Des jeans qui tuent.
24-12-2010
S’il est un pilier de la mode depuis de nombreuses années, le jean délavé masque des conditions de production dangereuses pour les personnes qui en assurent la fabrication. Outre les procédés chimiques, le sablage est une des techniques prisées de délavage des jeans. Consistant à projeter du sable sous très forte pression, cette pratique est réalisée manuellement par des ouvriers, exposés continuellement à des particules de poussières de silice, de granit, de sable et de pierre. L’Union européenne ayant interdit ce type de procédé, les entreprises textiles ont délocalisé leur production dans des régions non soumises à cette réglementation, s’implantant en Turquie, en Syrie, au Bangladesh, au Mexique, en Inde et en Indonésie au début des années 2000. Par la suite, l’Asie du Sud-Est et l’Afrique du Nord s’ajoutèrent à ces zones d’implantation. Etablis en Turquie, pays comptant comme le troisième exportateur mondial de jeans, des chercheurs universitaires ont démontré que la pratique du sablage exposait à la silicose, une des maladies les plus graves des voies respiratoires.
De nombreuses ONGs travaillent à contrer cette pratique, notamment via l’information du public et des élus. Il semble que ces efforts, alliés au développement d’alternatives peu onéreuses au sablage, commencent à porter leurs fruits. En effet, les grandes marques que sont H&M, Levi’s et C&A se sont engagées à renoncer à la technique du sablage d’ici la fin 2010. Le groupe suisse Migros a également annoncé vouloir stopper la vente de jeans sablés, le groupe Manor visant le même objectif pour le deuxième semestre 2011. Enfin, les marques Lee, Wrangler et Benetton veulent suivre la même démarche mais se fixent pour échéance la fin 2011. En revanche, interrogées sur leur position par rapport au sablage, les marques Armani, Prada, Versace ou Dolce & Gabanna n’ont pas même répondu aux ONGs.
Sensibles aux progrès en marche, l’organisation turque Solidarity Committee of Sandblasting Labourers, la Campagne Clean Clothes, et des dizaines d’autres ONG réclament « le bannissement complet et immédiat de cette technique dangereuse », ainsi qu’un système de contrôle permettant de s’assurer du bon respect de cette interdiction sur l’ensemble de la chaîne de production. En outre, elles souhaitent que les gouvernements étudient la possibilité d’interdire l’importation de jeans sablés et appellent les consommateurs à boycotter ce type de produits. Enfin, il tient lieu de veiller au dédommagement et à la prise en charge des ouvriers déjà affectés par la silicose. Dans le cas de la Turquie, où cette maladie a déjà fait de nombreuses victimes, le Solidarity Committee of Sandblasting Labourers réclame le versement d’une rente d’invalidité pour tous les ouvriers de l’industrie textile tombés malades à cause du sablage des jeans, qu’ils aient travaillé dans le secteur formel ou informel. A l’heure actuelle, quelque cinq millions de jeans sont confectionnés de par le monde.
Cécile Cassier 1- Cf. Pour plus d’informations, se reporter à l’article « Les victimes de la mode du jean délavé », paru dans le n°34 (novembre / décembre 2010) d’Echo Nature.
Alain KALT (retranscription)
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