Climat : Bruxelles envisage de tout laisser tomber !
Paris et Bruxelles assument (tous comptes faits) "vers un avenir « terrible " sans changement de cap (Agence internationale de l’énergie)
19 octobre 2011
La commission de Bruxelles interroge : l’Europe doit-elle continuer à lutter contre le réchauffement climatique, si elle reste seule à le faire. Dans une version provisoire de sa « feuille de route 2050 », une étude prospective sur la stratégie énergétique de l’Union européenne (UE), la commission indique :
« Si une action coordonnée sur le climat entre les principaux partenaires mondiaux ne parvient pas à être renforcée dans les prochaines années, il faut se demander jusqu’où l’UE doit poursuivre une transition du système énergétique orientée vers la décarbonisation. »
Tout en rappelant les gains économiques sur lesquels les Européens ont fondé leur scénario de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la commission européenne souligne que ce scénario « pourrait être trop optimiste », et insiste :
« Il faut (...) bien voir qu’il y a des risques associés à une action unilatérale de la part de l’UE, par exemple liés à la délocalisation des émissions de carbone et à des effets négatifs sur la compétitivité. »
Atterrant (c’est-à-dire réaliste). Interrogé par le Wall Street Journal, le porte-parole du commissaire européen à l’énergie refuse de commenter.
L’énorme centrale au charbon polonaise d’Elektrownia Belchatow, l’usine la plus polluante d’Europe. La Pologne, qui génère 95 % de son électricité à partir de charbon, conduit actuellement les négociations de l’Europe sur le climat. [Konrad Konstantynowicz/Greenpeace]
L’humanité ne s’est jamais dirigée aussi droit vers la catastrophe. A un mois du sommet sur le climat de Durban, c’est peu dire que les négociations internationales piétinent. L’hebdomadaire allemand Der Spiegel annonce « la mort du processus de Kyoto ».
La politique climatique de l’Europe, pour l’heure la plus ambitieuse du monde (correction : à peu près la seule qui existe sur Terre) laisse apparaître de vertigineux vices de forme.
Deux exemples.
La transition énergétique repose beaucoup sur les agrocarburants, dont le bénéfice est désormais mis en doute au sein même des institutions européennes.
Pire, la comptabilité des émissions est fondée sur une hypocrisie en quelque sorte écoloniale : elle est fondée sur la production, et non sur la consommation. Cela veut dire que les émissions induites par la fabrication de la multitude d’objets que les consommateurs européens font venir de Chine et d’ailleurs ne sont pas prises en compte par l’UE. Etrange de blâmer les pollueurs chinois, puisqu’ils polluent pour nous, à notre place.
Les Européens, qui posent en parangons de vertu dans les négociations internationales, rejettent les demandes des pays émergents pour prendre en compte leur « dette carbone ». Il s’agit aujourd’hui du principal obstacle à l’avancée des négociations internationales. Oui, l’obstacle, c’est bien nous.
D’après plusieurs études, si l’on tient compte de cette dette carbone, les émissions de l’Europe ont en fait explosé depuis 1990, et non reculé comme on s’en félicite à Bruxelles.
L’auteur d’un blog écolo sur le site du New York Times cite Machiavel :
« Il faut considérer qu’il n’existe rien de plus difficile à accomplir, rien dont le succès ne soit plus douteux, ni rien de plus dangereux à mener, que d’initier un nouvel ordre des choses. Car le réformateur a des ennemis parmi tous ceux qui profitent de l’ordre ancien, et seulement de tièdes défenseurs chez tous ceux qui pourraient profiter de l’ordre nouveau, cette tiédeur émergeant en partie de la crainte de leurs adversaires, qui ont les lois en leur faveur ; et en partie de l’incrédulité de l’humanité, qui ne croit réellement à rien de nouveau tant qu’elle n’en a pas vraiment fait l’expérience. »
La seule manière de limiter le réchauffement de l’atmosphère à +2°C consisterait à fermer des usines (autrement dit à mettre en place une politique de décroissance), s’accordent à dire depuis longtemps les deux principaux centres européens de prospective économique sur le climat, le Tyndall en Grande-Bretagne et le Cired en France, dont les chercheurs alimentent les rapports des Nations unies. Mais bizarrement, ce diagnostic n’apparaît pas dans les rapports du Giec.
La Pologne occupe la présidence tournante de l’UE, et à ce titre, c’est elle qui conduira les négociations de Durban au nom de l’Europe. La Pologne dont le gouvernement milite pour qu’il n’y ait pas d’encadrement spécial à l’exploitation des gaz de schistes (dont le sous-sol polonais regorge) et qui montre bien peu d’entrain pour modifier son système de production électrique, fondé presque exclusivement sur le charbon.
On est bien là, non ? Tous les sondages d’opinion montrent que l’offensive climatosceptique menée depuis 2008, bien souvent spon-so-ri-sée par Big Oil, a fort bien marché : les gens croient de moins en moins à la menace du climat. Toutefois, plus encore que les arguments frelatés contenus dans le best seller d’un claude allègre, il semble que c’est la crise qui pèse dans ce "pragmatisme" (hûhû) de l’opinion.
Et vive l’été indien (Geronimo).
Alain KALT (retranscription)
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