Quatre ans après sa mise en place, premiers bilans pour Reach
Le 23 juin 2011 par Geneviève De Lacour
Reach a fêté ses 4 ans et commence à faire son bilan.
Le temps de l’évaluation est arrivé. Le règlement européen issu d’une bataille rangée entre industriels et défenseurs de l’environnement avait tout d’une mission « presque impossible ». Le texte est entré en vigueur le 1er juin 2007 et les procédures d’enregistrement, d’évaluation, d’autorisation et de restriction des substances chimiques se mettent lentement en place au niveau européen. Le 1er juin 2012, la Commission européenne rendra publics les résultats de son évaluation et les risques éventuels de chevauchement avec d’autres réglementations environnementales.
Le colloque organisé par l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) qui s’est tenu à Paris, aujourd’hui 23 juin, a permis de dresser un premier bilan. Au 30 novembre 2011, 24.675 dossiers d’enregistrement avaient été déposés. 20.175 dossiers complétés et 4.840 substances ont été enregistrées au 31 mai 2011. Seules 26 substances ont été rejetées par l’Agence européenne pour les produits chimiques (Echa). « Nous sommes au tout début du process », déclare Sebastian Gil de la direction générale de l’environnement de la Commission européenne chargée de superviser la mise en œuvre de la législation.
En France, 950 substances devront être évaluées entre 2012 et 2021, soit environ 95 substances par an. L’intention des autres Etats de l’Union européenne n’est pas aussi ambitieuse. Ils envisagent d’évaluer 40 substances en 2012, 50 en 2013 et 50 en 2014.
A partir du 1er juin 2011, les industriels devront notifier la présence de substances préoccupantes (SVHC) dans leurs produits si ces substances représentent plus d’une tonne par an, ou bien si elles sont présentes à une concentration égale à 0,1% du poids total du produit. A noter qu’un nouveau guide a été publié au 1er avril 2011 sur la signification du 0,1% pour les substances candidates (voir JDLE sur les substances candidates à l’autorisation). En effet, 6 Etats membres, plus la Norvège, continuent à débattre de la signification de ces 0,1% et cela malgré l’avis fourni par le service légal de la Commission européenne.
Actuellement 46 substances préoccupantes sont candidates pour l’autorisation. Elles appartiennent à la catégorie des CMR (substances cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques), ou des substances persistantes (les PBT), ou des substances très persistantes et très bioaccumulables (vPvB) ou enfin à la famille des perturbateurs endocriniens. La Commission européenne, en accord avec les Etats membres, s’est engagée à inclure 90 substances préoccupantes supplémentaires d’ici 2012. En matière d’autorisation, « on s’attendait à avoir beaucoup plus de substances inscrites à la liste SVHC, », explique Henri Bastos, chef de l’unité Reach à l’Anses. Il estime qu’en matière de classification et d’étiquetage, la France semble être bien placée avec 20% des dossiers communautaires déposés, « mais il faut maintenir l’effort ».
Pour l’instant, les substances soumises à autorisation, donc inscrites au niveau de l’annexe 14 du règlement ne sont que 6. Un chiffre qui constitue, selon Olivier Fuchs, « un vrai enjeu » pour le règlement Reach puisque ce chiffre est « bien inférieur à ce qui était attendu » selon le magistrat, associé au centre de droit de l’environnement de Strasbourg. L’Echa aurait recommandé 8 nouvelles substances à inscrire sur la liste de l’annexe 14.
La difficulté la plus importante rencontrée jusqu’à présent dans la mise en place de Reach concerne le déficit d’information sur les substances chimiques et le recensement des usages réels du produit par les industriels.
Autre point négatif relevé par différents intervenants du colloque, Reach ne s’attaque pas aux effets cocktails des produits chimiques.
En revanche, un gros effort a été apporté en matière de méthodes alternatives pour l’évaluation des risques. Avec cette réglementation, « les potentiels d’innovation sont énormes », s’enthousiasme Olivier Fuchs. Reach va permettre une meilleure connaissance et une plus grande sensibilisation aux produits chimiques ».
Quelles seront les échéances pour 2012 ? Toutes les substances de faible tonnage seront prises en compte, la possibilité d’un besoin de modification de la réglementation sera envisagée. Enfin, l’Echa fera l’objet d’une évaluation.
Considéré comme une approche préventive et surtout la seule voie pour combattre la « toxic ignorance », Reach apparaît comme une réglementation totalement novatrice. Et elle fait quelques émules parmi les pays riverains -la Suisse et la Turquie adoptent actuellement une réglementation similaire à Reach et la Russie devrait suivre– et elle inspire d’autres pays plus lointains (Australie, Chine, etc.)
« Cette réglementation est extrêmement jeune et n’est pas facile à appréhender pour les autorités, les industriels et pour l’agence d’évaluation des produits chimiques », a conclu Sebastian Gil.
Alain KALT (retranscription)
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