Claude Lorius, explorateur du climat
Le 18 mai 2015 par Stéphanie Senet et Valéry Laramée de Tannenberg
Le glaciologue Claude Lorius a mis en lumière la responsabilité de l’Homme dans le réchauffement climatique grâce à son analyse des carottes glaciaires prélevées en Antarctique. Entretien avec un explorateur du climat, sujet principal du nouveau film de Luc Jacquet, La Glace et le Ciel, qui sortira sur les écrans en octobre prochain.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce film ?
C’est très simple. Luc Jacquet est venu me rencontrer, il y a quatre ans, après la publication de mon Voyage dans l’Anthropocène[1] et il m’a parlé de son projet. Je connaissais la Marche de l’empereur, qu’il avait tourné en Antarctique. J’ai trouvé cette idée formidable. J’ai pensé que c’était une bonne façon de transmettre au public ce que j’ai vécu et peut-être aussi l’impact des découvertes que nous avons faites dans la glace.
Quel est le principal message du film ?
L’Antarctique nous a laissé un message. C’est là-bas qu’on a appris que l’homme bouleversait le climat de la planète et les conditions de vie des humains. Il est toujours aussi urgent de diffuser ce message. Mais il ne faut pas se contenter de paroles. Le plus dur, c’est d’agir.
Comment s’est faite la découverte ?
Les découvertes ont été de deux natures. La première s’est produite lors d’un carottage en zone côtière. On a compris qu’on pouvait lire l’histoire du climat dans la glace et remonter très loin dans le temps. C’était en 1963. La seconde s’est produite deux ans plus tard. On a compris que les bulles d’air enfermées dans la glace nous racontaient l’histoire de la composition de l’atmosphère, il y a 100 ans, 1.000 ans, ou 100.000 ans. Et c’est en mettant des échantillons prélevés dans un verre de whisky que j’ai compris leur message. Ces découvertes nous ont permis de prouver que les variations naturelles du climat, dues à la balade de la Terre autour du soleil, sont fortement influencées par les gaz à effet de serre dégagés par les activités humaines.
Comment ont-elles été perçues ?
C’était inattendu. J’ai moi-même été très surpris de voir que la célèbre revue britannique Nature en fasse la couverture, en octobre 1987[2], et publie d’un coup trois articles que j’avais écrits. Cela a été un choc.
Comment ont réagi les politiques et la société à cette époque ?
A mon retour d’une expédition, j’ai été invité par Michel Rocard (alors Premier ministre, ndlr)[3]. Un début de prise de conscience s’est amorcé à cette époque. Mais agir c’est autre chose, ça touche directement les individus, les sociétés. Certaines décisions vont dans le bon sens, comme la Russie et la Chine qui déclarent vouloir changer le mode de production de leur énergie, mais les élections ont tendance à figer toute capacité de changement.
Quelles sont selon vous les actions prioritaires à mener ?
Il faut surtout changer de mode de production d’énergie et se tourner vers les énergies renouvelables pour émettre moins de gaz à effet de serre. Le problème, c’est que l’homme en veut toujours davantage, de confort, d’énergie… Il n’en reste pas moins qu’une prise de conscience est sensible.
Claude Lorius en 9 dates
1932 Naissance à Besançon
1957 Premier hivernage à la station Charcot en Antarctique
1961 Entrée comme chercheur au CNRS
1975 Il pilote le forage du Dôme C en Antarctique qui retrace 400.000 ans d’histoire climatique
1983 Directeur du laboratoire de glaciologie et de géophysique de l’environnement de Grenoble
2008 Lauréat du prix Blue Planet
2011 Publication du Voyage dans l’Anthropocène, ed Actes Sud
2012 Début de l’aventure de la Glace et le Ciel avec Luc Jacquet
2015 Projection du film, le 24 mai, en clôture du festival de Cannes et sortie du film à l’automne
Notes.
[1] Publié aux ed. Actes Sud en octobre 2013
[2] Etude Nature
http://www.nature.com/nature/journa...
[3] Michel Rocard a été nommé en 2009 ambassadeur de la France pour les pôles.
Compléments d’informations
Voici un diaporama élaboré par le géologue et docteur ès sciences R. Giraudon. Il abonde dans le sens de Claude Lorius avec des chiffres et des courbes.
(4,6Mo)
Il va de soi que ces deux études, même si elles s’avèrent justes, ce qui reste à confirmer, n’oblitèrent pas le fait que la croissance infinie dans un monde fini reste impossible dans l’état actuel de nos sources d’énergie.
Alain KALT (retranscription)
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