Bientôt des étiquettes légales pour le « sans OGM »
Bientôt des étiquettes légales pour le « sans OGM » par Anne FURET, Eric MEUNIER , novembre 2009 Le 3 novembre, le Haut conseil des biotechnologies (HCB) a rendu public son avis sur la définition des filières dites « sans OGM ». Dans les mois à venir, il reviendra au gouvernement de réglementer cet étiquetage. Très attendu, cet avis intervient conformément à l’article 2 de la loi du 25 juin 2008 sur les OGM [1], qui prévoit que les OGM ne peuvent être utilisés que dans le respect « des filières de productions et commerciales ‘avec’ ou ‘sans OGM’ ». Le Haut conseil des biotechnologies est une instance d’évaluation, d’expertise et de concertation, créée en avril 2009. Il est composé de deux entités : un comité scientifique (CS) et un comité économique, éthique et social (CEES). En juin dernier, le gouvernement a saisi le HCB sur la définition du « sans OGM », et c’est le CEES qui s’est penché sur la question. Ce comité estime avoir réussi cet exercice car, comme le précise sa présidente, Christine Noiville, « ce travail imposait d’atteindre un compromis du fait des exigences variées, voire opposées, des différents acteurs ».
Sommaire Synthèse de l’étiquetage selon le taux de présence de l’ADN (...) Les enjeux de la qualification « sans OGM » La situation actuelle du « sans OGM » en France L’étiquetage « sans OGM » dans les autres pays européens Qui paiera ?
Le CEES propose une possibilité d’étiquetage pour valoriser l’absence d’OGM et fournit des recommandations pour trois types de produits alimentaires : les produits végétaux (ex. polenta, tofu, etc.), les produits issus d’animaux (viande, œufs, lait, etc.), et les produits issus de l’apiculture (miel, gelée royale, etc.).
Les produits végétaux devraient être étiquetés « sans OGM » dès lors qu’ils contiennent moins de 0,1% d’ADN transgénique (seuil de quantification), et qu’ils sont « susceptibles d’être génétiquement modifiés ou de contenir des produits susceptibles d’être génétiquement modifiés ». Ainsi, on ne peut pas étiqueter « carotte râpée sans OGM » car il n’y a pas de carotte GM sur le marché européen. Pourquoi n’avoir pas choisi le seuil de détection (0,01%), comme le demandaient la FNSEA, l’ANIA et la CFDT notamment ? Tout simplement, nous confie un membre du HCB, car « ce seuil n’est pas réalisable en pratique : choisir ce seuil revenait donc à proposer de ne légiférer sur rien ! ».
Pour les produits issus d’animaux, le HCB propose une mention « nourri sans aliments OGM », pour le bétail alimenté sur toute sa vie avec des produits contenant moins de 0,1% d’ADN transgénique. Cependant, le HCB recommande la mise en place d’un étiquetage spécifique pour la « zone grise », entre 0,1 et 0,9% de présence d’ADN transgénique dans l’alimentation, c’est-à-dire pour les animaux nourris avec des végétaux non étiquetés OGM ni « sans OGM ». « Cette possibilité permettrait aux opérateurs utilisant des aliments non étiquetés OGM de valoriser leurs efforts, tant que l’Union européenne ne sera pas autonome en matière de production de protéines pour l’alimentation animale », précise l’avis. En effet, à l’heure actuelle, les élevages français sont fortement dépendants des importations de soja en provenance du continent américain, lequel est certifié « non OGM » en dessous de 0,9% de présence d’OGM. Mais l’avis précise deux points importants : cet étiquetage devra être distinct de l’étiquetage « nourri sans aliment OGM » « afin d’induire le moins de confusion possible dans l’esprit des consommateurs » ; et « un plan de progrès permettant d’obtenir un seuil significativement plus bas devrait être mis en œuvre dès la mise en place de cet étiquetage » afin que le 0,9% ne devienne pas une norme intangible.
Pour les produits issus de l’apiculture, le « sans OGM » devrait être fondé non pas sur un seuil de présence d’ADN mais sur une distance entre le rucher et les cultures d’OGM. Le CEES demande donc aux pouvoirs publics de saisir le Comité scientifique du HCB pour lui proposer une telle distance.
Synthèse de l’étiquetage selon le taux de présence de l’ADN transgénique Présence d’ADN transgénique < 0,1% entre 0,1% et 0,9% > 0,9% Produits végétaux « Sans OGM » Aucun étiquetage Étiquetage positif obligatoire « contient des OGM » Réglementation UE Produits issus d’animaux « Nourri Sans OGM » Étiquetage spécifique à la zone grise Aucun étiquetage obligatoire Produits de l’apiculture Sans OGM si absence de culture d’OGM dans un rayon d’une distance à définir
Les enjeux de la qualification « sans OGM » Premièrement, la définition du « sans OGM » conditionnera les règles de coexistence des cultures GM et non GM. Ces règles devraient être définies en 2010.
Ensuite, cet étiquetage contribuera à une meilleure information du consommateur. A l’heure actuelle, l’étiquetage des OGM ne concerne que les produits qui contiennent des OGM au-delà de 0,9% (cf. encadré en bas de l’article). Il ne garantit donc aux consommateurs qu’une présence inférieure à 0,9%. En outre, avec un étiquetage pour les produits issus d’animaux non nourris avec des OGM, le lien entre OGM et alimentation animale est pour la première fois établi pour le consommateur. Les protéines végétales (le soja notamment) tiennent une place majeure dans l’alimentation animale européenne, et sont fortement concernées par la problématique OGM (60% des cultures mondiales de soja sont génétiquement modifiées). A l’heure actuelle, sur les 4,5 millions de tonnes de soja importées pour le bétail français, seul 1/5 est certifié non-OGM. Malgré cela et jusqu’à nos jours, l’alimentation génétiquement modifiée des animaux n’a fait l’objet d’aucun étiquetage sur le produit final.
Enfin, cet étiquetage participera à l’émergence d’un marché du soja non GM en France. La France valorisera les efforts considérables des producteurs qui avaient déjà fait le choix de ne pas utiliser d’OGM dans l’alimentation des animaux. Un tel étiquetage constituera un signal fort adressé aux producteurs américains de soja. A l’heure actuelle, et comme le rappelle le Groupe international d’études transdisciplinaires (GIET), « toute une partie de la production brésilienne de soja non GM, se trouve, après récolte, mélangée à du soja GM car maintenir une filière non génétiquement modifiée nécessite des investissements (silos, camions, containers séparés...) » [1]. Pour engager ces investissements, il faut que les fournisseurs brésiliens puissent tabler sur une demande européenne garantie de soja non OGM.
La situation actuelle du « sans OGM » en France Pour les produits végétaux, une note d’information de 2004 de la DGCCRF [2] prévoit que ne peuvent être étiquetés « sans OGM » que les produits susceptibles de contenir des éléments issus de PGM (soja, maïs, coton, colza...), et qui peuvent garantir une présence d’OGM inférieure au seuil de détection (0,01%). On trouve dans les rayons quelques produits végétaux étiquetés conformément à la note de la DGCCRF (tofu, lait de soja « issu de filières non OGM ») mais cet étiquetage reste très confidentiel au regard de son caractère strict. Pour l’étiquetage des produits issus d’animaux, selon la note d’information de 2004, une allégation sur les OGM ne peut porter que sur l’alimentation des animaux, et sous réserve qu’elle respecte les exigences précitées (moins de 0,01%). Le caractère extrêmement strict de cette note a conduit à ce qu’aucun produit issus d’animaux ne puisse être étiqueté « sans OGM », en dépit des efforts de certaines filières animales pour ne pas nourrir leurs animaux avec des OGM.
Malgré cette note, en juin 2009, on a vu fleurir dans les supermarchés un étiquetage sans OGM sur les produits Fermiers de Loué. Les volailles et les œufs ont été marqués d’étiquettes « nourri sans utilisation d’OGM* », le renvoi * précisant « minimum 99,1 % », cela alors même que la réglementation n’est pas encore adoptée. Un étiquetage anticipé en forme de lobbying pour la prochaine réglementation [3]...
Historique de l’étiquetage sans OGM
Septembre 2007 : l’intergroupe du Grenelle de l’environnement demande l’adoption d’une loi sur les OGM déclinant notamment le principe du libre-choix de produire et de consommer sans OGM 25 juin 2008 : la loi sur les OGM est publiée et prévoit en son article 2 : « Les organismes génétiquement modifiés ne peuvent être cultivés, commercialisés ou utilisés que dans le respect [...] des filières de production et commerciales qualifiées « sans organismes génétiquement modifiés”, et en toute transparence. La définition du »sans organismes génétiquement modifiés” se comprend nécessairement par référence à la définition communautaire. Dans l’attente d’une définition au niveau européen, le seuil correspondant est fixé par voie réglementaire, sur avis du Haut Conseil des biotechnologies, espèce par espèce. » Octobre 2008 : premier étiquetage « sans génie génétique » en Allemagne, sur un lait de vache commercialisé par Campina, sous la marque Landliebe. 19 mai 2009 : le Conseil national de la consommation rend son avis sur la qualification sans OGM, qui recommande l’étiquetage « sans OGM » des produits issus d’animaux [4]. L’objectif est de valoriser l’utilisation d’aliments pour animaux non étiquetés, à savoir ceux contenant de façon fortuite ou techniquement inévitable moins de 0,9% d’OGM.
L’étiquetage « sans OGM » dans les autres pays européens Aujourd’hui, trois pays européens ont déjà mis en place cet étiquetage : l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie. Et mi-octobre, le gouvernement irlandais a annoncé sa volonté de le créer. Pour le cas de l’Allemagne, les produits issus d’animaux peuvent être étiquetés « ohne gentechnik » (« sans génie génétique ») si les animaux ont été nourris avec des aliments non étiquetés ou non tracés OGM (moins de 0,9% dans les aliments). Critiqué pour son caractère trop souple (seuil de 0,9%, nourriture non OGM seulement pendant la dernière période de la vie de l’animal), cet étiquetage a été appliqué en octobre 2008 par la coopérative Campina, qui a lancé le lait de vache « ohne gentechnik ». Un an plus tard, l’entreprise annonçait que cet étiquetage avait dopé ses ventes de 7,7% [5].
Qui paiera ? En arrière plan de cet avis, se profile la question de la répartition des coûts d’une production « sans OGM », et donc de la viabilité des filières sans OGM. Ces coûts doivent-ils reposer sur la filière elle-même ? Sur les producteurs d’OGM ? Sur l’ensemble de la profession ? Le HCB précise dès le début du texte qu’une analyse économique s’impose sur cette question, et cela risque de déclencher des débats assez houleux. Par ailleurs, le CEES précise que les impacts d’un tel étiquetage sur la coexistence des filières seront étudiés dans le cadre d’une saisine du HCB que le gouvernement ne devrait pas tarder à lui adresser.
OGM, alimentation & étiquetage Les OGM sont peu présents directement dans l’alimentation humaine. Dans l’Union européenne, un produit n’est étiqueté qu’à partir d’un seuil de présence de 0,9% dans l’un de ses ingrédients. En dessous de 0,9%, l’étiquetage est également exigé lorsque cette présence n’est pas accidentelle ou techniquement inévitable. Du fait de l’opposition des consommateurs européens, seule une trentaine de produits est étiquetée OGM, et il s’agit principalement de produits importés des États-Unis et d’huiles de soja. Mais les OGM pénètrent massivement la chaîne alimentaire via l’alimentation animale. Jusqu’à nos jours, aucun étiquetage ne permet au consommateur de savoir, si oui ou non, les produits sont issus d’animaux nourris avec des OGM. Seul les produits biologiques apportent cette garantie, avec une tolérance de présence de 0,9% d’OGM dans l’alimentation du bétail. Certains labels rouges et marques privées fournissent le même effort (Loué, porc de la filière qualité Carrefour, viande bovine AOC Maine-Anjou, certains fromages, etc.) mais ils ne peuvent l’afficher directement sans violer la réglementation existante.
[1] http://www.legifrance.gouv.fr/affic...
[1] http://www.giet-info.org/articles.p...
[2] DGCCRF, note d’information n°2004-113 du 16 août 2004
Alain KALT (retranscription)
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