Environnement Lançonnais

Comment aggraver vos petites blessures

lundi 13 octobre 2014 par Alain KALT (retranscription)

Chère lectrice, cher lecteur,

Rentrant de l’école ce soir en trottinette, ma fille bute dans un trottoir, plonge la tête la première et se racle la joue contre le macadam.

La lèvre est éclatée, deux dents bougent, sanguinolentes, et sa pommette est méchamment râpée. Elle laisse transpercer la lymphe et des perles de sang. Manifestement, ça doit faire mal…

Dans les pharmacies, vous trouvez des rayons entiers de sprays antiseptiques, vaporisateurs désinfectants, crèmes antibiotiques, antibactériennes, antiseptiques et autres nettoyants pour plaie. Nos grand-mères utilisaient de l’alcool, de l’eau oxygénée, de la teinture d’iode ou du mercurochrome.

Mais la seule utilité réelle de ces produits est de soulager… les parents (et les grand-mères).

Pour l’enfant blessé, ils risquent surtout d’aggraver la situation.

Le mercurochrome a été retiré du marché. Il contenait une substance hautement toxique, le mercure, et sa couleur rouge risquait de masquer les signes d’infection ou d’inflammation. Surtout, il n’était pas efficace.

L’alcool est utile pour désinfecter les instruments chirurgicaux. Mais il ne doit jamais être appliqué sur les plaies. L’alcool assèche la peau, retarde la guérison… et fait vraiment mal. En provoquant la coagulation du sang, l’alcool crée une pellicule sous laquelle les germes qui n’ont pas besoin d’oxygène peuvent se développer.

L’eau oxygénée est encore pire : versée sur une plaie, elle fait bondir au plafond. « Si ça fait mal, c’est que ça fait du bien », disait-on autrefois, mais ce dicton n’a en l’occurrence pas de fondement.

La teinture d’iode, c’est de l’iode dans de l’alcool. On se sert de l’iode en hôpital pour les blessures graves. Mais sur les petites blessures, le seul effet que vous obtenez est une vive douleur provoquée par l’alcool qui attaque la chair à vif.

Que faire ?

Inutile de vous ruiner en fioles et petites bouteilles.

L’usage médical courant pour nettoyer les plaies est d’utiliser une « solution saline isotonique », aussi appelée « liquide physiologique ».

Mais ne vous laissez pas impressionner par ces mots compliqués, destinés à faire savant.

Il s’agit tout simplement d’eau salée, à une concentration de 0,9 % lui donnant la même concentration en sel que le sang.

De récentes études indiquent toutefois que la simple eau du robinet est aussi efficace.

Une revue d’études réalisée par la Collaboration Cochrane a indiqué que les solutions salines ne sont pas plus efficaces contre les infections que l’eau du robinet (dans les pays où celle-ci est propre) [1].

La procédure idéale est donc la suivante :

- • Si la plaie saigne, commencez par stopper l’écoulement en appuyant dessus avec un mouchoir propre, ou une compresse stérile si vous en avez.

- • Lavez ensuite la plaie à l’eau, en allant de l’intérieur vers l’extérieur pendant environ une minute.

- • Evitez de toucher ensuite la plaie avec les doigts.

À noter que la revue Cochrane est également arrivée à cette conclusion étonnante : « il n’existe pas de preuve solide que nettoyer une plaie diminue en soi le risque d’infection » !

Cochrane semble donc dire : ne faites rien du tout et le résultat sera probablement le même, y compris pour les plaies importantes. Cela dit, ils concluent quand même que « des recherches supplémentaires sont nécessaires » pour le confirmer. Dans le doute, nettoyez soigneusement vos plaies.

Pansement ou pas ?

Une fois la plaie nettoyée, il faut la protéger des frottements, des chocs et des contaminations par les bactéries. Mais il faut aussi laisser passer l’air, laisser la plaie « respirer » et éliminer les petits déchets qui en sortent. Elle guérira plus vite en milieu humide.

Ne surtout pas mettre de pansement occlusif. Veiller à ce que le pansement ne colle pas à la plaie (pansement gras) et le changer régulièrement.

Il existe une nouvelle famille de pansements adhésifs, les pansements hydrocolloïdes, qui forment un gel au contact des liquides d’une plaie qui suinte. Ces pansements conservent l’humidité de la plaie tout en la protégeant. Ils sont à laisser en place plusieurs jours de suite et accélèrent considérablement la cicatrisation. Ils existent depuis peu sous la forme d’un gel à appliquer sur la plaie et qui se transforme en pansement protecteur en séchant.

Une fois que l’épiderme s’est reformé, la plaie peut être laissée à l’air. Mais si elle est sur une zone de frottement des vêtements ou à risque de chocs (sur les doigts par exemple), mieux vaut garder un pansement qui limitera le risque de surinfection.

Surtout, ne jamais mélanger les antiseptiques

Si vous souhaitez malgré tout appliquer un produit antiseptique acheté en pharmacie, sachez qu’il en existe de différentes sortes, avec différents produits actifs.

On pourrait croire qu’ils sont plus efficaces si on les additionne, mais ce n’est pas vrai. C’est au contraire dangereux. Par exemple, l’association dérivé mercuriel-dérivé iodé produit du mercure.

Des infections provoquées par les désinfectants

Aux Etats-Unis, l’agence du médicament (FDA) a récemment alerté sur un problème inattendu :

Des cas d’infection allant jusqu’à la péritonite (infection généralisée de l’abdomen, mortelle) provoqués par les désinfectants : alcool, chlorhexidine, produits iodés, etc [2].

Ces cas sont heureusement rares mais soulignent l’importance de manier ces produits avec prudence, surtout lorsqu’un produit aussi naturel que l’eau est aussi efficace.

À votre santé !

Jean-Marc Dupuis

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Sources :

[1] The Cochrane collaboration

[2] Antiseptiques : veiller à une bonne conservation

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