2°C, c’est plié ?
Le 01 avril 2016
Par Valéry Laramée de Tannenberg
Deux chercheurs détaillent les efforts à réaliser pour atteindre les objectifs fixés par la COP 21. Inatteignables, estiment-ils. A moins de décarboner le système énergétique et d’absorber une partie du CO2 présent dans l’atmosphère.
C’est le genre de calcul qui fait froid dans le dos. Dans un article publié ce vendredi 1er avril par Energy Policy, Glenn Jones et Kevin Warner font un peu de prospective énergétique et climatique.
En s’appuyant sur les projections démographiques de l’ONU, les tendances d’évolution de la consommation d’énergie par tête calculées par BP, l’association d’anciens ingénieurs pétroliers Aspo et de chercheurs, les deux scientifiques de l’université de Galveston (Etats-Unis) estiment la quantité de CO2 énergétique que relâchera l’humanité entre 1900 et 2100.
Démographie et énergie
Résultat des courses : la stabilisation à 2°C, voire 1,5°C, promise par l’accord de Paris s’annonce des plus délicates. D’ici la fin du siècle, la population devrait passer de 7 à 11, voire 12 milliards d’habitants. Reprenant la tendance observée depuis le début du siècle, les auteurs considèrent que la demande d’énergie doublera d’ici 2100.
Avec un bouquet énergétique proche de celui que nous connaissons aujourd’hui, ces besoins nous amènent dans le mur à grande vitesse. Oublié le scénario du Giec[1] RCP 2,6, seul à même de stabiliser le réchauffement à des niveaux comparables à ceux préconisés par l’accord de Paris. Glenn Jones et Kevin Warner estiment que les émissions tendancielles cumulées atteindront 4.700 milliards de tonnes de CO2 en 2100. On est très au-delà de la limite des 2.900 Mdt préconisée par le Giec dans son dernier rapport.
Tout l’investissement dans les renouvelables
Le réchauffement de 2,5 à 3°C, comme l’estime probable les deux chercheurs, est-il inéluctable ? En théorie, non. Mais les moyens à mettre en œuvre sont considérables et la (vraie) transition énergétique doit immédiatement démarrer. Jugez plutôt. D’une façon générale, l’utilisation des énergies fossiles doit être considérablement réduite. Le tiers des réserves de pétrole, la moitié de celles de gaz naturel et la quasi-totalité des filons de charbon devront rester sous terre.
Tout l’investissement doit, dès à présent, être fléché vers les énergies décarbonées, en général, et renouvelables, en particulier. Car pour freiner les ardeurs inflationnistes du mercure du thermomètre planétaire, les renouvelables devront fournir la moitié de l’énergie mondiale en… 2028. Soit le triple de leur production actuelle. Excusez du peu.
13 millions d’éoliennes
A supposer que les banquiers trouvent les fonds nécessaires, que les politiques votent les lois adéquates, que les ensembliers disposent de tous les matériaux nécessaires, un tel effort est-il imaginable ? Disons-le tout de suite : non. Pour satisfaire notre appétit énergétique tout en le décarbonant au niveau des 2°C, c’est près de 13 millions d’éoliennes de 5 mégawatts qu’il faudrait mettre en batterie (et changer tous les 20 ans), une superficie de 600.000 kilomètres carrés de panneaux photovoltaïques (plus étendue que la surface de la France). Sans oublier les 2 millions de km2 de bassins où seront cultivées les algues qui produiront les carburants liquides de demain. Actuellement, les énergéticiens prévoient de construire ou de mettre en service 1.500 centrales au charbon dans le monde. Or, révèle une étude de l’université d’Oxford, on devra arrêter la construction de telles installations dès 2018 pour avoir une chance sur deux de stabiliser le réchauffement à 2 °C.
Faut-il s’en étonner ? Sûrement pas. « Cette étude est en ligne avec ce que pensent les économistes pour qui les scénarios 2°C doivent généralement faire appel à des procédés permettant de ‘pomper’ du CO2 de l’atmosphère dans la seconde moitié du siècle (ou avant). Cette difficulté est implicitement reconnue dans la COP 21 qui note qu’en 2030 nous en serons à 55 Mdt équivalent CO2 alors qu’il faudrait être à 40 », rappelle le climatologue Jean Jouzel.
De fait, dans son article 4, l’accord de Paris souligne qu’il faudra « parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre au cours de la seconde moitié du siècle ». Dit autrement, la décarbonation massive de notre système énergétique ne suffira pas pour stabiliser le réchauffement. L’humanité devra aussi recourir à des moyens (la forêt) et des techniques (à développer) pour réduire sensiblement la concentration de gaz carbonique dans l’atmosphère en quelques décennies. La partie est bien loin d’être gagnée.
Actuellement, les énergéticiens prévoient de construire ou de mettre en service 1.500 centrales au charbon dans le monde. Or, révèle une étude de l’université d’Oxford, on devra arrêter la construction de telles installations dès 2018 pour avoir une chance sur deux de stabiliser le réchauffement à 2 °C.
[1] Giec : Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat
Alain KALT (retranscription)
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