Environnement Lançonnais

Soja : l’effet d’une pilule contraceptive sur les enfants ?

dimanche 5 février 2012 par Alain KALT (retranscription)

« En 1995, une équipe anglaise avait calculé qu’un bébé nourri au soja consomme, rapporté à son poids, 3 à 5 fois la dose capable de perturber le cycle menstruel d’une femme ! Des études menées chez l’animal montrent que les phytoœstrogènes modifient l’équilibre hormonal des nouveau-nés, et réduisent leur fertilité. Il convient donc d’être extrêmement prudent. »

C’est la très grave attaque lancée contre le soja par la rédaction du site Doctissimo, le plus grand site Internet français sur la santé. (1)

Elle fait écho à la campagne menée par deux scientifiques américaines, Sally Fallon and Mary Enig de la Weston A. Price Foundation, qui affirment que les préparations à base de soja s’apparentent à des « pilules contraceptives pour les bébés » (« Birth control pills for babies »). (2) Doctissimo a publié par ailleurs un article intitulé « Tout est bon dans le soja » (3) mais l’incompréhension et la confusion règnent chez les lecteurs.

La guerre du soja

Aliment fétiche d’une génération hippie puis écologiste, le soja connut une immense popularité à partir des années 90. Tous les diététiciens recommandaient cette nouvelle sorte de haricot venue d’orient, que ce soit pour faire baisser le cholestérol, diminuer le risque cardiovasculaire, augmenter la longévité, ou remplacer la viande.

Aujourd’hui, les bienfaits du soja sont remis en cause. Le grand public est convaincu que le soja contient une quantité alarmante de « phytoœstrogènes », autrement dit des composés végétaux ayant un effet similaire aux hormones féminines. Les hormones féminines, on le sait, sont très bénéfiques pour transformer le corps d’une petite fille en celui d’une femme. Elles sont malheureusement aussi capables de faire flamber (grossir) les tumeurs en cas de cancer du sein « œstrogène positif » (cancer du sein sensible aux hormones, soit 75 % des cas). Trop d’œstrogènes se retrouvent déjà dans nos rivières, nos océans, l’eau du robinet. On imagine bien que nos nourrissons n’ont pas besoin d’une dose supplémentaire.

Les autorités françaises réagissent !

Les autorités sanitaires françaises, d’une prudence toujours exemplaire lorsqu’il s’agit d’interdire des produits naturels, ne tardèrent pas à reprendre à leur compte les attaques du camp anti-soja. L’Anses (ex Afssa -Agence Française de sécurité des aliments) déconseille les aliments à base de soja avant 3 ans ainsi qu’aux femmes ayant eu un cancer du sein. Depuis novembre 2001, la Société française de pédiatrie déconseille aussi les préparations au soja pour les nourrissons. Conséquence : partout sur les forums francophones, les internautes se recommandent mutuellement de consommer le soja « avec prudence et modération ». Mais connaissez-vous, cher lecteur, un seul aliment qui soit recommandé de consommer « avec imprudence et sans modération » (à part le gâteau au chocolat, bien sûr ;-) ?

« Des études menées chez l’animal »...

Le fait est que les effets prétendument dévastateurs du soja n’ont jamais été constatés chez l’être humain. Il s’agit d’un risque théorique, calculé sur le papier par des chercheurs, non d’effets observés sur les populations fortes consommatrices de soja.

Bien au contraire, celles-ci bénéficient d’un risque cardiovasculaire réduit. Les femmes asiatiques, pour leur part, ont beaucoup moins de cancer du sein que les femmes occidentales. Les Japonais d’Okinawa, qui ont la plus forte longévité du monde, consomment traditionnellement une à deux portions de soja par jour. Une étude majeure publiée en août 2001 dans une des plus grandes revues médicales, le JAMA (Journal of the American Medical Association), a observé que les bébés nourris au soja sont en aussi bonne santé que ceux qui ont bu du lait de vache ou ses dérivés « maternisés » (ce qui reste bien moins bon que le lait maternel, nous y reviendrons).

Si les phytoœstrogènes du soja provoquaient des problèmes de reproduction chez les enfants nourris au soja, ces problèmes se retrouveraient chez eux à l’âge adulte. L’étude a examiné 811 hommes et femmes de 20 à 34 ans qui avaient participé, dans leur enfance, à des études sur la consommation de lait de vache ou de soja. Aucune différence n’a été observée entre eux dans plus de trente aspects de leur santé. La seule exception est que les cycles menstruels des femmes nourries au soja dans leur enfance se sont révélés légèrement plus long (huit heures) que celui des femmes nourries au lait de vache dans leur enfance. En 2009, un groupe de 14 experts indépendants, nommés par le Centre d’évaluation des risques liés à la reproduction humaine du ministère de la Santé américain, ont examiné l’ensemble des données scientifiques ayant trait au risque du soja pour les bébés. Ils ont conclu que le risque, s’il y en avait un, était minimal. (4)

Pourquoi tant de haine contre le soja ?

D’où vient la confusion sur le soja ? Toutes les mises en garde (incluant celle de Doctissimo) contre le soja sont basées sur des résultats constatés chez les animaux.

La première étude défavorable au soja parut en 1985, lorsqu’une grande étude scientifique a montré que le soja augmente le risque de cancer du pancréas chez... les rats. Choisir des rats pour en tirer des conclusions sur les êtres humains n’est pas très malin quand on sait que le pancréas des rats est très différent du nôtre. Le soja contient des inhibiteurs de la protéase, c’est-à-dire des substances qui freinent la digestion des protéines. Ces inhibiteurs de la protéase provoquent le cancer chez certaines espèces animales (rats et poules). Les rats et les poules ont la particularité d’être dotés d’un pancréas extraordinairement sensible aux inhibiteurs de la protéase que l’on trouve dans le soja. Cette sensibilité n’a pas été constatée chez les autres espèces comme les hamsters, les souris, les chiens, les cochons, les singes et les êtres humains. Et ce n’est pas étonnant : les espèces, même lorsqu’elles paraissent très proches, réagissent différemment aux aliments.

Les êtres humains ne sont ni des rats, ni des singes

Ce qui est bon pour une espèce est souvent toxique pour une autre. Le soja ne fait pas exception. Nos enfants, dès le plus jeune âge, savent qu’ils ne peuvent pas forcément manger ce que mangent les autres animaux ! Après quelques tentatives, ils arrêtent de manger de la terre, si bonne pour les vers de terre. Puis, ils renoncent à avaler de l’herbe, si bonne pour les sauterelles, les éléphants et une vaste gamme intermédiaire d’animaux. Ils se détournent tout aussi rapidement des feuilles, des écorces et des fleurs, tant appréciées de nos amis les chimpanzés et les gorilles... Nos enfants consacrent des années à apprendre à distinguer les aliments qui se mangent de ceux qu’il vaut mieux éviter, indépendamment de ce que font les autres animaux (mais pas indépendamment de l’avis de leurs parents : « Et ça, c’est du poison, ça ? » nous a demandé environ deux mille fois notre petit Thomas, 3 ans, dès que paraissaient à sa vue des boules rouges ou noires, lors de nos promenades l’été dernier).

Le site Doctissimo entretient la confusion de façon typique :

« De nombreux travaux expérimentaux, menés sur différentes espèces animales, montrent que les phyto-œstrogènes présentent des effets sur le développement et les fonctionnements endocrinien et immunitaire. » explique sur un forum P. Nathan, « médecin du sport, nutritionniste, endocrinologue, diabétologue, médecin du Conservatoire Nationale Supérieur de Musique et de Danse de Paris. » dans un article mettant en garde contre le soja publié le 22 janvier 2011. (5) Mais quelques lignes plus loin, il avoue cependant la vérité : « Chez les nourrissons alimentés de façon prolongée avec des produits contenant des phyto-œstrogènes, il n’a pas été observé, jusqu’à présent, de troubles particuliers de la croissance et du développement endocrinien. »

Bon pour les animaux, très mauvais pour les hommes

Vous souvenez-vous du thalidomide, ce médicament qui provoquait d’atroces déformations chez les bébés, lorsque leur maman en avait pris pendant sa grossesse ? Le thalidomide avait été soigneusement testé sur les animaux, où il n’avait montré aucun effet indésirable de ce type. De même, lorsque l’Opren, un médicament contre l’arthrose, fut testé sur des singes, on ne constata aucun problème ; il tua toutefois 61 personnes avant d’être retiré du marché. Le Cylert était parfait pour les animaux, mais lorsque des médecins le donnèrent à des enfants hyperactifs, il provoqua de graves problèmes de foie.

Le lait maternel toxique pour les rats

De même que les bébés rats supportent mal le soja, ils supportent très mal le lait maternel humain, qui les empêche de grandir. Faut-il s’en étonner ? Le lait maternel humain contient 5 % de protéines, contre 45 % chez celui du rat. Les besoins physiologiques du petit rat ne sont tout simplement pas les mêmes que ceux du bébé humain. Nos bébés n’ont pas besoin d’apprendre à se faufiler à une extrême vitesse dans les canalisations dès leurs premières semaines. Par contre, ils ont un puissant cerveau qui nécessite des apports considérables en glucose (le carburant du cerveau) et en DHA (les acides gras oméga-3 qui servent de briques aux neurones). Si leur cerveau se développe mal, leurs chances de vivre seront gravement remises en cause, quelle que soit la qualité de leurs réflexes ou de leurs muscles par ailleurs.

Recommandations sur le soja

Le soja, donc, n’a pas le même effet sur les rats que sur nous. Chez les humains, c’est un aliment globalement très sain, à partir du moment où il n’est pas aux OGM (65 % de la production américaine) ni arrosé de produits chimiques (choisir du bio, donc). Le soja semble même diminuer le risque de cancer du pancréas, du colon, de la prostate, et du sein. (6) Ces données sont cohérentes avec les observations épidémiologiques à grande échelle, sur les populations fortes consommatrices de soja. Les femmes, y compris celles qui ont un cancer du sein œstrogènepositif, peuvent manger trois à quatre portions de soja par semaine (mais éviter par précaution les extraits concentrés). Les hommes et les femmes sans cancer du sein peuvent en manger deux ou trois portions par jour sans aucun inconvénient, au contraire. Le soja est de plus un aliment qui se présente sous des formes très variées, et qui apportera beaucoup de fantaisie et de plaisir à vos repas. Qui plus est, il est bon marché. Pour moi, les formes les plus intéressantes de soja sont :

- 1. Le tofu : c’est une pâte de grains de soja trempés et cuits. Le trempage est utilisé traditionnellement pour réduire les inhibiteurs de la protéase. Riche en protéines, le tofu a un goût neutre, qui lui permet d’être ajouté à n’importe quel plat. Comme pour tous les plats à base de soja, choisissez du bio si vous pouvez.

- 2. Le tempeh : il s’agit d’un gâteau de grains de soja fermentés, au goût de noix et de champignon, d’une texture élastique. Extrêmement riche en protéines et en fibres, produit d’une manière qui diminue fortement la teneur en inhibiteurs de la protéase, le tempeh est la façon idéale de consommer le soja, d’un point de vue nutritionnel.

- 3. Le miso : c’est une pâte de graines de soja fermentées avec du riz ou d’autres céréales. Couramment utilisée comme condiment salé ou comme base pour faire une soupe, le miso est un puissant probiotique, qui contient de nombreuses bactéries favorables aux voies intestinales. Le processus de fermentation du miso désactive les inhibiteurs de la protéase.

- 4. Tamari (ou Shoyu) : une sauce fermentée très gouteuse et salée ;

- 5. Lait de soja : fait avec des graines de soja trempées et broyées, de plus en plus utilisées à la place du lait de vache. Souvent appelé « boisson » de soja, parce que l’industrie laitière refuse de laisser utiliser le mot lait. Faible teneur en inhibiteurs de trypsine et en phytates. Préférer les marques à base de grains entiers, plutôt que de poudre de lait de soja (il existe aussi des laits de riz, d’amande et d’avoine qui ont chacune leurs propres avantages par rapport au lait de vache).

- 6. Edamame : le soja est récolté alors qu’il est encore immature, vert et tendre. Cuit environ 15 minutes et légèrement salé dans l’eau bouillante, il peut servir en apéritif, mélangé à des légumes, ajouté dans une salade ou en soupe.

De légitimes questions ont été posées sur certains produits du soja, et la recherche va continuer dans ce domaine. Vous bourrer de tofu et avaler systématiquement tout ce qui contient du soja ne vous conduira pas automatiquement à une bonne santé, mais stigmatiser le soja non plus. La croisade anti-soja a détourné inutilement de nombreux acheteurs d’un aliment sain et rempli de bienfaits qui, si nous sommes respectueux de nos corps et de la nature, peut nous apporter une multitude de bienfaits.

A votre santé !

Jean-Marc Dupuis

Sources de cet article :

(1) article datant de 2003 et se trouvant toujours en ligne sur le site doctissimo.fr, consulté le 31 janvier 2012. http://www.doctissimo.fr/html/nutri...

(2) « Soy Infant Formula : Birth Control Pills for Babies », par Sally Fallon Morel, sur http://www.westonaprice.org/soy-ale... (consulté le 31 janvier 2012)

(3 http://www.doctissimo.fr/html/nutri...

(4) http://www.niehs.nih.gov/news/asset...

(5) http://blog.doctissimo.fr/shureido/...

(6)En 2000, Riva Bitrum, President de la recherche à l’ American Institute for Cancer Research, a déclaré à ce sujet que « Les études qui montrent de façon consistante que la consommation d’une simple portion par jour de soja contribue à diminuer le risque de cancer sont encourageantes. C’est une chose que la plupart des gens pourraient faire facilement.’ » ( "Studies showing consistently that just one serving a day of soyfoods contributes to a reduction in cancer risk are encouraging. Consuming one serving of soyfoods is a step most individuals would not find too difficult to take.")

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