Environnement Lançonnais

Alors la fin du pétrole, c’est pour quand ?

mercredi 29 février 2012 par Alain KALT (retranscription)

Le pétrole est le premier contributeur de nos besoins énergétiques ; C’est une source d’énergie non renouvelable, dont le stock diminue au fur et à mesure que nous le consommons. Or, nous en avons encore besoin car les énergies alternatives ne sont pas prêtes pour le remplacer massivement. Alors la fin du pétrole, c’est pour quand ?

Entretien avec Roland Vially, géologue à IFP Energies nouvelles (IFPEN)

Où en est-on des réserves de pétrole ?

R. V. : Le monde a déjà consommé 1 200 milliards de barils de pétrole. Les réserves prouvées de pétrole représentent aujourd’hui 1 500 milliards de barils. Ce qui représente 40 ans de notre consommation actuelle. Il faut cependant relativiser ce chiffre de 40 ans puisqu’il faut tenir compte de la théorie du peak oil. Selon cette théorie, à partir du moment où nous aurons produit la moitié de nos réserves, la production cessera d’augmenter et commencera à décliner.

Mais la date du peak oil n’est pas figée car le chiffre des réserves prouvées évolue. En effet, les réserves varient avec le prix du pétrole et les progrès de la technologie :

• Les progrès techniques nous permettent d’exploiter des gisements plus complexes. • Plus le prix du pétrole est élevé, plus les réserves augmentent car il devient rentable d’exploiter ces gisements

Y a-t-il des incertitudes sur les chiffres de réserves ?

R. V. : Les réserves sont estimées mais ne sont pas réellement mesurées. Il y a donc des incertitudes, notamment dans les pays où le chiffre des réserves ne peut être contrôlé. Ainsi, près de 80 % des réserves sont détenues par des compagnies nationales qui n’ont pas l’obligation de les faire certifier.

Certains géologues pessimistes contestent les chiffres officiels. Selon eux, nous aurions déjà atteint le peak oil. Mais force est de constater que, pour le moment, la production a toujours satisfait la demande.

Pour les plus optimistes, la date du peak oil se situerait aux alentours de 2025 en tenant compte des nouvelles découvertes, 2035 si l’on prend en compte l’exploitation des pétroles non conventionnels.

Peut-on faire de nouvelles découvertes ?

R. V. : On fait encore aujourd’hui de nouvelles découvertes. Ainsi, des gisements ont été récemment découvert au large de la Guyane française ainsi qu’en Mer du Nord, zone qui était supposée avoir été totalement explorée.

Mais les champs découverts sont de plus en plus petits, de plus en plus complexes et les découvertes ne couvrent plus la consommation depuis les années 80.

Certaines régions restent peu ou pas explorées comme l’Arctique. Mais leur valorisation dépendra des coûts d’exploitation et des impacts environnementaux.

Enfin, on peut aussi espérer exploiter plus efficacement les champs pétroliers. Aujourd’hui, les 2/3 du pétrole restent emprisonnés dans la roche. Des techniques qui améliorent ce taux de récupération sont développées, comme l’injection d’eau ou de CO2 pour maintenir la pression.

Et les pétroles non conventionnels ?

R. V. : Les pétroles et gaz non conventionnels désignent des hydrocarbures très difficiles à extraire et qui nécessitent des techniques de production spécifiques :

• les pétroles denses et visqueux comme les sables bitumineux du Canada et les huiles lourdes du Venezuela, • les hydrocarbures de roches-mères comme les schistes bitumineux mais surtout les pétroles de schistes.

Les progrès techniques permettent dans certains cas de les exploiter. Mais leur production à grande échelle pose le problème de leur rentabilité et de leur impact sur l’environnement.

La recherche, notamment à IFPEN, a un rôle important à jouer pour développer des technologies d’extraction offrant toutes les garanties de sécurité et jugées acceptables sur le plan environnemental.

Faut-il se préparer au déclin du pétrole ?

R. V. : Quelle que soit la date du peak oil, il faut s’y préparer et réduire, dès à présent, notre dépendance au pétrole. D’autant qu’il faut s’attendre à ce que son prix soit durablement élevé.

Mais on ne peut pas se passer du pétrole du jour au lendemain. La solution repose sur un "mix énergétique" associant les hydrocarbures aux énergies nouvelles, lesquelles viendront progressivement les remplacer. Ainsi, sera assurée la transition entre le système énergétique actuel et celui de demain.

A IFPEN, nous préparons cette transition vers un monde sans pétrole. Nos activités historiques liées aux hydrocarbures se sont élargies aux nouvelles énergies (biocarburants, véhicule hybride, éolien, etc.), qui représentent aujourd’hui la moitié de nos programmes de recherche.

Le saviez-vous ?

• La part des hydrocarbures (pétrole et gaz) dans la consommation énergétique mondiale : 54 % aujourd’hui, 50 % en 2035, selon l’Agence nationale de l’énergie. Cette part diminuera donc en pourcentage mais continuera à augmenter en volume

• 7 milliards d’habitants en 2012. Avec une croissance annuelle de 1 %, la population mondiale atteindra 8,5 milliards en 2035. L’augmentation de la population mondiale associée au développement des pays émergents expliquent l’augmentation de la consommation d’énergie

• Un baril = 159 litres de pétrole brut

• Réserves prouvées : réserves que l’on sait exploiter dans les conditions économiques et techniques actuelles

• Peak oil (pic pétrolier) : moment à partir duquel on aura consommé la moitié des réserves et où, théoriquement, la production va commencer de décliner

• Consommation mondiale annuelle de pétrole : 35 milliards de barils ; les découvertes représentent l’équivalent de 10 à 15 milliards de baril

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