Environnement Lançonnais

Le rire peut guérir

lundi 2 juin 2014 par Alain KALT (retranscription)

« Un jour, j’avais les pieds nus et aucun moyen d’obtenir des chaussures. J’allai trouver le chef de Kufah, dans un état de grande misère. Et là, je vis un homme qui n’avait pas de pieds. Je me tournai vers Dieu pour lui rendre grâce, repartis, et supportai désormais mes pieds nus avec patience. »

Golistan de Saadi (poète persan du XIIIe siècle).

Chère lectrice, cher lecteur,

De toutes les recherches que j’ai faites sur la capacité de guérison du rire, aucune histoire ne dépasse celle de Norman Cousins.

D’accord : je sais déjà que certains vont m’écrire pour me dire que cette histoire est anecdotique ou même qu’elle est exagérée.

N’empêche que cette affaire illustre selon moi un phénomène qui est beaucoup plus courant qu’on ne le dit : un malade décide de se prendre en main et de changer radicalement d’attitude face à la maladie. Et voilà que, solidement installé dans le siège du pilote, tenant enfin les manettes de sa propre vie, il se met brutalement – et inexplicablement – à aller mieux.

A-t-on besoin de croire aux miracles pour accepter cela ? Je suis persuadé que non.

C’est pourquoi j’ai décidé de raconter l’histoire de Norman Cousins, selon le récit qu’il en a fait lui-même dans son livre « Comment je me suis soigné par le rire » [1].

Une maladie « incurable »

Norman Cousins était un journaliste américain très connu, rédacteur en chef de la Saturday Review.

En 1964, ses médecins lui apprirent qu’il était atteint de spondylarthrite ankylosante. C’est une maladie incurable de la colonne vertébrale provoquant des douleurs dans le bas du dos et un raidissement articulaire. Tendons, ligaments et articulations se calcifient. À terme, les vertèbres ne forment plus qu’un seul bloc…

Cette maladie est très douloureuse, mais n’a pas de traitement à part des anti-douleurs, dont les effets secondaires peuvent être redoutables. Norman Cousins raconte même que ses médecins ne lui donnaient pas 1 chance sur 500 de survivre [2].

Confronté à ce sombre avenir, Norman Cousins se lança dans ses propres recherches. Il avait en effet une formation médicale, ayant été professeur adjoint à l’Ecole de Médecine de l’UCLA [3], et il fit trois choses absolument contraires à l’avis de ses médecins.

-1) Prendre de la vitamine C à haute dose

La première fut d’étudier à fond tous les médicaments qu’il prenait. Il découvrit que ses traitements épuisaient ses réserves de vitamine C et, sur la base de ses recherches personnelles, parvint à convaincre ses médecins d’arrêter de lui donner plusieurs médicaments, et de lui injecter de très hautes doses de vitamine C, dont il estimait qu’elles étaient son dernier espoir.

-2) Quitter l’environnement anxiogène de l’hôpital

Ensuite, Cousins décida de quitter l’hôpital et de s’installer dans une chambre d’hôtel. Il estimait que les hôpitaux, avec leur nourriture déplorable, leur hygiène douteuse, leur culture de la surmédicalisation, leur atmosphère de négativité et leur perturbation systématique du rythme du sommeil des patients, n’étaient « pas des endroits faits pour les personnes vraiment malades », selon ses termes.

3) Regarder des films comiques

Troisième chose, Cousins se procura un projecteur et un stock de films comiques, dont de nombreuses « Caméras cachées » et des films des Marx Brothers. Durant sa première nuit à l’hôtel, il rit tellement en regardant ces films qu’il parvint ensuite à dormir plusieurs heures sans ressentir de douleur. Le rire avait stimulé sa production d’endorphines, des produits chimiques aux effets anesthésiants fabriqués naturellement par le corps.

Lorsque la douleur se réveillait, il remettait les films en route et, après avoir bien ri, parvenait de nouveau à s’endormir.

Il raconte qu’en mesurant sa vitesse de sédimentation, un des examens de routine effectué au cours d’un bilan sanguin et qui permet de mesurer l’inflammation et les infections, il observa que son taux diminuait de 5 points chaque fois qu’il regardait un de ces films.

Guérison miraculeuse

Il put bientôt arrêter tous les médicaments, sauf la vitamine C et le rire.

Il décrivit les semaines qui suivirent comme une longue cure de rire qui le ramena peu à peu à la santé. Il put ainsi reprendre son travail à la Saturday Review, tandis qu’il continuait son traitement original.

Il est évident que le succès de ce traitement a beaucoup tenu à l’attitude même que Norman Cousins décida d’adopter.

En plus de garder, et stimuler, sa capacité à rire, c’est un homme qui croyait profondément en l’amour, la foi, et l’attitude positive face à l’existence (il fut un combattant acharné du désarmement nucléaire). Sa force de caractère et sa volonté de vivre contribuèrent certainement à sa guérison miraculeuse.

Déclencher l’effet placebo volontairement

Alors qu’il était à l’hôpital, il théorisa le fait que, si les émotions négatives comme la colère et la frustration peuvent nuire à la santé, cela pouvait aussi vouloir dire que, réciproquement, des émotions positives comme la joie et le rire pouvaient avoir l’effet opposé.

Certains parleront évidemment d’effet placebo. Mais Cousins s’est posé lui-même la question. Il en conclut que la créativité est la cause centrale de l’effet placebo : elle déclenche une chaîne d’événements dans le corps qui rétablit les équilibres (homéostasie) et l’impression de bien-être.

On peut donc, par l’effet de la volonté, déclencher un effet placebo, entraînant la guérison.

Relation de confiance avec le médecin

Il attribua enfin une grande partie de son succès à sa relation très proche et amicale avec son médecin, qui soutenait à deux mains sa démarche et l’encourageait dans son approche expérimentale malgré le fait qu’elle ne correspondait pas aux idées préconçues de la médecine.

Cette importance capitale de la relation patient/médecin est presque universellement reconnue et vérifiée statistiquement comme le facteur le plus important dans les chances de guérison en psychanalyse. Mais la chose pourrait-elle également être vraie dans le monde de la médecine ? Le cas de Norman Cousins contribue à nous le faire penser.

L’aspect le plus fascinant de l’histoire de Norman Cousin était sa capacité à rire, malgré des douleurs intenses et, très probablement, une grande angoisse, celle qui s’empare de toutes les personnes à qui l’on annonce qu’elles sont atteintes d’une maladie incurable.

Mais il mit un point d’honneur à rire jusqu’à se faire mal à l’estomac, de ce rire inextinguible qui allait jusqu’à déclencher un puissant effet antidouleur. Dans son livre, il cite de nombreux penseurs qui, à travers les âges, avaient réalisé comme lui la capacité de guérison du rire, et cette liste inclut le philosophe anglais Francis Bacon, Emmanuel Kant, Sigmund Freud et le Dr Albert Schweitzer. Sans doute cette liste pourrait être beaucoup plus longue.

Car ultimement, le rire pourrait est un moyen pour l’être humain de sortir de lui-même, de ses limites, et de trouver l’itinéraire qui le ramène à la santé. C’est pourquoi le voyage de Norman Cousins qui, grâce au rire, l’a ramené à la vie, peut être pour nous tous une source d’inspiration.

À votre santé,

Jean-Marc Dupuis

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Sources :

[1] http://www.payot-rivages.net/livre_...

[2] À noter que cette information est un peu troublante car la spondylarthrite ankylosante, pour douloureuse qu’elle soit, n’est pas une maladie mortelle.

[3] Université de Californie à Los Angeles. Voir la fiche Wikipédia de Norman Cousins, http://en.wikipedia.org/wiki/Norman...

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