Nouvelles perspectives pour l’obtention de cellules souches totipotentes
La guerre des cellules souches, qui dans certains pays pénétrés de conviction religieuse, opposait les utilisateurs de cellules souches embryonnaires (pluripotentes) à ceux contraints de se limiter à des cellules souches obtenues à partir de cellules adultes, risque dorénavant de s’éteindre faute de combattants. Une découverte que la plupart des scientifiques du domaine présentent comme révolutionnaire, vient d’être annoncée.
Jusqu’ici, des cellules souches pluripotentes humaines, capables de se développer dans n’importe quel organe du corps, peuvent être obtenues à partir d’un embryon de quelques heures ou jours. Mais le prélèvement détruit l’embryon. En 2006, Shinya Yamanaka de l’université de Kyoto avait réussi à reprogrammer des cellules adultes humaines en cellules souches pluripotentes qu’il a nommé induced pluripotent stem cells (iPSCs). Pour ce faire, il avait introduit dans les cellules adultes, grâce à un virus inoffensif, 4 gènes qui se trouvent dans les cellules souches pluripotentes, Ceci lui a valu, ainsi qu’à son collègue John Gurdon, de l’Université de Cambridge, le prix Nobel en 2012. Mais la méthode présentait divers inconvénients la rendant difficile à utiliser en médecine régénérative humaine. On craignait notamment que les nouveaux gènes ne s’associent avec d’autres déjà présents pour former des cellules cancéreuses.
Or, tout récemment, une équipe dirigée par le Pr. Charles Vacanti, de la Harvard Medical School, a réussi à obtenir chez la souris des cellules-souches à partir de cellules adultes, sans même modifier leur ADN. La méthode, mise au point en s’inspirant d’un phénomène découvert chez les végétaux ou chez certains serpents, consiste à « stresser » des cellules adultes, notamment en utilisant de l’acide. Celles qui survivent à l’opération, c’est à dire à un bain dit sub-lethal d’acide, d’un pH de 5.7, pendant 30 mn, manifestent après une semaine la présence de marqueurs génétiques identifiant les cellules-souches pluripotentes. Les chercheurs les ont nommé des "stimulus-triggered acquisition of pluripotency", ou STAP cells. (Cellules STAP)
Injectées dans un embryon de souris aux premières phases de sa formation (blastocystes), les cellules STAP se sont intégrées dans la structure et ont contribué, comme les cellules de celle-ci, à former des cellules souches pluripotentes. Les embryons se sont développés normalement, en comportant des cellules STAP dans tous leurs tissus. Ils ont donné naissance à des adultes comportant également ces cellules, dorénavant capables de s’incorporer dans le sperme ou dans les oeufs (ovocytes) , c’est à dire d’être transmises lors de la reproduction.
Dans un second essai, les chercheurs ont injecté des cellules STAP dans une souris adulte. Elles y ont formé des cellules pluripotentes. Plus surprenant est le fait que la même méthode du stress, appliquée à des cellules provenant de divers organes d’une jeune souris, les a dans le plus grand nombre des cas également transformées en cellules STAP. L’équipe affirme aujourd’hui (étude à paraître) pouvoir obtenir le même résultat avec des animaux adultes, y compris des primates.
Les cellules STAP placées dans certaines conditions, notamment en présence de facteurs de croissance, se transformeraient d’elles-mêmes en cellules-adultes viables. Les chercheurs estiment ainsi avoir mis à jour un mécanisme fondamental de réparation tissulaire..Il se produirait spontanément , dans n’importe quel organe, y compris le tissu placentaire. Les cellules STAP contribueraient ainsi à la guérison des blessures. Elles ont donc été nommées des cellules-souches STAP totipotentes.
Celles-ci pourraient donc être considérées comme les précurseurs de cellules-souches embryonnaires et être utilisées comme telles, sans entrainer la moindre destruction d’embryon. Elles devraient aussi pouvoir, sous réserve de confirmation, être utilisées comme greffe placentaire, y compris chez l’homme. En conséquence, Vacanti envisagerait actuellement la possibilité de se servir de telles cellules pour produire des clones, c’est-à-dire des organismes quasiment semblables à celui fournisseur de la cellule STAP. Elles seraient directement implantées dans l’utérus d’un(e) individu adulte.
Il s’agirait, là encore, d’une révolution, cette fois-ci dans le clonage. Jusqu’ici le clone était obtenu par transfert nucléaire, c’est-à-dire en remplaçant l’ADN d’une oeuf rendu infertile par l’ADN provenant d’une cellule adulte de l’animal à cloner. Mais l’oeuf cloné ne comportait pas d’ADN mitochondrial. Il ne produisait pas un clone parfait. Cela ne sera plus le cas en utilisant des cellules STAP provenant directement du donneur. Encore restera-t-il à démontrer que le mécanisme fonctionne dans tous les cas, c’est-à-dire qu’il produit des embryons viables. Quant à son utilisation chez l’homme les questions posées par le clonage resteraient entière.
Dans l’immédiat, les applications thérapeutiques humaines paraissent à portée. Selon Vacanti, il sera possible de placer une cellule STAP provenant d’un individu dans n’importe quel organe à réparer du même individu. Ne se poseraient donc pas de problèmes de rejet. En cas de cancer du foie par exemple, une cellule STAP saine provenant du foie d’un malade pourrait après implantation remplacer les cellules cancéreuses de ce même foie, non pas en les détruisant, mais en fonctionnant normalement à leur place. Ceci permettrait à l’organe de rester opérationnel, sur un mode il est vrai réduit.
Il est inutile de commenter ici la vitesse avec laquelle les biologistes et les généticiens apprennent à maîtriser les processus de reproduction génétique, dans la perspective de ce que l’on nomme désormais la biologie artificielle.
Références
1) Voir Harvard Gazette : Researchers create embryonic stem cells without embryo
http://news.harvard.edu/gazette/sto...
2) Voir Nature
http://www.nature.com/nature/journa...
Voir aussi Nature http://www.nature.com/nature/journa...
Alain KALT (retranscription)
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