au moins », ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030. Les optimistes diront qu’elle a déjà quasiment fait la moitié du chemin. Les pessimistes complèteront en disant que l’essentiel de cette performance est à porter au crédit des fermetures de centrales au charbon est-allemandes et britanniques et à la récession économique. Les réalistes souligneront que l’objectif pourrait être révisé pour le cas où un accord global de bonne facture serait conclu lors du sommet climatique de Paris, fin 2015.

40, 27, 27

Pour atteindre cet objectif majeur, l’UE fixe comme autre objectif, collectif et contraignant, l’obligation que 27% de l’énergie consommée « à l’horizon 2030 » soit d’origine renouvelable. Toujours à la même échéance incertaine, les 28 devront améliorer de 27% aussi leur efficacité énergétique. Seule différence avec l’objectif précédent : ce dernier n’est pas contraignant. Au fameux 3x20 du PEC 2020 succède le 40, 27, 27.

Faire monter le prix du quota

Comme annoncé, lors de la présentation de sa première mouture, le PEC 2030 prévoit de réformer le système communautaire d’échange de quotas d’émission de GES, le fameux ETS. Le but poursuivi étant de le rendre plus efficace qu’il ne l’est depuis 7 ans. Première mesure actée : la réduction progressive de l’allocation annuelle de quotas. Jusqu’en 2020, on réduira de 1,74% le nombre de permis d’émission distribués ou mis aux enchères d’une année sur l’autre. A partir de 2021, ce « facteur annuel de réduction du plafond d’émission » passera à 2,2%. De quoi faire monter un peu les prix du quota.

Bonne nouvelle pour les industriels, le dispositif NER 300 est non seulement confirmé mais étendu. En clair, une réserve de 400 millions de quotas sera constituée (contre 300 millions actuellement). Le produit de leur mise aux enchères permettra non seulement de cofinancer des projets d’énergies renouvelables ou de captage-stockage géologique de CO2 (CSC), comme actuellement, mais aussi des projets industriels « bas carbone » plus classiques.

Financer les investissements

Parallèlement, une autre réserve comparable, portant sur 2% du volume de quotas, sera constituée. Gérée par la Banque européenne d’investissement, elle permettra de financer la modernisation des systèmes énergétiques des pays dont le PIB par habitant est inférieur à 60% de la moyenne de l’UE. En gros, on accorde un petit bonus aux états qui étaient farouchement opposés au PEC 2030. Et ça n’est pas le seul : 10% des quotas à mettre aux enchères par les 28 seront attribués aux pays dont le PIB par habitant est inférieur à 90% de la moyenne de l’UE. La mesure vise particulièrement la Pologne. Laquelle, comme d’autres pays sinistrés, pourra continuer d’allouer gratuitement des quotas à son secteur électrique jusqu’en 2030, 10 ans de plus que dans le reste de l’UE. « La prise de telles mesures de solidarité n’était pas attendue aussi rapidement », commente Emilie Alberola, spécialiste des marchés du carbone et de l’énergie à CDC Climat. C’est dire si les discussions préalables ont été serrées.

Haro sur les raffineurs

Le PEC 2030 initie d’autres évolutions qui devraient aboutir dans les prochains mois. L’une des plus importantes est la possibilité d’intégrer à l’ETS de nouveaux secteurs, à commencer par celui des transports terrestres. La demande n’est pas nouvelle. Elle a récemment été appuyée par le Danemark. En clair, les producteurs de carburants issus de combustibles fossiles —les raffineurs pour l’essentiel— seront non seulement soumis à des quotas d’émission pour leurs émissions directes (celles imputables à la production) mais aussi pour le contenu carbone des produits raffinés qu’ils mettront sur le marché.

Tout aussi important est la création prévue (mais non annoncée explicitement) d’un mécanisme permettant de réduire, voire de faire disparaître, les surplus de quotas. En raison des sur-allocations passées ? de la faiblesse de l’activité économique, il y a beaucoup trop de quotas dans l’ETS. Ce qui explique le faible prix du quota. En 2020, ce surplus pourrait atteindre 2 milliards de quotas. Un chiffre appelé à doubler vers 2030.

Pour redonner de l’efficacité au dispositif, la Commission et le Parlement travaillent à la création d’un mécanisme permettant de mettre automatiquement de côté les quotas en surnombre et, inversement, de les réinjecter dans le marché en cas de disette. De quoi redonner de l’appétence aux traders. « Nos modélisations ont montré qu’avec un seul objectif contraignant de 40% de réduction d’émission, cette réserve de stabilité permettrait de faire monter le prix du quota à 70 euros en 2030 », confirme Emilie Alberola. Dix fois plus qu’aujourd’hui !

EDF s’en tire bien

Bruxelles n’a jamais caché toute l’importance qu’elle accorde à l’amélioration du fonctionnement des marchés de l’énergie, notamment électrique. L’un des points noirs est le manque de capacité d’interconnexion, les lignes de transport traversant les frontières. Pour protéger leurs compagnies nationales, certains pays, comme la France, freinent l’ouverture de leur marché interne aux électrons étrangers. Dans le même temps, d’autres pays gros producteurs d’électricité éolienne (Espagne, Portugal, Allemagne) aimeraient vendre leur courant à bas coût les jours de grand vent. Pour réduire ce hiatus, le PEC 2030 oblige les 28 à disposer, en 2020 au plus tard, de capacités d’interconnexion égales à 10% de leurs capacités de production. Paris (ou EDF) s’en tire bien : dans l’Hexagone, l’objectif est déjà atteint.

Quel premier bilan tirer de ce vaste train de mesures ? Politiquement, la Commission Barroso transmet à la Commission Juncker un sacré témoin. L’UE est désormais le premier ensemble géopolitique d’importance à prendre un tel engagement de réduction d’émission de GES. Un engagement qui sera la position communautaire lors des prochains rounds de la négociation climatique, à Lima et à Paris. Les diplomates des grands pays émetteurs (USA, Chine, Inde, Russie, Brésil, Indonésie, Mexique) savent désormais où se place le curseur.

Raccrocher la Pologne

Au plan européen, le bilan n’est pas totalement nul non plus. En conjuguant mesures contraignantes, volontaires et petits bonus, l’Europe réussit, en outre, à faire monter les pires pays charbonniers du continent dans le train climatique. « Et cela est d’autant plus méritoire qu’on a vraiment l’impression qu’il n’existe aucune volonté politique, en Pologne, de lutter contre le réchauffement », indique Teresa Ribera, directrice de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Une volonté en tout cas contrariée par le fait que la Première ministre polonaise, Eva Kopacz, doit fermer des mines de charbon, dont la plupart produisent un charbon plus cher que la houille russe. Tout cela à un an d’élections générales. En accélérant le développement de nouveaux gazoducs et de terminaux de gazéification sur le continent, Bruxelles indique aussi à Moscou qu’elle entend réduire sa dépendance au gaz russe.

100.000 gueules noires

Climatiquement, le jugement est plus nuancé. Certes, vouloir abattre de 40% ses émissions est louable et sans équivalent dans le monde. Pour autant, le PEC 2030 paraît insuffisant pour aider la Pologne et les autres pays du triangle de Visegrad à décarboner leur système énergétique. La Pologne produit 80% de son électricité avec du charbon. Le secteur fait vivre encore 100.000 gueules noires qui travaillent dans 240 mines. Le tout à coup de milliards d’euros par an de subventions nationales et communautaires[2].

Aussi louable soit-elle, l’inclusion du transport terrestre dans l’ETS semble peu efficace. Une étude publiée le 14 octobre par Cambridge Econometrics estime qu’il faudrait que le prix du quota devienne prohibitif (217 €) pour qu’il oblige les industriels à livrer véhicules et carburants « bas carbone ». Nous n’y sommes pas encore.

Le président français, François Hollande, a promis que « beaucoup » du programme de relance (300 Md€) promis par le nouveau président de la Commission serait consacré au PEC 2030. Or, rappelle Teresa Ribera, bon nombre de ses infrastructures, gazoducs, terminal méthanier, ne sont pas annonciatrices d’une baisse de la consommation d’énergie fossile. « Il ne faudra pas qu’au nom de la solidarité et de l’indépendance énergétique, nous fassions de mauvais choix pour le climat. »

[1] Ceux de mars, de juin et d’octobre.

[2] Selon Greenpeace, les mines polonaises ont reçu 34 Md€ d’aides publiques entre 1990 et 2012.

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