L’Europe peaufine son Paquet Energie 2030
Le 29 novembre 2013 par Valéry Laramée de Tannenberg
La future politique européenne en faveur des renouvelables reste des plus floues.
La Commission met la dernière main à sa politique « énergie climat » des 20 prochaines années. Ce train de mesures, qui doit constituer la position des 28 dans les prochains sommets climatiques, n’est pourtant pas près d’être adopté.
A peine les lumières du sommet de Varsovie sont-elles éteintes que déjà débutent les grandes manœuvres climatiques. Ces dernières semaines, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont annoncé la fin de toute aide financière à la construction (à l’export) de centrales électriques au charbon. La France devrait se joindre à ce duo pionnier dans les prochains jours. Consciente que la décarbonation des pays émergents et en développement sera, en partie, financée par l’argent du Nord, la Banque mondiale et l’ONU ont relancé, mercredi 27 novembre, l’appel aux dons pour faire vivre le programme énergie durable pour tous (SE4all).
600 à 800 milliards de dollars d’investissements
Ce plan se propose d’assurer, d’ici 2030, un accès universel à l’énergie, d’accroître significativement l’efficacité énergétique des activités anthropiques et de doubler la part des renouvelables dans le mix énergétique mondial. 600 à 800 milliards de dollars (441 à 589 Md€) d’investissements seront nécessaires pour atteindre de tels buts, de l’avis du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon. Où les trouver ? Jusqu’à présent, seules l’Opep, la Norvège et Bank of America ont promis un peu moins de 2 Md$ (1,47 Md€) au programme. Mais la Banque mondiale n’a pas vocation à prendre le leadership des négociations. Pas plus que les Etats-Unis qui, pour des questions électorales, n’annonceront aucun engagement avant 2015. Reste donc l’Union européenne. Dans l’ombre, Bruxelles est sur le pied de guerre. Les services des DG Climat, Energie et Environnement ont déjà établi le bilan du paquet Energie-Climat de 2008. Attendues en janvier prochain, les conclusions de ce pavé illisible sont déjà connues.
Bilan passable
Les 28 réussiront à réduire de 20% leurs émissions de CO2, entre 1990 et 2020. A cette même échéance, ils auront suffisamment modifié leur bouquet énergétique pour consommer 20% d’énergies renouvelables. En revanche, leurs efforts (souvent modestes) en faveur de l’efficacité énergétique restent insuffisants. « Nous devrions l’améliorer de 16%, soit 4 points de moins que prévu », reconnaît-on dans les couloirs de la DG Energie. L’élève européen peut donc crier victoire dans les sommets climatiques : il a tenu son engagement unilatéral et respecté le protocole de Kyoto. Bien. Mais cela ne suffira pas pour convaincre près de 200 nations à changer de modèle de développement.
Pour ce faire, la Commission prépare sa vision à 2030. Son but est connu : -40% de CO2 entre 1990 et 2030, voire -50%, pour le cas où un accord international serait conclu à Paris. Il sera complété d’autres objectifs. A commencer par la réduction de la dépendance énergétique du Vieux Monde. L’Europe consacre 3,2% de son PIB à importer des énergies fossiles « et cette dépendance risque de continuer à s’accroître ». Probablement pour le grand bonheur de la Russie et de la Norvège qui fournissent la moitié des hydrocarbures consommés par les Européens.
Subventions hors de prix
La Commission va donc soutenir la production locale d’énergie. De renouvelables, tout d’abord. Pour lesquelles le grand flou subsiste. Le consensus n’existe que pour changer leur mode de financement. « Ce qui est inévitable si l’on garde à l’esprit que le coût des subventions est supérieur au coût de production de l’éolien dans 13 pays membres », souligne une experte de la DG Energie. En 2011, l’UE a consacré une cinquantaine de milliards de dollars (37 Md€) à financer les ENR. Et ne se voit pas investir beaucoup plus d’ici 2035. « Il faudra sans doute combiner des mécanismes de financement innovants et des appels d’offres », avance-t-on à la Commission. Autre question non encore tranchée : y aura-t-il un objectif ENR 2030 ? Rien n’est moins sûr.
La Commission Barroso est, en revanche, bien décidée à encourager la production de gaz de schiste. Là non plus, pas question d’assigner des objectifs de production aux pays membres. Bruxelles peaufine un train de mesures visant à encadrer l’exploration et la production de ces gaz non conventionnels. « Ces textes institueront des études d’impact (pour les puits et leur voie d’accès), encadreront la consommation et l’assainissement de l’eau de process, limiteront les émissions fugitives de gaz, protégeront la santé des travailleurs. Ils protégeront aussi les nappes phréatiques et la qualité de l’air », rappelle Joe Hennon. Seule incertitude : le véhicule juridique. « Nous ne savons pas si tous ces éléments seront intégrés dans une directive ou dans un règlement », poursuit le porte-parole de la DG Environnement. Mais après tout, rien ne presse. « Nous avons 4 ou 5 ans devant nous avant que la production de gaz de schiste commence en Europe », veut croire le communicant irlandais.
Trouver la cohérence
Malgré cet encouragement de la production d’énergie fossile, au bilan carbone très discuté qui plus est, l’Europe n’entend pas abandonner la décarbonation de son secteur énergétique. Bruxelles veut toujours réformer le fonctionnement de son système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, le fameux ETS. A court terme, le gel temporaire de l’allocation de 900 millions de quotas semble, enfin, être acquis. A plus long terme, estime-t-on à la DG Climat, on peut espérer des couplages avec les autres marchés du carbone, qu’ils soient américains, sud-coréen ou chinois.
L’Europe devra enfin améliorer grandement son efficacité énergétique. Reste à savoir comment. Jusqu’à présent, seuls 28,4 Md€ de fonds structurels et de fonds horizons sont prévus pour la période 2014-2020 pour faciliter le découplage entre production de richesse et consommation de kilowattheures. Il n’est pas dit que cela suffise. Pour mémoire, le montant du devis de la rénovation du parc immobilier français atteint 400 Md€.
Autre grande difficulté pour les experts de la Commission : la cohérence des politiques. Car la Commission veut, tout à la fois, accroître la production d’énergies fossiles et réduire les émissions de CO2. Bruxelles veut aussi diminuer la consommation d’énergie tout en créant les conditions propices à un renchérissement du coût du quota de CO2. Ce qui est plutôt contradictoire.
Quoi qu’il en soit, l’exécutif espère toujours adopter, dès janvier, son « paquet 2030 ». Lequel devra ensuite passer sous les fourches caudines du conseil Compétitivité et du Conseil européen, en février et mars prochains. Ensuite, ce sera autour du Parlement. Mais après les élections européennes de la fin mai.
Alain KALT (retranscription)
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