Environnement Lançonnais

Accord sur la haute mer : dernière étape avant le grand saut

mercredi 4 octobre 2017 par Alain KALT (retranscription)

Le 07 juillet 2017 par Stéphanie Senet

Ambassadeur chargé des océans, Serge Ségura va participer pour la France au dernier comité préparatoire, qui se tient du 10 au 21 juillet à New-York. Objectif : lancer les négociations diplomatiques sur un accord international de protection de la biodiversité en haute-mer.

Où en est-on des discussions ?

Nous allons participer au quatrième et dernier des comités préparatoires qui visent à déterminer la forme que prendront les négociations diplomatiques devant aboutir à un traité et de recueillir les positions des Etats. A l’issue de cette réunion, le président brésilien du comité va transmettre ses recommandations au président de l’assemblée générale des Nations Unies, qui prendra une résolution dans l’année pour dire si oui ou non des négociations diplomatiques sont officiellement lancées. L’idée est d’aboutir à un accord sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine en haute mer, pour compléter la convention sur le droit de la mer. Cette convention dite de Montego Bay fixe en effet des grands principes, comme la liberté de navigation, de recherche scientifique, et il faut préciser tout cela pour voir comment cela peut cadrer avec la protection de la biodiversité marine.

Quels outils de protection sont envisagés ?

Il s’agit principalement des aires marines protégées (AMP), dont le dispositif de création est en cours de discussion. L’un des principaux débats est de savoir quel niveau de décision doit être privilégié. Le niveau local ? Le niveau global ? A mon avis, il ne faut privilégier ni l’un ni l’autre mais élaborer un dispositif mixte. Il faut aussi reconnaître l’existence des AMP régionales au niveau mondial. Il existe d’autres outils comme les zones maritimes particulièrement vulnérables (ZMPV) de l’OMI. L’Unesco envisage de son côté d’inscrire au patrimoine mondial des zones de haute mer, comme des canyons sous-marins d’une grande richesse écologique. Le futur accord devra décider comment prendre en compte ces zones existantes. Les Français et les Européens militent pour que les AMP aient une durée de vie illimitée. Ce qui n’est pas l’avis de tous.

L’accord évoque l’utilisation « durable » de la biodiversité marine. Quels sont ses critères ?

Nous travaillons sur les études d’impact environnemental liées aux projets d’activité en haute mer et qui détermineront si les projets doivent être lancés, arrêtés, ou modifiés. Nous devons préciser qui va instruire les dossiers et prendre les décisions. On peut imaginer une décision par consensus comme pour le dispositif en Antarctique. Si vous voulez créer une nouvelle station, vous devez obtenir une autorisation des Etats parties en leur montrant une étude d’impact environnemental précise. Il faut noter que la pêche ne rentre pas dans le champ de compétence de ce nouvel accord. Elle reste encadrée par la convention de Montego Bay et l’accord de 1995 qui promeut la création d’organisations régionales de gestion de la pêche.

Comment seront gérées les ressources génétiques marines ?

Actuellement, le débat vise à définir juridiquement ces ressources. Les Etats en développement souhaiteraient qu’elles soient inscrites comme patrimoine commun de l’humanité, ce que ne veulent pas les Etats développés. Les Occidentaux sont en revanche d’accord pour un partage des avantages liés à ces ressources comme le fait d’embarquer des chercheurs locaux, partager des informations scientifiques, former des étudiants… Il faudrait que l’on se mette d’accord sur les grands principes du partage, qui doit tenir compte des droits de propriété intellectuelle.

Quels sont les points de consensus ?

La question du transfert de technologies vers les pays en développement rencontre moins d’obstacles. Les Etats développés pensent qu’il est très important de donner aux Etats en développement les moyens de remplir leurs obligations internationales. Ceux-ci doivent disposer de scientifiques spécialisés. On pourrait s’appuyer sur la Commission océanographique intergouvernementale de l’Unesco comme chef d’orchestre, pour quantifier et mettre en œuvre la coopération internationale. Les financements seraient prélevés sur les budgets nationaux, communautaires ou sur la Banque mondiale par exemple.

Y a-t-il de bonnes chances que les négociations officielles soient bientôt lancées ?

Je n’imagine pas que l’Assemblée générale de l’ONU ne les ouvre pas. L’accord de l’Union européenne, du groupe des 77 et de la Chine pour compléter la convention de Montego Bay par un nouvel accord sur la biodiversité remonte à 2011. Au pire, la résolution onusienne relancera une série de deux ou trois comités préparatoires, qui sont à mon avis inutiles. Il faut entrer dans la bataille maintenant. Et si tout se passe bien, les négociations diplomatiques pourront réellement démarrer en 2018 ou en 2019.

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