Le monde contre Monsanto ?
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SOURCE : NOTVETHIC"
En quelques années, Monsanto est devenu le symbole de l’agrobusiness. Ce modèle, de plus en plus critiqué, est combattu à coups d’actions coup de poing ou de batailles juridiques dans l’ensemble du monde, de l’Europe à l’Amérique latine en passant par l’Afrique, comme le montre un rapport publié par Les Amis de la Terre et Via Campesina.
Originellement fabricant de produits chimiques la firme centenaire Monsanto est aujourd’hui le symbole par excellence de l’agrobusiness et des biotechnologies alimentaires. Présente dans 66 pays à travers plus de 400 usines et plus de 20 000 collaborateurs, elle réalise un chiffre d’affaires de près de 12 milliards de dollars (2011) pour un bénéfice de 1,6 milliard de dollars (2011). Elle contrôle 27% du marché des semences commerciales et l’essentiel du marché des semences génétiquement modifiées. Une emprise qui en fait une cible de choix pour les opposants aux OGM et aux dérives de l’agrobusiness comme en témoigne le rapport « Combattre Monsanto » publié par La Via Campesina, Les Amis de la terre international et Combat Monsanto.
En France, la lutte contre Monsanto s’est principalement fait connaître à travers celle contre les OGM et le mouvement des faucheurs volontaires et sa figure emblématique, José Bové. Mais le combat contre la firme a pris des visages multiples ; actions d’information (Inf’OGM, documentaire de Marie-Monique Robin « le monde selon Monsanto ») ou de mobilisation contre les pesticides par des associations de défenseurs de l’environnement (Greenpeace, les Amis de la Terre, etc), d’agriculteurs (Via Campesina, confédération paysanne), de scientifiques (Réseau santé environnement), etc. Avec, en point d’orgue, la condamnation de l’entreprise le 13 février dernier à l’issue d’un procès historique. Paul François, un céréalier charentais, demandait en effet réparation pour ses troubles neurologiques attribués à l’inhalation accidentelle de vapeurs de Lasso, un désherbant du maïs fabriqué par Monsanto, qui a depuis fait appel. Devant la forte opposition de la population française aux OGM, le gouvernement lui-même a réitéré encore récemment son moratoire sur la culture du maïs MON 810. En Espagne, où le gouvernement est davantage réceptif à la culture d’OGM, un mouvement populaire de « libération des champs » est aussi en train de voir le jour. Cinq régions et 200 municipalités se sont ainsi déclarées exemptes d’OGM. Et en Allemagne, 30 000 paysans cultivant plus d’1 million d’hectares de terres ont déclaré 200 zones « sans OGM » tout comme 300 municipalités. Des mouvements qui commencent à se fédérer au niveau de l’Europe, où la population rejette à 61% des OGM.
Un mouvement qui s’étend dans l’ensemble du monde
On observe aujourd’hui l’émergence d’une opposition jusque dans les principaux pays producteurs de cultures transgéniques. Quatrième producteur mondial de culture GM, l’Inde semble aujourd’hui vouloir faire une pause. Depuis deux ans environ, on note une forte mobilisation de la population et des petits agriculteurs broyés par le virage pris par le pays en faveur d’une agriculture de rente. Tant et si bien qu’en juillet 2011, la National Biodiversity Athority a intenté un procès pour biopiraterie contre Mahyco-Monsanto. Et après avoir interdit temporairement l’aubergine Bt en août 2011, le ministre de l’environnement vient de demander, en mars 2012, l’annulation de l’autorisation d’essais en champs de maïs Bt dans l’Etat du Bihar. En Amérique latine, un continent qui héberge le deuxième (Brésil) et troisième (Argentine) producteurs mondiaux de cultures transgéniques, Monsanto et les autres semenciers doivent également faire face à une opposition croissante. Au Brésil, celle-ci est notamment conduite par le « mouvement des sans terres » dont l’ex-leader, Valmir Mota d’Oliveira, a été tué lors d’une occupation d’un champ d’essai de cultures transgéniques en 2007. Et en Argentine, alors que des dizaines de villages se sont unis pour dire « stop à l’épandage » de pesticides et que les plaintes de riverains se multiplient, une décision judiciaire de 2011 qui devrait faire jurisprudence a interdit l’épandage à proximité d’une zone d’habitation et des cours d’eau pour raisons sanitaires. Quant aux Etats-Unis, le premier pays producteur d’OGM -et berceau de Monsanto-, des écologistes (Public employees for environnemental responsibility) et des juristes ont lancé une initiative destinée à empêcher les cultures transgéniques de Monsanto de contaminer les réserves naturelles nationales.
Le mouvement se généralise aussi dans un but de prévention. En Haïti, quelques mois après le dramatique tremblement de terre de 2010, plus de 10 000 personnes sont descendues dans la rue pour protester contre la volonté affichée par Monsanto d’envoyer 60 tonnes de semences potagères et de maïs hybride (qui ne peuvent être replanté d’une année sur l’autre). Au Pérou, le gouvernement a voté en novembre 2011 un moratoire de 10 ans sur les cultures et importations d’OGM. Et en Afrique des paysans maliens ont montré leur désapprobation au vote d’une loi sur la « sécurité en biotechnologie », ouvrant la voie aux OGM dont le pays est pour l’instant exempt.
…mais qui fait face au lobbying de l’agrobusiness
Pour autant, « il reste encore beaucoup de chemin à faire », selon Héloïse Claudon, de Combat Monsanto, une association française créée en 2008 qui fédère de nombreux mouvements. « L’équilibre des forces est injuste, ce qui rend nécessaire le recours à la désobéissance civile, estime-elle. Dans certains pays comme le Burkina Faso, les actions de fauchage volontaires sont impossibles car bien trop dangereuses pour les participants ». En Europe aussi, le combat des opposants est loin d’être gagné : « l’agrobusiness tente de faire accepter d’autres types de biotechnologies comme la mutagénèse, une OGM qui n’en a pas le statut juridique. Nous n’aurons pas les moyens de résister à tout ça ! », craint cette juriste spécialisée dans l’environnement. On connaît aussi la puissance de frappe de Monsanto et des autres semenciers. S’il est difficile d’obtenir des montants pour les actions de lobbying menées en Europe et dans beaucoup de pays comme la France du fait d’un manque de règlementation efficace sur les sujet, l’association Food and Water Watch estime que les multinationales des biotechnologies alimentaires ont dépensé 547 millions de dollars en activité de lobbying auprès du Congrès américain entre 1999 et 2009. Dont 50 millions de dollars pour le seul Monsanto.
La montée en puissance des mouvements d’opposition va-t-elle changer la stratégie de l’agrobusiness ? Dans une interview donnée au site d’information Euractiv, le directeur général de l’association européenne pour la protection des cultures (ECPA) –dont Monsanto fait partie-, Friedhelm Schmider, reconnaît que l’industrie n’a « pas réellement écouté les préoccupations sociétales » des populations. Mais s’il explique que l’ECPA a décidé de changer sa façon de communiquer en « s’ouvrant aux critiques, en écoutant attentivement et en répondant », Friedhelm Schmider insiste sur le fait que les intoxications d’agriculteurs restent essentiellement le fait d’un « mauvais usage des pesticides » et que face à la montée des problèmes de résistance des récoltes et des nouvelles maladies « nous avons besoin d’encore plus d’ingrédients actifs »…
Actualisation : Lors de la présentation de ses résultats le 4 avril (mi parcours de son année fiscale), Monsanto a annoncé un dernier trimestre record pour sa division semences qui affiche un résultat net en progression de 19% à 1,2 milliard de dollars (914 millions €). « Notre solide saison de vente aux États-Unis et la croissance qu’elle connaît en Amérique latine ces six premiers mois prédisent une grande année 2012 », a déclaré Hugh Grant, président de Monsanto. « Nous avons vu des contributions de croissance dans tous les types de semences et toutes les régions du monde », a-t-il ajouté. Le groupe voit de bonnes opportunités de croissance en Europe de l’Est, malgré la décision de la Pologne (4 avril) d’interdire la culture du maïs transgénique MON810, et en Chine.
Béatrice Héraud © 2012 Novethic - Tous droits réservés
Des ONG dénoncent des autorisations européennes de pesticides
Dans un rapport publié le 3 avril, deux organisations -Pesticide action network (PAN) et Générations futures, pointent du doigt des collusions entre l’industrie agroalimentaire et les institutions européennes chargées d’autoriser les pesticides. Elles affirment ainsi que des « firmes phytosanitaires ont bénéficié jusqu’en 2012 du maintien sur le marché de dizaines de leurs pesticides, pourtant ‘retirés volontairement’…en 2007 par les firmes elles-mêmes ! De plus, ces pesticides ont ensuite bénéficié d’une procédure spéciale de ré-homologation malgré leur dangerosité ou les manques importants de données (notamment environnementales, ndlr) les concernant » Pour Générations futures, cet arrangement s’explique par « la menace d’un grand nombre de procès de la part de l’industrie, profitant d’erreurs de procédures, et le désir du pouvoir politique de ‘finaliser’ l’évaluation des pesticides, plus longue que prévue initialement ». « Faux » rétorque la Commission européenne « puisqu’ il y a eu depuis 2007, 35 recours en justice de l’industrie contre la Commission dont 6 sont toujours en cours », explique-t-elle au journal Le Monde (daté du 4 avril).
Alain KALT (retranscription)
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