Comment libérer les enfants de la télévision
Jacques Brodeur (Edupax)
vendredi 12 juillet 2013
La méthode pédagogique du "Défi sans écrans" a fait ses preuves depuis 2007 : il est possible de se désintoxiquer de la télévision, et les effets sont très positifs sur la santé et les relations humaines.
On peut bien avoir découvert un remède, encore faut-il que le malade accepte de le prendre. C’est une chose de vouloir réduire le temps-écrans de nos enfants, c’en est est une autre que de les amener à vouloir (et pouvoir) le faire.
L’approche thérapeutique utilisée avec des milliers d’élèves dans plus de cent écoles québécoises et françaises, sous le nom de Défi sans écrans, reproduit celle développée à Saint-Basile-le-Grand en avril 2007. L’exploit avait fait la « une » du Journal de Montréal : "653 enfants en désintox !" (1)
Après trois mois de préparation, les enfants ont réduit leur consommation à 8,9 jours en moyenne. Deux enfants sur trois ont complètement neutralisé les écrans présents chez eux. Aucun dommage, que des avantages collatéraux.
Après évaluation, le Défi sans écrans a été jugé utile par 88% des parents, 79% des élèves et 95% des membres du personnel. A-t-il amélioré la santé et le bien-être des enfants ? 66% des parents et 71% du personnel pensent que oui.
Principaux acquis (2,3)
75% des parents et 87% des enfants disent avoir constaté l’augmentation du temps consacré aux activités physiques et sportives.
52% des enfants disent avoir lu plus souvent. La qualité des devoirs et des leçons s’est améliorée, au dire de 45% des enseignants.
70% des parents et des enfants disent avoir passé plus de temps en famille. Les parents ont eux aussi réduit le temps-écrans : 55% pour les papas, 71% pour les mamans.
40% des parents ont noté une augmentation de l’aide fournie à la maison par leur enfant. Près de six enseignants sur dix ont noté une amélioration de la concentration des élèves en classe.
Le Défi sans écrans diffère du programme SMART à plusieurs égards mais les deux ont fait la preuve qu’ils conduisent les jeunes à des changements tangibles.
Réduction du temps consacré aux écrans ; les activités auxquelles les jeunes s’adonnent leur permettent de goûter autre chose, facilite leur reconnexion avec la réalité, la vie, le monde.
Augmentation du temps consacré à l’activité physique et à la lecture : vélo et lecture font augmenter le métabolisme plus que la télé.
Amélioration des résultats scolaires jusqu’à 10-15%.
Implication accrue des parents dans l’école ; ils se sentent moins jugés, moins coupables du comportement de fiston, mieux acceptés par le personnel, davantage partenaires que clients.
Valorisation de la relation école-communauté : l’école augmente son rayonnement dans le quartier et dans le village ; le public cesse de trouver que l’école coûte trop cher, l’école et les enfants redeviennent la fierté de la communauté.
Amélioration du climat à l’école et à la maison : que se passe-t-il quand les disputes pour faire les devoirs, pour choisir une chaîne, pour gérer l’utilisation de la console diminuent ? Les conversations familiales prennent du sens, les repas servent à échanger et à partager, la vie familiale reprend vie.
La majorité des parents trouvent le Défi sans écrans tellement utile pour la santé des jeunes et pour l’humeur des enfants qu’ils souhaitent que l’école le reprenne chaque année.
Les nouvelles technologies de communication ont-elles été conçues pour nous servir ou nous asservir ? L’heure est venue d’apprendre aux enfants à contrôler le débit de la télévision et autres écrans.
Quand les propriétaires de chaîne, ceux qui préparent la programmation, choisissent les émissions, décident les contenus, nous dévoilent ce qui se passe derrière l’écran, à l’abri de nos regards, pourquoi devrait-on jouer les vierges offensées ? La vérité, aussi choquante soit-elle, nous rend service, à nous de choisir comment répliquer. Le trio producteurs-diffuseurs-publicitaires obéit à des lois qui se situent aux antipodes de la santé mentale et physique des enfants.
Conseils
La réduction du temps-écrans incite les parents à porter meilleure attention aux conseils prodigués par des scientifiques, des pédiatres, des psychologues et des enseignants (4) :
prendre les repas en famille, sans télévision, vaut mieux que n’importe quelle émission « éducative » et n’importe quel bulletin de nouvelles ;
garder les enfants à l’abri des écrans au moins jusqu’à l’âge de 4 et 5 ans, l’exposition précoce pouvant affecter le développement du déficit de l’attention ;
l’enfant ne devrait pas être laissé seul devant l’écran, des scènes traumatisantes pouvant surgir à tout moment ;
limiter le temps-écrans des 6-11 ans à moins de 5h/s en leur apprenant à contrôler et planifier leur consommation hebdomadaire, à respecter les limites fixées ;
motiver les 12-16 ans à gérer le temps-écrans récréatif (tous écrans) en limitant le débit à 7h/semaine ;
sortir tous les écrans de la chambre de l’enfant ou de l’adolescent, cela contribuera au sommeil et à la réussite scolaire ;
interdire les écrans le matin avant de partir pour l’école facilite la concentration de l’enfant en classe ;
après le repas du soir, éviter les écrans, raconter une histoire et la lecture contribuent au sommeil ;
le téléphone portable doit être déposé dans un panier, dès l’entrée dans la maison ; les messages laissés par les appelants passent après le repas et les conversations familiales ; des enseignants obligent les élèves à le faire à leur entrée en classe, après avoir éteint l’appareil.
Limiter la publicité
La réduction du temps-écrans permet de rappeler aux élus les recommandations suivantes :
la publicité ciblant les enfants est injuste, immorale et doit être rendue illégale ; on ne laisse pas un chien affronter un enfant, les belligérants sont de force inégale ;
toute forme de publicité alimentaire doit être bannie à la télévision entre 6 et 22 heures ;
la publicité doit être interdite à l’école et dans le bus scolaire ;
la publicité pour des produits, régimes et moyens amaigrissants doit être bannie ;
les modèles anorexiques utilisés dans l’industrie de la mode et de l’apparence doivent être évités ;
le public doit être informé impartialement des études démontrant les impacts des écrans sur la santé des enfants ;
le personnel scolaire doit être outillé pour éduquer les enfants et les ados sur les impacts de leur consommation médiatique ;
les jeunes ont besoin d’aiguiser leur jugement critique face aux stratégies les prenant pour cibles, notamment les héros violents et les modèles sexistes utilisés pour les accrocher, les manipuler, les intégrer au consumérisme.
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Références
(1) Journal de Montréal, avril 2007. 653 enfants en désintox.
(2) Diaporama du bilan du Défi sans écrans à l’école Jacques-Rocheleau, juin 2007
(4) Commission scolaire de Montréal, dépliant distribué aux parents d’élèves des écoles primaires de la CSDM en 2003.
Alain KALT (retranscription)
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