Environnement Lançonnais

Mercure dentaire : le prochain scandale sanitaire français ?

mercredi 2 novembre 2011 par Alain KALT (retranscription)

Le 28 octobre 2011 par Geneviève De Lacour

L’Europe prévoit l’analyse du cycle de vie des amalgames dentaires d’ici 2012

Au moment où le Comité intergouvernemental de négociation, sous l’égide du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), se réunit du 31 octobre au 4 novembre à Nairobi (Kenya) pour discuter d’un plan de lutte contre la pollution au mercure, le Réseau environnement-santé a décidé d’alerter sur les effets toxiques des amalgames dentaires. Les « plombages » qui soignent nos caries contiennent en effet 50% de mercure. Et l’exposition prolongée à ce métal et à ses vapeurs aurait des conséquences désastreuses sur la santé, notamment des enfants et des femmes enceintes.

Une alimentation trop sucrée et c’est la carie assurée. Pour la soigner, le dentiste utilise, depuis 170 ans, un « plombage ». En fait, il s’agit d’un amalgame dentaire contenant 50% de mercure inorganique associé à de l’argent ou de l’étain. Ainsi, chaque année, 17 tonnes de mercure seraient ainsi placées dans la bouche des Français, un métal présent dans 70% des plombages de molaires ou prémolaires.

Mais ce métal est aussi un poison. Selon André Picot, toxicochimiste, le mercure est un produit cancérogène, mutagène et reprotoxique un CMR. Ce neurotoxique est également toxique pour le système immunitaire et hormonal. Il s’accumule dans l’organisme au niveau du cerveau, des glandes endocrines, ou du système cardio-vasculaire. Il est donc impossible de définir une dose d’exposition sans danger pour la population fragile. Ce sont les vapeurs de mercure organiques qui sont les plus toxiques mais le mercure inorganique n’est pas exempt de danger pour la santé.

« Il n’y a aucune trace de mercure dans les urines et le sang des personnes qui ont des amalgames. Il n’y a jamais eu de preuve scientifique que c’est dangereux pour la santé », assure Roland L’Herron, président de la confédération nationale des syndicats dentaires.

Pourtant, plusieurs associations – « Non au mercure dentaire », le Réseau environnement-santé (RES), l’Association toxicologie-chimie- ont rencontré la presse jeudi 27 octobre, à la veille de la tenue du troisième round des négociations internationales sur le mercure (NC3), à Nairobi. Elles demandent aux autorités françaises de prendre en compte à la fois la littérature scientifique foisonnante sur le sujet, mais aussi la position internationale favorable au remplacement des amalgames, et enfin les problèmes de conflit d’intérêt au sein du groupe de travail sur les amalgames dentaires mis en place par l’Agence française de sécurité sanitaires des produits de santé (Afssaps). En effet, un premier rapport de l’agence, publié en 1998, préconisait une restriction d’emploi pour les enfants. Mais un second document, publié en 2005, est venu contredire cette position. Dans ses conclusions, l’Afssaps justifie son opposition au remplacement des amalgames par le fait que cela « pourrait faire courir un risque pour la santé ».

Quelles populations sont les plus exposées au problème ? Selon Marie Grosman, conseillère scientifique de l’association « Non au mercure dentaire », d’abord la profession dentaire, celle qui manipule ces produits et inhale les vapeurs. D’ailleurs, « les fiches de sécurité envoyées par les fabricants aux dentistes sont extrêmement alarmantes », affirme la vice-présidente pour l’Europe de l’alliance mondiale d’une dentisterie sans mercure. Ensuite, viennent les usagers et parmi eux les enfants et les femmes enceintes qui sont aussi les plus sensibles.

Faut-il, pour autant, faire enlever ces amalgames ? « Sans doute, mais très progressivement et de façon très précautionneuse », explique Marie Grosman : « Une dépose hâtive peut faire courir de grands risques ». Sur ce point, les dentistes sont d’accord : la dépose est plus dangereuse que la pose. La France est donc le seul pays à s’opposer à l’arrêt des amalgames dans l’Union européenne, alors que cette solution a été préconisée par le groupe d’experts chargé de réfléchir à la révision de la stratégie communautaire. Mais si la toxicité des amalgames a été scientifiquement prouvée, pourquoi la France continue-t-elle non seulement à les employer mais aussi à les défendre ? Selon les dentistes, les composites qui les remplacent n’auraient pas tout à fait les mêmes qualités mécaniques que les amalgames. Un composite aurait une durée de vie de 3 à 5 ans en moyenne, un amalgame, au moins le double. De plus, les composites seraient plus compliqués à poser, moins résistants à l’abrasion et très sensibles à l’humidité. Quant aux associations, elles considèrent que les produits de remplacement, à base de verre dit ionomère, ont fait leurs preuves : ils permettent d’enlever moins de dent, sont aussi bien remboursés que les amalgames, pour une longévité au moins identique. Ne serait-ce alors qu’une bataille d’experts sur le sujet de la substitution ? Pas tout à fait… La conseillère scientifique de « Non au mercure dentaire » affirme que la profession dentaire joue un rôle beaucoup trop stratégique au sein du groupe de travail sur les amalgames dentaires mis en place par l’Afssaps. Elle évoque les conflits d’intérêt de certains membres de ce comité qui travaillent ou auraient travaillé pour de grands groupes de pharmacie dentaire. « C’est un nouvel exemple de dysfonctionnement du système de sécurité sanitaire, nous avons plusieurs décennies de retard », dénonce André Cicolella, président du RES, estimant que l’épidémie de maladies chroniques relevée récemment à l’ONU impose de ne pas retarder l’action publique. En étant le seul pays à s’opposer officiellement à l’arrêt des amalgames dans l’Union européenne, la France reste ainsi « dans une position isolée et incohérente ». Puisque, selon Marie Grosman, le plan national Santé-environnement 2 (PNSE2) demande une réduction de l’exposition au mercure de la population de 30% d’ici 2013.

Faits nouveaux : le Conseil de l’Europe a adopté en mai dernier une résolution invitant à la restriction, voire l’interdiction des amalgames comme matériaux d’obturation dentaire. Dans un récent rapport, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) suggère l’utilisation de matériaux alternatifs et trois pays nordiques ont récemment interdit l’amalgame dentaire. La Suède a décidé de dérembourser les amalgames en 1999 avant de les interdire en juin 2009. Le 10 mars 2010, le gouvernement suédois a franchi un nouveau cap, en demandant au Conseil européen des ministres de l’environnement d’inclure l’utilisation du mercure dentaire dans sa stratégie. La Suède veut ainsi faire pression sur l’Europe pour qu’elle s’intéresse enfin aux amalgames, qui constituent l’utilisation la plus importante de mercure dans les produits non soumis à restriction au sein de la communauté européenne. Depuis le 1er janvier, la Norvège, a interdit l’usage du mercure pour toutes ses applications et notamment les amalgames dentaires. Enfin, le Danemark a suivi le même chemin.

Quant à l’Afssaps, elle justifie sa position en affirmant que « les matériaux alternatifs à l’amalgame restent actuellement plus complexes et plus coûteux à mettre en œuvre avec une longévité moindre. » « La Suède ne pose plus d’amalgames et elle réussit très bien à s’en passer », nuance Marie Grosman. Aujourd’hui 28 octobre, sur son site internet, l’Afssaps mentionne avoir engagé un travail de mise à jour des recommandations relatives aux amalgames dentaires émises en 2005. D’ailleurs le rapport de 2005 n’est plus accessible. « Cette étude, incluant la question des alternatives à l’amalgame, fera l’objet de la publication d’une mise au point début 2012 », précise l’agence.

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