De quoi l’accord de Paris est-il le nom ?
Le 12 décembre 2015
Par Stéphanie Senet, Romain Loury et Valéry Laramée de Tannenberg
L’accord de Paris est signé !
Les représentants de 195 Etats ont adopté, samedi 12 décembre, le premier accord universel et contraignant portant sur le changement climatique. Historique, ce texte fixe des objectifs communs, impose des engagements d’atténuation à toutes les parties et ouvre des voies de financement nouvelles. Un grand succès pour la diplomatie française.
Un échec ?
N’en déplaise à Jean Tirole, l’accord obtenu à l’arraché par Laurent Fabius et la diplomatie française renforce l’arsenal climatique mondial. Dans une tribune publiée par L’Opinion, le prix Nobel d’économie estime que « dans les faits, nous ne sommes guère plus avancés qu’il y a 6 ans ». Jugement qui pourrait (presque) être repris à son compte par Maxime Combes, porte-parole d’Attac. Ce n’est pas la lecture qu’en font, évidemment, les officiels français ni bien d’autres parties prenantes.
Dans son discours d’ouverture du comité de Paris, samedi matin, François Hollande a salué ce qui restera comme « le premier texte universel dans l’histoire des négociations climatiques », adopté par 196 pays. Ce qui n’était effectivement pas le cas de la décision de Copenhague (2009).
Nicholas Stern, auteur de l’économie du changement climatique, est presque dithyrambique : « C’est un moment historique, pas seulement pour nous et notre planète, mais aussi pour nos enfants, nos petits-enfants et les générations futures. L’accord de Paris donne le top départ de la lutte contre un changement climatique qui menace la prospérité aussi bien dans les pays riches que pauvres », souligne l’ancien économiste en chef de la Banque mondiale.
« C’est le meilleur accord que l’on pouvait obtenir, résume la ministre sud-africaine de l’environnement. C’est un grand pas en avant pour les pays en développement. Mais c’est aussi le premier pas d’un long voyage. »
Une nouveauté ?
Proches de celles publiées en fin de semaine, les décisions de la COP 21 et de l’accord de Paris[1] apportent un certain nombre de nouveautés, tant dans les principes que dans les outils. Pour commencer, l’accord s’applique effectivement aux 196 parties et non plus aux nations les plus industrialisées, seules à être contraintes par le protocole de Kyoto (1997) à maîtriser leurs émissions de gaz à effet de serre.
Pour enfoncer le clou, il mentionne la plupart des problématiques liées aux changements climatiques : santé, alimentation, biodiversité, énergie, droits de l’homme, protection des peuples vulnérables et autochtones, égalité homme-femme, environnement marin, migrants, droit des générations futures. Sans oublier, la protection de la Terre Mère, concession faite au gouvernement bolivien.
Le texte adopté ce samedi soir est aussi le premier « accord universel et juridiquement contraignant » à fixer des objectifs de stabilisation du réchauffement climatique : « Nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux pré-industriels ». Il enjoint aussi aux signataires de, si possible, limiter le réchauffement à 1,5°C, ce qui n’est pas gagné scientifiquement.
Un texte insuffisant ?
Nombre d’observateurs estiment que le texte ne pose pas les jalons de la décarbonation de l’économie. Ce n’est certes pas dit ainsi, mais c’est pourtant le sens de l’article 4. En quelques lignes, ses paragraphes imposent aux parties de plafonner leurs rejets « dans les meilleurs délais ».
Avant de « parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre ». Tirée du 4e rapport d’évaluation du Giec[2] (2007), cette phrase signifie, en bon français, qu’il faudra parvenir au zéro émission de GES au cours de la seconde moitié du siècle. La porte ouverte à la séquestration du carbone et à d’autres technologies extractives de CO2.
L’énergie est peu évoquée, à l’exception du souhait exprimé en préambule de promouvoir l’accès universel à l’énergie dans les pays en développement, « en renforçant le déploiement d’énergies renouvelables ».
Une décision éminemment politique. Quel pays, à commencer par les grands émergents, aurait accepté de signer un accord encadrant son bouquet énergétique ? Ne cherchez pas, aucun. Le texte ne mentionne pas non plus l’agriculture et la sylviculture, à l’origine du quart de nos émissions mondiales de GES. Même réponse que précédemment.
Un accord désargenté ?
La promesse faite à Copenhague est confirmée et amplifiée. Les pays développés devront bien allouer aux pays vulnérables 100 milliards de dollars (92 Md€) par an à partir de 2020, 5 années durant. En 2025, la COP 31 devra augmenter cette contribution annuelle. Le texte « reconnaît aussi combien il importe de fournir des incitations aux activités de réduction des émissions, s’agissant notamment d’outils tels que les politiques nationales et la tarification du carbone ».
L’accord de Paris prévoit aussi plusieurs mécanismes de marché qui permettront de financer la protection des puits de carbone que sont les forêts tropicales (Redd+) et les investissements en matière de développement durable dans les pays du Sud. Ce dernier dispositif (connu des initiés sous son acronyme, ITMO) est probablement appelé à succéder au mécanisme de développement propre, créé par le protocole de Kyoto.
One shot ?
L’accord de Paris engage la communauté internationale dans une dynamique vertueuse. La plupart des Etats devront « actualiser » (comprendre « améliorer ») leur contribution déterminée au niveau national (INDC) en 2020, puis par la suite selon un rythme quinquennal.
Un regret ?
Après avoir sommairement figuré dans quelques brouillons, l’aviation commerciale et le fret maritime ont fini par être évincés de l’accord de Paris. A l’origine de 6% environ des émissions anthropiques de CO2, ces deux secteurs ne sont pas, tout à fait, oubliés pour autant. Le 1er décembre, le président de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a confirmé son intention de lancer un système d’échange de quotas d’émission sectoriel en 2020, année d’entrée en vigueur de l’accord de Paris. La marine marchande n’en est pas encore là. Nul doute que l’accord universel et contraignant devrait faire réfléchir les dirigeants de l’Organisation maritime internationale (OMI).
[1] Long de 16 pages, dans sa version française, l’accord de Paris est annexé, en fait, aux décisions de la COP 21.
[2] Giec : Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat
Alain KALT (retranscription)
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