Des règles pour stopper le lobbying des énergies fossiles ?
Plus de 70 organisations de la société civile dans le monde ont publié une lettre le 21 novembre 2013 appelant l’Organisation des Nations Unies et la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) à mettre en œuvre de nouvelles règles pour protéger les négociations mondiales sur le climat de l’influence indue de l’industrie des énergies fossiles. « Faut-il s’étonner que les pays riches et industrialisés soient en train de renier leurs engagements sur les réductions d’émissions de gaz à effets de serre et de nouveaux financements climat lorsque des industries qui augmentent leurs profits en accroissant leurs émissions viennent chuchoter à leur oreille ? », demande Pascoe Sabido, chercheur et militant du Corporate Europe Observatory. « Si nous voulons que les négociations sur le climat aboutissent à ce que la science et le principe d’équité exigent, nous avons besoin d’un pare-feu entre l’industrie de l’énergie et les décideurs politiques sur le climat. »
Dans la lettre, les organisations font part de leurs préoccupations au sujet du sponsoring privé2 de la COP19, de la décision du gouvernement polonais de parrainer un sommet de l’industrie charbonnière, et de la décision de la secrétaire exécutive de l’ONU, Christiana Figueres, d’intervenir lors de ce sommet.
« Par conséquent, il est urgent de définir des règles qui régissent la relation entre la CCNUCC et l’industrie des énergies fossiles, y compris avec des obligations pour les présidents de la Conférence des Parties », poursuit la lettre. « Des règles qui pourraient assurer que la situation préjudiciable actuelle soit évitée, en mettant fin à l’accès indu et à l’influence des entreprises et des industries polluantes, en reconnaissant que leurs intérêts directs sont fondamentalement et irrémédiablement en conflit avec le besoin urgent d’une politique climatique équitable et ambitieuse. »
Il existe un précédent fort intéressants pour les institutions telles que la CCNUCC pour adopter des règles et des lignes directrices réglementant l’influence indue du secteur privé. Par exemple, la Convention-cadre pour la lutte antitabac de l’Organisation mondiale de la Santé (OMW), entrée en vigueur en 2005, consacre dans le droit international le principe selon lequel l’industrie du tabac ne doit jouer aucun rôle dans l’élaboration des politiques de santé publique, en raison du « conflit fondamental et irréconciliable entre les intérêts de l’industrie du tabac et les intérêts de la politique de santé publique » en affirmant que « les Parties doivent agir pour protéger ces politiques contre les intérêts commerciaux de l’industrie du tabac ». Les directives élaborées par cet article 5.3 impliquent de limiter les interactions entre l’industrie qui profite des dommages occasionnés et ceux qui sont chargés de minimiser et mettre fin à ces dommages.
« L’urgence planétaire, illustrée de manière limpide par la récente catastrophe aux Philippines, exige une transformation complète du système énergétique. Pourtant, la présidence polonaise et la CCNUCC ont positionné le secteur des énergie fossiles dans le siège du conducteur », selon Dipti Bhatnagar, coordinatrice du programme justice climatique et énergie des Amis de la Terre International. « Les lobbyistes du tabac sont tenus à l’écart de l’Organisation mondiale de la santé, alors pourquoi les lobbyistes des énergies fossiles devraient être autorisés à siéger aux côtés de la CCNUCC ? »
Dans la perspective du prochain accord sur le climat qui devrait être signé à Paris en 2015, les groupes de la société civile attendent de la CCNUCC qu’elle introduise des garanties et des règles qui soient à la hauteur du défi de la protection du climat. Pendant ce temps, les organisations signataires poursuivront leurs campagnes contre le pouvoir politique de l’industrie des énergies fossiles, depuis le mouvement grandissant de désinvestissement dans les énergies fossiles jusqu’aux luttes pour divulguer le rôle des lobbies et contre les projets de charbon et d’exploration d’énergies fossiles dans le monde.
« Les entreprises polluantes sont présentes aux négociations sur le climat pour une seule raison : convaincre les gouvernements de soutenir leurs fausses solutions qui ont par ailleurs échoué ; des solutions qui non seulement détruisent le climat mais génèrent beaucoup d’argent pour les pollueurs », a déclaré Maxime Combes d’ATTAC France. « On se bat ici contre la fracturation hydraulique et l’énergie nucléaire et si rien ne change d’ici le moment où les négociations arriveront à Paris, les représentants de ces secteurs industriels seront à l’intérieur de la CCNUCC en essayant de se faire passer comme porteurs de solutions climatiques. C’est tout simplement inacceptable ».
Alain KALT (retranscription)
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