Le bisphénol S pire que le bisphénol A ?
Le 06 février 2013 par Marine Jobert
Après le BPA, le BPS sera t-il banni des tickets de caisse ?
Début 2015, plus aucun contenant alimentaire ne pourra contenir de bisphénol A. Si la France est à l’avant-garde de la défiance envers ce perturbateur endocrinien, ne risque-t-elle pas d’autoriser des substances de substitution aussi nocives que celle qu’elle entend combattre ? C’est la suspicion que vient jeter une étude américaine, qui établit l’effet de perturbateur endocrinien à faible dose du bisphénol S, un substitut utilisé sans traçabilité dans des produits de la vie courante.
Le bisphénol S (BPS), utilisé comme substitut au bisphénol A (BPA), est un perturbateur endocrinien, même à très faible dose. Une étude, menée par l’université du Texas et publiée dans la revue Environmental Health Perspectives, décrit pour la première fois comment le BPS perturbe la réponse hormonale de cellules de rats à des doses très faibles. Aucune étude précédente n’avait passé en revue les mécanismes d’action non génomiques du BPS, ni travaillé à partir de concentrations si basses, conformes à celles que l’on trouve dans l’alimentation, dans l’environnement et dans des échantillons d’urines humaines. « Bien que moins susceptible de migrer sous l’effet de la chaleur ou de la lumière que le BPA, le BPS a une capacité de migration en petites quantités et en usage normal », écrivent les auteurs. Cette découverte est une douche froide, tant chez les industriels que pour les pouvoirs publics, lancés dans une course contre la montre pour proposer des substituts sans danger au très controversé BPA [JDLE].
En août 2011, l’Institut national de l’environnement Industriel et des risques (Ineris) publiait une étude prospective sur les contenants alimentaires, dans la perspective de l’interdiction totale du BPA. Sous la bannière « remarque importante », l’Ineris mettait alors en garde : « Certaines des alternatives au polycarbonate pourraient présenter des risques non négligeables. En effet, un des substituants au polycarbonate est le polyethersulfone (PES), fabriqué lui-même à partir d’un autre bisphénol (le bisphénol S). Ce monomère présente également une activité de perturbateur endocrinien (PPRC, 2010) et il a été beaucoup moins étudié que le BPA (Anses, 2010). » Dès 2009, une étude japonaise émettait également des doutes sur le bien fondé de la substitution : « Si le BPS pose des risques moindres à la santé humaine que le BPA ou le BPF [un autre type de bisphénol], le BPS est peu susceptible de biodégradation et peut être persistant dans l’environnement, devenant un fardeau écologique. »
Aujourd’hui, il semblerait que le BPS soit notamment utilisé dans les papiers thermiques (facturettes de cartes bancaires, reçus, lotos, tickets de cinéma et de concert, étiquettes d’identification, badges d’identification). On pense notamment aux tickets de caisse, ceux-là mêmes qui portent la mention « ne contient pas de BPA » ! C’est le cas aux Etats-Unis. Et en France ? Impossible de le savoir pour l’instant. Interrogé par Le Journal de l’environnement, l’Ineris répond : « Nous ne disposons pas de liste de produits contenant du BPS. Puisque cette substance n’est pas réglementée, il n’y a pas d’obligation de déclaration ». Une étude parue en août 2012 dans Toxicology In Vitro ne laisse pourtant pas d’inquiéter : « Le BPS est aujourd’hui abondamment utilisé comme substitut dans la production de biberons pour bébé. L’une des raisons principales pour restreindre l’utilisation du BPA a été sa faible activité oestrogénique. Nos recherches démontrent que l’activité oestrogénique du BPA et du BPS sont d’une force comparable. »
L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a lancé un « appel à contributions sur les produits de substitution pour réduire les expositions des populations les plus sensibles ». Les résultats seront connus en avril et l’Anses se refuse à communiquer aujourd’hui. D’autres structures sont à pied d’œuvre sur le sujet. Patrick Balaguer, directeur de recherche à l’Institut de recherche en cancérologie de Montpellier, travaille sur les alternatives au BPA, et notamment sur les effets du BPS sur les récepteurs des hormones sexuelles. « Nos résultats montrent que, à ce stade, le BPS est parmi les bisphénols celui qui est le plus « safe », donc celui que l’on recommanderait », explique-t-il au Journal de l’environnement. René Habert, chercheur (Inserm-CEA) et co-auteur d’une étude remarquée sur le BPA [JDLE], travaille à la comparaison entre BPA et BPS. « Il n’y pas un substitut capable de remplacer seul tous les usages du BPA, qui était une sorte de produit magique du point de vue industriel. » Et d’énoncer les BPS, BPF, BPAP et autre Badge susceptibles de remplacer le BPA. Et pour lesquels les études sont rares. « On a interdit très vite le BPA, mais sans avoir de produits de substitution validés à proposer », résume Patrick Balaguer.
Alain KALT (retranscription)
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