Simplicité volontaire, la contradiction dans l’assiette !
Chaque fois que vous portez une bouchée dans la bouche, vous décidez du mode d’alimentation de votre estomac, mais vous votez aussi pour un certain mode de production agricole. Par exemple, est-ce que vous faites attention au numéro sur les oeufs que vous mangez ? Il est pourtant si simple de boycotter les oeufs de batterie grâce à l’étiquetage et au code apposé sur chaque oeuf : code 3, élevage en cages ; code 2, élevage au sol sans accès à l’extérieur ; code 1, élevage plein air (au sol avec accès à l’extérieur) ; code 0, élevage biologique (plein air + nourriture bio). Mais vous allez m’opposer l’argument du prix : en cage, c’est moins cher, il y a des pauvres, il sont donc obligés de choisir les poules en cage, etc. C’est vrai, nous avons aussi fait collectivement le choix d’une société inégalitaire. Les poules sont en cage, les pauvres sont encagés dans leurs logements sociaux.
Armand Farrachi pose clairement le problème du lien entre organisation sociale et élevage industriel : « L’objectif à peine dissimulé de l’économie mondialisée est de soumettre le vivant aux conditions de l’industrie. En ce sens le sort des poules en cage, qui ne vivent plus nulle part à l’état sauvage, qui n’ont plus aucun milieu naturel pour les accueillir, augure ainsi du nôtre. » Il nous faut comprendre que nous sommes victimes d’un système, mais que nous en sommes aussi les complices. Victimes et complices, c’est-à-dire adepte de la soumission volontaire ! Je rappelle ce que soumission volontaire veut dire. C’est un paradoxe, une contradiction interne ; nous n’avons pas conscience de faire mal, et pourtant nous sommes l’artisan de notre propre malheur. Rappelons le texte fondateur d’Etienne de La Boetie en 1576 : « Comment il peut se faire que tant d’hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations endurent quelquefois un tyran seul, qui n’a de puissance que celle qu’ils lui donnent, qui n’a de pouvoir de leur nuire sinon tant qu’ils ont vouloir de l’endurer... » Une population asservie est donc responsable du maintien d’une dictature, il suffirait de ne pas obéir au tyran pour qu’il se retrouve sans pouvoir. De même c’est l’esclave qui justifie le pouvoir de son maître, c’est la femme qui accepte le pouvoir de son macho de mec, c’est le consommateur qui accepte d’acheter des gadgets, c’est notre façon de manger qui produit l’élevage industriel ou non.
Notre façon de manger actuelle récompense les pires pratiques imaginables. Je vais vous dire quelque chose : si les consommateurs ne sont pas prêt à payer les éleveurs pour qu’ils fassent correctement leur travail, alors ils ne devraient pas manger des oeufs ou de la viande d’élevage en batterie. Chaque fois que vous prenez une décision concernant votre alimentation, vous pratiquez l’élevage par procuration, vous orientez dans un certain sens le système de production. A cause de nous, l’élevage est passé des mains des paysans à celles des grands groupes industriels qui font tout pour imputer leurs coûts au public. Il nous faut comprendre, en tant que consommateur individuel, que nous sommes complices, consciemment ou non, du comportement des grands groupes industriels : poules pondeuses sur plusieurs étages, veaux en batterie, cochons enfermés et martyrisés, etc.
La question animale devrait être l’objet d’une réflexion fondamentale pour tout écologiste qui se respecte. Les animaux font partie de nous. Nous devons lutter pour le droit des animaux parce que les humains sont aussi des animaux. Cette lutte commence par ce que nous mettons dans notre assiette. Il nous faut choisir le bio, l’agriculture de proximité, l’élevage traditionnel. Et pourquoi pas élever des poules pondeuses à l’intérieur des villes, dans le cadre familial ? Cette réflexion est d’autant plus nécessaire que la descente énergétique va poser un problème de plus en plus grand à tout ce qui est industriel (donc énergivorace), qu’il soit de production alimentaire ou de production tout court ! Il y a eu un temps sans élevage industriel, il y aura un temps qui refermera la parenthèse industrielle.
Alain KALT (retranscription)
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