Environnement Lançonnais

La bio défend ses atouts oubliés par l’Inra

mercredi 19 mars 2014 par Alain KALT (retranscription)

Le 27 février 2014 par Stéphanie Senet

L’agriculture bio a tenu son salon

Le rapport sur l’agriculture biologique de l’Institut national de recherche agronomique (Inra), vivement critiqué par des scientifiques et par les professionnels, s’est invité ce 27 février au séminaire de l’Agence Bio. Organisée dans le cadre du Salon de l’agriculture, cette manifestation a permis au secteur d’interpeller le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll.

L’agriculture biologique française est encore sous le choc. Le rapport sur l’analyse de ses performances (1), publié par l’Inra en octobre 2013 pour le compte du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP), récolte toujours plus de critiques. Son ombre a plané tout au long du séminaire organisé par l’Agence Bio.

Un rapport « à charge »

Pour rappel, plus d’une centaine de chercheurs -dont des membres de l’Inra ou du CNRS- avaient déjà exprimé leur colère, en demandant au président de l’Institut, le 20 décembre, de retirer un rapport jugé « à charge », « aux conclusions très tranchées », « en l’absence de toute analyse rigoureuse des forces et faiblesses de l’agriculture biologique ».

Diffusée le 17 février sur le site Reporterez, leur missive détaille les nombreux oublis de l’étude. A commencer par les contaminations des aliments par les pesticides, qui ne font l’objet que d’une demi-page dans un rapport qui en compte 372. Elles différencient pourtant nettement les produits issus de l’agriculture biologique, dont les niveaux en pesticides sont très bas, des produits conventionnels, où les taux peuvent atteindre 45%.

Deuxième exemple : la résistance aux antibiotiques dans les élevages est absente de l’analyse de la qualité sanitaire des produits, alors qu’elle est moindre dans les élevages biologiques par rapport aux conventionnels, comme le confirment un rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments[1] (Afssa) de 2003 et la synthèse Smith-Sprangler de 2012.

Plus globalement, les chercheurs dénoncent un manque de rigueur méthodologique : la performance agronomique y est implicitement assimilée au seul rendement (production à l’hectare). « On peut s’inquiéter d’une vision aussi réductrice de l’agronomie, laissant de côté la question des économies d’intrants et celle des objectifs environnementaux, pourtant fixés par les directives Nitrates et Pesticides », écrivent les scientifiques, qui réclament le lancement d’une expertise scientifique collective précisant ces impacts.

« Retrouver le dialogue »

« Bertrand Hervieu, vice-président du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) va essayer d’objectiver le débat, pour retrouver le dialogue », a déclaré Stéphane Le Foll, à l’ouverture du séminaire international sur la bio. Le ministre de l’agriculture s’est d’abord voulu rassurant, affirmant que « l’agriculture biologique est un des éléments de l’agro-écologie que je défends, c’est même l’un des éléments pionniers ». Il a aussitôt listé les soutiens des pouvoirs publics : « doublement des subventions via le deuxième pilier des aides de la politique agricole commune (PAC) » et « maintien des crédits d’impôt ». Notons que ces financements nationaux sont minimes, ce qui constitue pour les professionnels l’un des freins majeurs au développement de la bio en France. Un argument qui n’apparaît pas dans la conclusion du rapport de l’Inra.

Mais les questions posées par l’assistance ont montré un ministre plus en phase avec le rapport contesté. « Pourquoi inventer le nouveau concept d’agro-écologie alors que les consommateurs connaissent bien l’agriculture biologique et lui font confiance ? » demande une « simple citoyenne ». « Parce que dans la plupart des productions biologiques, on atteint des volumes de production inférieurs de 20 à 40%, sauf pour le tournesol », répond le ministre. « Avec l’agro-écologie, je peux maintenir les mêmes niveaux de production et de rendement en France, ce qui n’est pas le cas de l’agriculture biologique », conclut-il simplement. De qui faire bondir de nouveau les chercheurs agronomes.

« Intensifs en main d’œuvre »

« Nous sommes intensifs en main d’œuvre. Les exploitations biologiques emploient plus de personnels que les autres », plaide Stéphanie Pajot, présidente de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnac). « Pour comparer précisément les rendements, il faudrait prendre en compte le coût des pollutions diffuses, qui est immense en conventionnel », ajoute un paysan.

Ecourté par le départ de Stéphane Le Foll, ce débat doit se poursuivre le 20 mars avec les chercheurs de l’Inra, les fédérations professionnelles et l’Institut technique de l’agriculture biologique (Tab). En attendant, le séminaire de l’Agence Bio a donné la parole au ministère danois de l’agriculture. Son représentant a expliqué que la « première loi bio d’Europe » a été prise au Danemark en 1989 afin de créer un label national. Ce pays a aussi lancé un programme visant 60% d’ingrédients bio dans les cuisines collectives publiques en 2020. C’est aujourd’hui le pays de l’Union européenne où la consommation de produits bio par habitant est la plus élevée.

(1)Il s’agit du premier volume du rapport, réalisé sous la direction de Hervé Guyomard


[1] En 2010, l’Afssa a fusionné avec l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail pour former l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

La bio En France

En 2012, 1.032.941 hectares sont dédiés à l’agriculture biologique, soit 3,8% de la surface agricole utile (SAU) contre 2% fin 2007 (Chiffres Agence Bio).

Géographiquement, le plus grand nombre d’exploitations est situé dans la région Rhône-Alpes (2.704), suivie par le Languedoc-Roussillon (2.633) et Midi-Pyrénées (2.600).

La filière est complétée par plus de 12.000 transformateurs et distributeurs.

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