Environnement Lançonnais

Affaires de requins

jeudi 6 septembre 2012 par Alain KALT (retranscription)

Si vous êtes à la mer, vous suivez peut-être les affaires actuelles de requins : selon la presse, il y aurait une « recrudescence des attaques » depuis deux ans. Un surfeur a encore été dévoré la semaine dernière à la Réunion, alors qu’un autre avait été tué le 16 juillet.

Les autorités ont annoncé hier qu’elles allaient capturer une vingtaine de requins au large de la Réunion pour « réduire les attaques ». Moyennant quoi, elles font mine d’ignorer que les requins sont de grands voyageurs capables de nager des milliers de kilomètres. Mais il faut bien qu’elles aient l’air de faire quelque chose...

Face à elles, des défenseurs des animaux expliquent qu’il est injuste de s’en prendre à ces bestioles qui, c’est bien connu, n’attaquent jamais l’homme. Si un surfeur se fait croquer, c’est parce que l’innocent requin l’a confondu avec une tortue !

Puisque le requin s’est trompé, et qu’il n’avait pas l’intention de tuer, c’est un simple « homicide involontaire », un délit qui ne saurait être puni avec la même sévérité qu’un assassinat avec préméditation.

Pour ajouter à la confusion, diverses associations affirment que les attaques de requin sont causées par :

- 1) l’excès de poissons autour des côtes, du à des dispositifs artificiels mis en place pour favoriser leur reproduction (les DCP), et aux fermes aquacoles (élevage de poissons) ; attirés par le festin, les requins en profiteraient pour manger au passage, quelques surfeurs ;

- 2) le manque de poissons du à la pêche intensive : affamés, les requins seraient réduits à se rabattre sur des surfeurs, aussi indigestes qu’ils soient (surtout la planche).

Que faire des requins ?

« Que faire des requins ? » titre ce matin Le Parisien en première page.

Mais sur le numéro que j’avais entre les mains, dans le café du coin de ma rue, le patron avait barré « requins » et écrit « surfeurs »...

Différents films et vidéoclips ont contribué ces dernières années à rendre le surf un des sports les plus « cool » qui soit, en particulier parce que surfeurs et surfeuses sont beaux, musclés, et s’amusent comme des fous.

Ce ne sont pas d’ailleurs les rares (ou inexistantes) secondes où le surfeur est debout sur sa planche qui font l’intérêt du surf mais :

- l’arrivée sur la plage, si possible en décapotable ou dans un petit 4 X 4 comme dans la publicité Pepsi (le chimpanzé est facultatif) ;

- le bronzage, les cheveux légèrement décolorés, et les habits aux couleurs délavées Billabong ou Oxbow ;

- le passage, devant les baigneuses en vacances, la planche sous le bras ;

- les soirées au camping, avec la guitare ;

- le récit (plus ou moins proche de la réalité) des exploits, de retour au lycée ou au bureau.

Bref, il semblerait que le surf soit le moyen idéal de se sentir « fun ».

J’avoue m’y être moi-même récemment essayé lors d’un séminaire d’entreprise où j’accompagnais ma femme, et qui se passait près d’un spot de surf connu. Un moniteur proposait une « initiation » au surf. Cela consistait pour lui à se mettre dans l’eau jusqu’au nombril puis à nous tenir une planche sur laquelle nous étions couchés sur le ventre.

Il fallait alors attendre, dans cette position au fond pas désagréable, que se présente une vague plus grosse que les autres.

A ce moment-là, le moniteur poussait la planche en direction de la plage, et vous aviez quelques secondes pour vous redresser.

Une fois debout, il s’écoulait environ une demi-seconde pendant laquelle la vague soulevait brutalement l’arrière de la planche. Vous n’aviez alors que le temps de vous protéger la tête avant d’être précipité d’un coup en avant, et de heurter le fond avec le front, tandis que la planche vous arrivait violemment dans la nuque.

S’ensuivait une dizaine de secondes de confusion complète, durant lesquelles le rouleau, alors transformé en écume bouillonnante mélangée de sable, s’infiltrait partout dans votre nez et vos oreilles, et vous traînait sur une quinzaine de mètres jusqu’à la plage. Une fois que l’eau se retirait, vous restiez là, gisant au milieu des cailloux, tandis que le joyeux moniteur vous faisait de grands signes pour vous faire revenir, en vous criant que, pour une première fois, vous vous étiez remarquablement débrouillé.

Toujours est-il que je ne suis pas le seul à avoir succombé aux charmes du surf puisque, ce sport autrefois confidentiel est aujourd’hui pratiqué par pas moins de 27 millions de personnes à travers le monde, selon la Surf Industry Manufacturer’s Association.

27 millions !!

Et on nous parle des récents accidents (3 morts à la Réunion sur les 13 derniers mois) comme d’une hécatombe, qui justifierait l’abattage massif de requins !!

Selon l’ISAF (International Shark Attacks File), on recense au niveau mondial une cinquantaine d’attaques par an, dont trois à dix fatales, les autres étant du type mordu-relâché (ou morsure d’exploration) sans autre suite que les conséquences de l’unique morsure (qui peut être mutilante).

Rapporté au nombre de surfeurs donc, nous sommes en train de parler d’une chance sur cinq à dix millions d’être tué par un requin pour les surfeurs, une statistique là aussi tellement ridiculement faible qu’elle n’a pas de sens au niveau individuel, surtout quand on sait que le risque, pour un individu lambda, d’être tué par un chien est quarante fois plus élevé, et le risque d’être tué par un cervidé (cerf, chevreuil...) est... 350 fois plus élevé !

Que dire enfin, de l’hippopotame, qui tue des milliers de personnes chaque année en Afrique sans pour autant que cela soit médiatisé ?

On le voit, le requin est victime de son « délit de faciès », et de sa mauvaise réputation.

Mais ne l’a-t-il pas, au fond, bien méritée ?

Une mauvaise réputation bien méritée

Peu de personnes aiment franchement les requins, mais cet animal serait sans doute plus détesté encore si le public était informé de ses pratiques sexuelles.

L’accouplement est d’une telle violence que, pour repérer les femelles fécondées, les scientifiques ont l’habitude de chercher celles qui ont de grandes blessures saignantes sur le dos.

Mais il y a pire : le requin est une des seules espèces ooviphages au monde, c’est-à-dire que les fœtus se dévorent entre eux dans le ventre de leur mère !! (Que fait la SPA ?)

Ainsi, chez le requin tigre, il peut y avoir après la fécondation (par plusieurs mâles), soixante-dix fœtus, mais à maturité, il n’en reste que deux, les plus forts... et les plus cruels. Ils font déjà un mètre de long, et ont une longue carrière de tueur derrière eux.

Bref, aussi respectueux de la nature que l’on puisse être, mon conseil est à la fois de ne pas paniquer sur les requins car le risque de vous faire manger est vraiment, mais alors vraiment faible, y compris si vous surfez, mais également... de vous en tenir à distance si c’est possible.

Pour votre santé : l’huile de foie de requin

Enfin, notre conseil nutrition du jour : l’huile de foie de requin contient de grandes quantités d’alkylglycérols (AKG), des composés qui joueraient un rôle important dans la stimulation du système immunitaire. Les AKG sont naturellement présents dans différentes parties du corps humain (la moelle osseuse, le foie, la rate) ainsi que dans le lait maternel, mais de façon beaucoup moins concentrée.

Dans les années 1960 à 1980, un groupe de chercheurs scandinaves a mené des essais cliniques sur des personnes cancéreuses : la prise de hautes doses d’alkylglycérols (600 mg par jour) a légèrement réduit la mortalité après cinq ans chez des femmes atteintes d’un cancer du col de l’utérus1 et a aussi légèrement réduit les dommages causés par la radiothérapie. Ces résultats n’ont cependant pas été confirmés par d’autres essais.

Selon le site PasseportSante.net, toujours très bien renseigné sur ce type de questions, les allégations au sujet des vertus anticancer et immunostimulantes de suppléments d’huile de foie de requin reposent principalement sur des études in vitro ou sur des animaux ou sur des témoignages n’ayant qu’une valeur anecdotique. Certains auteurs de synthèses plus optimistes concluent toutefois que les alkylglycérols de l’huile de foie de requin peuvent être utiles comme adjuvant aux traitements classiques du cancer.

Pas d’effet indésirables graves à signaler, ni de contre-indication : il semblerait que ce produit soit très sûr. Et il est généralement produit à partir de requins pêchés accidentellement lors de la pêche à la morue.

A votre santé !

Jean-Marc Dupuis

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