Environnement Lançonnais

L’ail noir : pour les gourmets de la santé naturelle

mardi 16 mai 2017 par Alain KALT (retranscription)

L’espérance de vie des Japonais, est une des meilleures au monde, on le sait. Cela est dû au fait qu’ils mangent beaucoup de poisson et consomment des super-aliments dont notre alimentation occidentale est de plus en plus dénuée. Algues, graines, racines, baies, condiments : il existe dans la cuisine et la pharmacopée japonaises des trésors de bienfaits dont nous ignorons tout ou presque. C’est aujourd’hui de l’un de ces alicaments, l’ail noir, que je veux vous parler.

Dans toutes les familles, depuis plus de 5 000 ans, l’ail est "l’herbe aux neuf vertus". Si dans l’Antiquité grecque on l’utilisait surtout pour des problèmes oculaires ou pour répondre à l’infertilité des femmes, la médecine naturelle puis la pharmacologie moderne lui découvrent peu à peu des vertus antifongique, antivirale, antibactérienne, fluidifiante sanguine, pour n’en citer que quelques-unes. Mais on n’avait pas encore pris la pleine mesure du pouvoir exceptionnel de l’herbe aux neuf vertus, jusqu’à l’apparition de l’ail noir fermenté. Et bien entendu, devinez qui a eu l’idée géniale de faire fermenter de l’ail blanc ? Les Japonais.

Coréen ou japonais ?

Savoir avec exactitude où est né l’ail noir n’est pas évident. L’histoire raconte qu’un agriculteur de la préfecture d’Aomori, un passionné qui voulait manger son ail tout au long de l’année, a eu l’idée de le mettre à « attendre » dans de l’eau de mer. Le résultat a été une révélation en matière de goût ! Mais outre ses qualités gustatives, ce condiment hors du commun s’est révélé être aussi un puissant alicament. Depuis, voyant que le business de l’ail noir pouvait être juteux, la Corée et la Chine sont devenues les plus gros producteurs du précieux condiment. Il n’en reste pas moins que le Japon demeure le lieu de naissance de l’ail noir et que s’il y est aussi exquis, c’est tout simplement parce l’ail blanc dont il est issu – et particulièrement celui d’Aomori – est reconnu comme l’un des meilleurs au monde.

L’allicine, la botte secrète de l’ail

Pour comprendre les vertus incomparables de l’ail noir fermenté, il faut déjà comprendre à quel point l’ail frais, ou blanc, contient déjà naturellement une montagne de principes actifs. Il y a plus de 100 composés différents dans l’ail, mais une de ses molécules maîtresses est l’allicine, l’un des antioxydants les plus puissants du règne végétal. En fait, c’est l’acide sulfénique, produit lors de la décomposition de cette allicine, qui contrecarre puissamment l’effet des radicaux libres responsables du vieillissement et de la dégradation de nos cellules.

Une molécule méprisée par big pharma

Dans une étude sur l’ail parue en 1999 dans la revue Microbes and infections, les chercheurs israéliens du prestigieux institut Weizmann à Rehovot, ont mis en avant le large éventail d’activités de l’allicine. Antiparasitaire, antifongique, antimicrobienne et antivirale, cette molécule est une candidate de premier plan pour une utilisation thérapeutique, notamment en réponse au problème de santé publique majeur que constitue l’antibiorésistance. La molécule d’allicine étant tombée depuis longtemps dans le domaine public, aucun brevet ne peut être déposé : ceci explique sûrement pourquoi, jusqu’à présent, les compagnies pharmaceutiques n’ont pas souhaité investir dans cette molécule, ni dans les essais cliniques nécessaires. Une fois de plus, un composé naturel aux propriétés médicinales incontestables ne sera pas mis à la disposition des patients qui pourraient pourtant en bénéficier largement.

Transformer le blanc en noir

Il est fort probable que l’ail noir ait toujours fait partie de la pharmacopée japonaise autant que de sa cuisine. À l’origine, les aulx étaient simplement mis à fermenter dans des vases d’argile remplis d’une eau de mer très pure où on les « oubliait » pendant au moins un mois. Mais c’est dans les années 2000 que la technique de fabrication de l’ail noir a été raffinée et que sa consommation s’est ensuite popularisée.

Au Japon, l’ail noir qui s’exporte est maintenant produit par « fermentation » de bulbes entiers d’ail frais dans un environnement à humidité et à température contrôlées pendant 30 jours. Aucun additif, aucun agent de conservation, juste de l’ail pur. Les bulbes sont ensuite laissés à oxyder dans une salle blanche pendant 45 jours. Ce long processus fait virer les gousses d’ail au noir et leur donne une texture moelleuse et douce, qui n’a plus rien à voir avec l’ail blanc. Le vieillissement des gousses entraine alors la conversion de substances présentes dans l’ail frais, comme l’allicine, en dérivés soufrés plus stables comme la S-allyl-cystéine. C’est cette substance qui est responsable des exceptionnelles propriétés caractéristiques de l’ail noir vieilli. L’ail noir serait donc une version concentrée de l’ail blanc, mais avec un goût bien plus plaisant.

La cinquième saveur des Japonais : le "délicieux"

Pour mieux connaître l’art culinaire nippon, il faut comprendre le sens du mot umami. Si pour les Occidentaux les quatre saveurs fondamentales sont le sucré, le salé, l’acide et l’amer, il existe pour les Japonais une cinquième saveur essentielle : l’umami qui signifie « délicieux ». C’est cette cinquième saveur que l’on découvre dans l’ail noir. C’est pourquoi ce condiment si particulier se retrouve dans les plats concoctés par les chefs étoilés français depuis quelques années. Et s’il a attiré les grands maîtres de l’art culinaire français, c’est que les gousses développent, selon leur temps de séchage, des notes de truffe, de cèpe, de vinaigre balsamique, et parfois de pruneau, de café, de chocolat, ou encore de réglisse, voire tout en même temps ! Pour couronner le tout, l’ail noir étant plus facile à digérer que l’ail blanc, il ne donne pas mauvaise haleine. Une pépite pour la cuisine, donc, mais pas seulement.

… et un superaliment avant tout

Ce sont des études japonaises, menées par le professeur Jin Ichi Sasaki, spécialiste de l’immunologie à l’université d’Hirosaki, qui ont démontré les vertus exceptionnelles de l’ail noir fermenté, notamment pour combattre certains cancers et renforcer le système immunitaire. Nombre d’études, pour la plupart asiatiques, mais néanmoins facilement consultables sur Pubmed, font état de son action antioxydante et détoxiquante puissante, ainsi que de son effet protecteur au niveau du foie, des reins et du système cardiovasculaire. L’ail noir réduit l’inflammation et il a été reconnu comme efficace in vitro sur au moins 14 types de cellules cancéreuses.

La cuisine moléculaire ou la chimie du métabolisme

- • L’ail noir diminue le cholestérol : la S-allyl-cystéine, composé principal de l’ail noir, diminue le cholestérol en inhibant sa synthèse via l’enzyme HMG-CoA, en utilisant un mécanisme similaire à celui des statines.

- • L’ail noir contient plus d’anti-oxydants que l’ail frais, et renforce nos anti-oxydants cellulaires, comme le glutathion, qui aident au maintien de l’immunité et préviennent la toxicité des médicaments. Il contient également des peroxydases qui éliminent les peroxydes toxiques.
- • L’ail noir diminue les taux d’homocystéine : des études précliniques menées à la Pennsylvania State University ont montré qu’une supplémentation en ail noir diminuait les taux d’homocystéine, cet acide aminé associé aux maladies cardiovasculaires, à la maladie d’Alzheimer, ou aux fractures des personnes âgées. Une étude réalisée à l’UCLA a ainsi conclu qu’une supplémentation quotidienne en ail noir réduisait de nombreux facteurs de risque associés aux maladies cardiovasculaires. Les malades supplémentés en ail noir ont vu l’accumulation de plaque coronaire diminuer de 50 %, leur cholestérol HDL s’améliorer et les taux d’homocystéine baisser.

- • L’ail noir stimule l’immunité et agit comme un antiviral : l’extrait d’ail noir augmente l’activité des macrophages, qui participent à l’immunité, et des cellules natural killer (NK) qui jouent un rôle prépondérant dans l’élimination des cellules tumorales ou infectées.

- • L’ail noir a également démontré des effets neurotrophiques, ainsi qu’une capacité à améliorer la libération de sérotonine, ce qui a un effet antidépresseur. La S-allyl-cystéine, le composant majeur de l’ail noir, prévient également la mort des neurones. Son effet anti-vieillissement cérébral est donc tout à fait intéressant.

Comment fabriquer soi-même de l’ail noir ?

L’ail noir est somme toute assez cher, et il n’est pas toujours facile d’en trouver. Alors, pourquoi ne pas essayer de le faire vous-même, à la maison ? Pour ce faire, il faut un cuiseur vapeur à riz que l’on remplit de têtes d’ail entières. Fermer le couvercle hermétiquement, brancher sur fonction « garder au chaud », et laisser sécher de 10 à 30 jours (quand même !). Attention, prévoyez de faire l’opération à l’extérieur, ou bien installez un ventilateur non loin de l’autocuiseur, car durant sa lente métamorphose, l’ail se décharge de ses odeurs et les émanations, surtout les premiers jours, sont puissantes. Il faudra ensuite faire rassir les aulx à l’air libre pendant 10 à 20 jours.

Pour les plus pressés (ou les plus sensibles aux odeurs)

Ne serait-ce que pour découvrir de nouvelles saveurs, il est également possible de se procurer des gousses d’ail noir déjà "fermentées", notamment sur ce site de santé naturelle qui les propose en bio. Si d’aventure ce goût d’ail noir ne vous plaisait pas, ou que vous trouvez cette extravagance culinaire trop compliquée à faire vous-même ou trop coûteuse à acheter, ses vertus santé restent à votre portée sous forme de complément alimentaire.

Portez-vous mieux !

Caroline Morel

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