Golfe du Lion : mauvais plancton pour les sardines
Le 17 mars 2016 par Romain Loury
Dans le golfe du Lion, les stocks de sardines et d’anchois se sont effondrés en dix ans, d’un facteur trois. Si le rôle de la pêche, voire de maladies, n’est pas totalement écarté, des chercheurs de l’Ifremer penchent avant tout pour une baisse de qualité du plancton.
En 10 ans, les stocks de sardines sont passés d’un peu plus de 200.000 tonnes à moins de 67.000 tonnes dans le golfe du Lion. Idem pour les anchois : de 100.000 tonnes à un peu moins de 35.000 tonnes. Qu’est-il donc arrivé à ces petits poissons pélagiques ? C’est ce qu’ont cherché à savoir les chercheurs sétois du l’unité de recherche MARBEC[i], dans le cadre du projet EcoPelGol (Etude de la dynamique de l’écosystème pélagique du golfe du Lion).
Portant sur des échantillons ramenés par les pêcheurs, ses résultats révèlent une nette évolution depuis les années 1990 : si la biomasse a baissé d’un facteur trois, le nombre d’individus serait stable, voire en augmentation. En revanche, la taille moyenne a diminué, passant de 15 cm à 11 cm pour les sardines.
Selon Claire Saraux, coordinatrice d’EcoPelGol et chercheuse dans l’unité MARBEC, cette baisse de taille s’expliquerait par deux phénomènes : primo, une raréfaction des individus les plus âgés, ceux pêchés atteignant plutôt « zéro, un ou deux ans » que « les quatre à cinq ans » que l’on voyait par le passé, explique-t-elle au JDLE. Secundo, les poissons semblent aussi grandir moins vite, et accumulent moins de gras.
Du plancton moins adapté
Piste privilégiée par les chercheurs, celle d’un changement de composition du plancton, dont se nourrissent exclusivement les sardines et les anchois. Par exemple pour les anchois : selon une analyse de leur estomac, les copépodes qu’ils consomment sont désormais « plus petits, moins énergétiques ».
D’où provient ce changement de composition planctonique ? Probablement de moindres apports en nutriments. Or eux-mêmes sont liés au réchauffement climatique, qui modifie les courants de convection et donc la circulation de nutriments, ainsi qu’aux apports fluviaux.
Dans le golfe du Lion, le Rhône joue un rôle prépondérant en matière de nutriments : « suite à la canicule de 2003, les fleuves ont eu un moindre débit, avec peu de nutriments apportés à la mer, et nous avons observé que les poissons étaient très maigres », rappelle Claire Saraux.
Du fait d’un moindre apport énergétique, les petits pélagiques se concentrent sur la reproduction plutôt que sur la croissance. Ce qui explique non seulement pourquoi les individus croissent moins vite, et donc vivent moins vieux, mais aussi pourquoi ils se reproduisent plus jeunes et développent des organes sexuels parfois plus gros, rapportés à leur taille.
La pêche, peu sélective sur la taille
Quant à la pêche, « nous ne disons pas qu’elle n’a aucun effet, mais elle ne semble pas à l’origine des effets observés, d’autant que l’activité [dans le golfe du Lion] est relativement raisonnable par rapport à d’autres endroits », juge Claire Saraux.
« Les pêcheurs vont plutôt pêcher un banc, sans sélectivité très forte sur la taille : il n’y a pas de raison qu’ils n’aient d’effet que sur les grosses tailles », ajoute-t-elle. Ce qui n’empêche pas que d’autres espèces, notamment le merlu, soient surexploités dans le golfe du Lion. Un phénomène renforcé par le fait que certains exploitants se sont justement détournés de la sardine et de l’anchois.
Autre possibilité, celle de maladies : les chercheurs ont notamment retrouvé, dans le foie d’un tiers des anchois et des sardines, des microparasites, les coccidies, bien connus des aquaculteurs. S’il est possible qu’une telle infection affaiblisse la population, d’autres organes que le foie sont peu affectés, explique Claire Saraux, qui indique que d’autres études sont en cours à ce sujet.
Quel avenir pour les petits pélagiques du golfe du Lion ? « On ne peut pas le prévoir :
pour l’instant, le plancton est moins adapté aux sardines et aux anchois qu’il ne l’était par le passé, mais rien n’exclut que cela bascule de nouveau par la suite », conclut Claire Saraux.
[i] Implantée notamment à Sète, Montpellier et Palavas-les-Flots, dans l’Hérault, l’unité mixte de recherche (UMR) MARBEC (Biodiversité marine, exploitation et conservation) est placée sous l’égide de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de l’université de Montpellier. Financé par France Filière Pêche, EcoPelGol a été mené en partenariat avec l’université de Gérone (Espagne) et l’Institut méditerranéen d’océanologie (MIO) de Marseille.
Alain KALT (retranscription)
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