Environnement Lançonnais

Un composant du biodiesel aurait un effet grave sur le cycle de l’eau

jeudi 11 juin 2015 par Alain KALT (retranscription)

Une étude de la façon dont la présence de molécules organiques dans l’atmosphère affecte la formation des nuages montre que l’un des composants principaux du biodiésel, l’oléate de méthyle, réagit de façon très rapide en présence d’ozone.

Ce processus peut neutraliser la croissance des gouttelettes d’eau induites par les émissions, ce qui inhibe alors la formation des nuages, avec des conséquences extrêmement complexes sur le cycle de l’eau.

L’étude, publiée par le journal Physical Chemistry Chemical Physics, a été réalisée à l’ILL à Grenoble, par une équipe internationale de chercheurs.

L’oléate de méthyle est une matière organique désormais produite en grande quantité en raison de l’utilisation croissante de biodiésel aux esters méthyliques d’acide gras (EMAG). Cette utilisation à grande échelle est donc susceptible d’en augmenter la concentration dans l’atmosphère. Il s’accumule naturellement à la surface de l’eau et peut donc réduire la tension superficielle des gouttes d’eau. Ce type de surfactants joue un rôle important dans la formation des nuages car, en réduisant la tension superficielle, il permet aux gouttelettes de grossir et de donner naissance aux nuages et aux pluies. En l’absence de surfactants, la croissance limitée des gouttelettes ne leur permettrait de former des nuages que bien plus haut dans l’atmosphère.

Les chercheurs ont mené des expériences de reflectométrie neutronique avec le puissant réflectomètre FIGARO de l’ILL. Des faisceaux intenses de neutrons sont prélevés sur des monocouches de molécules d’oléate de méthyle flottant sur l’eau tandis qu’elles sont exposées à de l’ozone en phase gazeuse. Les mesures de l’intensité de la réflexion neutronique lors de la réaction ont permis aux chercheurs de déterminer la façon dont la concentration de molécules en surface se modifie dans le temps et donc la sensibilité de cette matière organique à l’attaque oxydative.

Les neutrons sont utilisés ici pour traiter deux questions essentielles – à quelle vitesse l’oléate de méthyle oxydé disparaît-il de l’interface air-eau, et – est-ce que les produits d’oxydation de l’oléate de méthyle demeurent à la surface de la gouttelette, pénètrent dans l’eau ou s’évaporent ?

L’étude montre que l’oléate de méthyle se dégrade dix fois plus vite que l’acide oléique, une molécule présente dans l’atmosphère et générée par la cuisson de la viande. Elle montre également que la couche de surfactant initiale à l’interface air-eau est entièrement éliminée après exposition à l’ozone. Ce mécanisme a été attribué à la réaction de l’ozone avec la double liaison carbone-carbone de l’oléate de méthyle, qu’elle fragmente pour cisailler la molécule en deux. Cette réaction d’oxydation entraîne la perte presque totale des propriétés de surfactant de l’oléate de méthyle. Dans l’atmosphère cela ralentirait nettement la croissance des gouttelettes d’eau.

« Les neutrons ont montré que le surfactant disparaît de l’interface air-eau à une vitesse étonnante » a déclaré le Dr Christian Pfrang, de Reading University, auteur principal de l’article. « Le surfactant n’est pas stable en surface en présence d’ozone ; cela indique une augmentation de la tension superficielle et un éventuel ralentissement de la croissance des gouttelettes, ce qui peut entraver la formation des nuages. En outre, les produits d’oxydation ne sont pas stables du tout à la surface de la gouttelette, ce qui n’aurait pu être déduit des résultats d’études antérieures. »

Pour Richard Campbell, responsable instrument : « L’ILL est leader mondial des installations neutroniques pour les études cinétiques par son réacteur source très stable et intense, et FIGARO est le meilleur réflectomètre neutronique du monde pour mener cette étude, grâce à sa très haute intensité pour les études d’excès de surface. Nous avons pu pratiquer des scans à la cadence d’une à cinq secondes – vitesse nécessaire à l’échelle de temps de ce travail. Cela nous a permis de révéler les mécanismes de réaction de la dégradation par oxydation d’une monocouche organique, avec un excellent temps de résolution et une bien meilleure sensibilité. »

L’étape suivante sera d’examiner le comportement de surfactants différents et de leurs mélanges lors de l’exposition à l’ozone et autres oxydants présents dans l’atmosphère. « Nous combinons réflectométrie neutronique et modélisation informatique » explique Federica Sebastiani, doctorante à l’ILL qui a travaillé sur FIGARO. « Nos modélisations nous permettent d’étudier des systèmes plus complexes avec plusieurs surfactants et nous pourrons les voir plus en détails que jamais. »

Voir en ligne : Source de l’article...

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