Environnement Lançonnais

Le Parlement européen encadre le tabac, mais pas l’e-cigarette

lundi 21 octobre 2013 par Alain KALT (retranscription)

Le 08 octobre 2013 par Marine Jobert

Le Parlement européen s’est prononcé ce 8 octobre sur le périmètre du mandat que la rapporteure britannique Linda McAvan va pouvoir défendre face au Conseil européen, afin de finaliser le texte de la future directive Tabac. Celle-ci a pour vocation de rendre les produits du tabac moins attractifs auprès des jeunes. Le vote final par les eurodéputés pourrait intervenir en décembre. Michèle Rivasi est vice-présidente du groupe des Verts/ALE au Parlement européen et co-rapporteure de la directive dans la commission de l’industrie et la recherche (ITRE). Elle dresse un bilan contrasté, mais assez satisfait, du vote d’aujourd’hui.

JDLE - Le simple fait que ce vote ait pu avoir lieu aujourd’hui n’est-il pas une première victoire, compte tenu des obstacles déployés par l’industrie du tabac ?

Michèle Rivasi - Oui, il s’agit d’une première victoire. Car cette directive, qui aurait dû faire l’objet d’un vote en juin dernier, va tout de même passer au cours de cette législature et ne sera pas de nouveau repoussée par le renouvellement des élections européennes. Le lobby a pourtant tout fait pour la retarder. Il y a d’abord eu du retard lors des consultations entre les différentes parties ; puis le commissaire européen à la santé John Dalli a été évincé pour des suspicions de liens avec l’industrie du tabac qui se sont révélées fausses. Mais ça nous a encore fait perdre du temps. En 4 ans, je n’ai jamais vu un tel lobbying ! Ils nous ont tous fait des cadeaux, nous envoyant du tabac brut et une cigarette électronique, pour dire « voyez tout ce que peut apporter le tabac ». Ils sont allés voir plus de 200 eurodéputés pour les convaincre que dans le cadre de la crise économique, ce qui comptait le plus, c’était l’emploi. Dans chaque pays, des fabricants de cigarettes et des producteurs de tabac allaient être pénalisés, etc. Bref, ça a été du chantage à l’emploi. Ils ont demandé à me voir, mais j’ai refusé car j’avais déjà beaucoup d’informations. Pendant les négociations en commission, ils ont aussi été très actifs. Ils étaient installés à l’arrière et ciblaient des leaders qui en entraîneraient d’autres ou des gens qui pourraient être convaincus par la suite. Ils ont élaboré des stratégies individuelles hyper psychologiques. Aujourd’hui même, ils ont filmé dans l’hémicycle chaque député qui s’exprimait, pour les cerner psychologiquement. Ils ont été mis à la porte, car on n’a pas le droit de filmer depuis les tribunes, mais leur stratégie consiste à cerner la psychologie de chaque député qui s’exprime. C’est incroyable !

JDLE – La taille et le nombre de cigarettes, le packaging, les arômes et les additifs ; tels étaient les principaux enjeux du vote du jour. Quel bilan tirez-vous ?

Michèle Rivasi – Mon analyse n’est pas complètement négative. Par rapport au packaging, il va y avoir une harmonisation de l’information sanitaire, qui couvrira 65% du paquet[1], des deux côtés, avec la marque placée en bas et le message sanitaire placé en haut. Les paquets de moins de 20 cigarettes –souvent vendues dans des paquets attractifs, en forme de rouge à lèvre par exemple- seront interdits. En revanche, les « slims », qui plaisent tant aux femmes, restent autorisées.

En ce qui concerne les additifs, nous avons réussi à imposer une « liste positive » de produits que les fabricants auront le droit d’ajouter sans des concentrations spécifiques (il y a en environ 300 à l’heure actuelle) et s’ils veulent en rajouter à cette liste, il faudra qu’ils en demandent l’autorisation à la Commission. La quantité autorisée de polonium –substance radioactive qui vient surtout des intrants utilisés- a été diminuée. Pour le commerce illégal, il est également prévu que les Etats membres garantissent que les paquets unitaires et l’emballage de transport soient identifiés par un marquage, permettant de suivre le parcours de l’envoi du producteur au premier détaillant.

Autre motif de satisfaction, à nuancer toutefois : on a gagné sur l’interdiction des saveurs ajoutées aux cigarettes comme la vanille et le chocolat. Il faudra en revanche attendre 8 ans pour que le menthol soit également banni. C’est une déception, car ces cigarettes mentholées ont du succès auprès des jeunes, puisque cette saveur enlève l’âpreté du tabac, qui peut être de nature à vous faire arrêter tout de suite. Au contraire, l’impression de fraîcheur apportée par le menthol initie au tabac. Comment le parti populaire européen défend-il le maintien du menthol alors que le texte est censé rendre les produits du tabac moins attractifs auprès des jeunes ? En disant que ça n’est pas ça qui va empêcher les jeunes de fumer.

JDLE – Un autre enjeu majeur du vote du jour –et spécialement en France, où elles connaissent un succès fulgurant- c’était la réglementation applicable aux cigarettes électroniques. Quelle a été l’issue du vote ?

Michèle Rivasi – Il faut savoir que les législations de chaque pays diffèrent sur le statut de ce produit. 13 pays considèrent les « e-cig » comme des produits pharmaceutiques, 7 comme un bien de consommation (c’est le cas de la France) et quelques-uns l’interdisent carrément, comme la Lituanie. L’amendement porté par les libéraux et appuyé par PPE -et certains socialistes- a abouti à ce qu’aucune autorisation de mise sur le marché (AMM) ne soit exigée. Pour notre part, nous souhaitions une AMM allégée –c’est-à-dire sans étude sur les patients- pour les liquides contenant de la nicotine. Mais là, l’ensemble du dispositif va être considéré comme un produit de consommation et on vérifiera la qualité et la sécurité du produit a posteriori. A noter toutefois : le produit ne pourra pas excéder 30 milligrammes par millilitre de nicotine, il devra comporter des avertissements sanitaires et sera soumis aux mêmes restrictions en matière de publicité que les produits du tabac. Pour résumer, rien ne change.

On assiste à une banalisation de la cigarette électronique ; et même si les fabricants et les importateurs devront soumettre aux autorités compétentes une liste de tous les ingrédients qu’elle contient, ils auront le droit d’ajouter quantité de saveurs. Certains en proposent plus de 64 ! Mais on ne sait pas ce qu’il y a dedans. Je suis surprise par le laxisme qui règne sur ce dossier, que j’explique par l’obsession du PPE et des Libéraux pour l’emploi et un marché dérégulé.

JDLE – Qui détient les boutiques de cigarettes électroniques qui ont fleuri en France ?

Michèle Rivasi – En France, ce sont beaucoup de PME. Mais en Grande-Bretagne, on retrouve l’industrie du tabac, avec Bristish Amrecian Tobacco qui commence à acheter les producteurs. Imperial Tobacco est en train de racheter les droits du Chinois qui a inventé la cigarette électronique. De leur point de vue, si la consommation de cigarettes diminue, il leur faut gagner des parts de marché ailleurs.

Pour conclure je dirai que, si tout se passe bien, les négociations qui vont se mener avec les Etats membres pourraient aboutir à un texte plus restrictif, comme sur le menthol : la date à laquelle il sera interdit pourrait être ramenée à trois ans, à en croire certains Etats. On a perdu la bataille, mais pas la guerre : on peut encore renforcer la législation au niveau national.


[1] A l’heure actuelle, les paquets de cigarettes affichent des avertissements relatifs à la santé pour au moins 30% de l’avant du paquet et 40% de l’arrière.

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