Environnement Lançonnais

Projet ASTER : flux et stocks de terres rares en Europe

samedi 25 avril 2015 par Alain KALT (retranscription)

Les résultats du projet ASTER, dont l’objectif est de quantifier les flux de certaines terres rares en Europe tout au long de leur chaîne de valeur, montrent que seul un nombre limité de terres rares présente de réels risques d’approvisionnement, en tout cas à l’horizon 2020.

En effet, il existe d’une part de réelles opportunités de capturer des flux de produits en fin de vie pour recycler les terres rares qu’ils contiennent et, d’autre part, de nouveaux projets miniers sont en développement hors Chine. Par ailleurs, l’émergence de technologies moins gourmandes en terres rares (par exemple les lampes LED) contribuera également à réduire la tension sur l’équilibre entre l’offre et la demande pour ces substances.

Néodyme, dysprosium, terbium... Ces terres rares sont incontournables pour produire aimants permanents, luminophores ou batteries. Quels sont réellement les besoins dans l’Union Européenne ? Quel est le potentiel en terres rares de notre sous-sol ? Que peut-on espérer du recyclage ? Voici les principales questions abordées par le projet de recherche ASTER (Analyse systémique des terres rares - flux et stocks). L’originalité du projet tenant dans la prise en compte à la fois des ressources liées aux gisements potentiels du sous-sol, et des ressources liées au recyclage des produits en fin de vie.

Financé par l’ANR, ce projet a été coordonné par le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) en partenariat avec BIO by Deloitte, le groupe Solvay, l’IRIT, et l’Institut Polytechnique LaSalle Beauvais.

Dans le groupe des terres rares (ci-dessous), six éléments à caractère prioritaire ont été retenus : praséodyme, néodyme, europium, terbium, dysprosium et yttrium. Leur caractère prioritaire a été jugé par leur importance pour des secteurs industriels de premier plan (notamment celui des énergies renouvelables) et leur utilisation dans des produits qui sont potentiellement recyclables.

Les principaux produits considérés dans le projet sont les poudres luminophores dans les lampes fluorescentes (utilisant terbium, europium et yttrium), les aimants permanents néodyme-fer-bore (avec néodyme, dysprosium et praséodyme) et les batteries nickel-métal-hydrure (néodyme et praséodyme). Bien qu’il n’existe pas à l’heure actuelle d’extraction de terres rares du sous-sol de l’UE, ce sous-sol a été considéré comme un stock potentiel, en prenant en compte l’Europe continentale (y compris l’ensemble du bouclier scandinave qui comprend la Péninsule de Kola en Russie) mais également le Groenland qui est rattaché au Danemark.

Projet ASTER : flux et stocks de terres rares en Europe

Les résultats du projet fournissent des données quantitatives sur les flux et stocks, et suggèrent que seul un nombre limité de terres rares présente de réels risques d’approvisionnement à l’horizon 2020 (notamment néodyme et dysprosium). En effet, d’une part, les opportunités existent de capturer des flux de produits en fin de vie pour recycler les terres rares qu’ils contiennent et contribuer à cet approvisionnement, d’autre part, de nouveaux projets miniers sont en vue, y compris à l’échelle de l’Europe. C’est le cas notamment du projet minier de Norra Kärr en Suède, dont le gisement est particulièrement riche en terres rares dites lourdes (voir encadré). Par ailleurs, l’émergence de technologies moins gourmandes en terres rares (par exemple les lampes LED) contribuera également à réduire la tension sur l’équilibre entre offre et demande pour ces substances. Le cas du néodyme, une utilisation fortement liée au développement des aimants permanents

Des tensions sur l’approvisionnement demeureront néanmoins pour ce qui concerne les terres rares comme le néodyme, utilisées pour les aimants permanents.

Ces aimants, qui sont en fort développement, rentrent en effet dans la fabrication de très nombreux produits (véhicules électriques ou hybrides, lecteurs de disques durs, turbines d’éoliennes, appareils audio, etc). Le diagramme Sankey pour le néodyme dans les aimants est présenté ci-dessous. Cette figure montre un certain nombre de "processus" au sein du système "Europe des 28" avec, depuis l’amont vers l’aval de la chaîne de valeur : la séparation de mélanges de terres rares, la fabrication d’alliages, la manufacture d’aimants permanents, celle d’applications contenant des aimants, leur utilisation dans l’économie de l’UE, la gestion des déchets et leur élimination finale (décharge ou dispersion dans l’environnement). Ces processus sont reliés par des flèches qui représentent les flux physiques de terres rares. Les sources d’information pour renseigner ces flux sont multiples et variées : bases de données douanières, données des entreprises, données de la littérature, avis d’experts, etc.

Projet ASTER : flux et stocks de terres rares en Europe

Diagramme de Sankey pour les flux de néodyme liés aux aimants permanents dans l’UE en 2010 (valeurs en tonnes de néodyme métal).

Un des principaux fruits du projet ASTER est la réalisation de diagrammes dits "Sankey" à partir d’une analyse des flux de matière (ou MFA ; Material Flow Analysis). Ces diagrammes permettent de mieux visualiser les flux et stocks de substances à différents stades de la chaîne de valeur : depuis la production jusqu’à la gestion des déchets.

Pour aider à visualiser les flux, les épaisseurs des flèches sont proportionnelles aux amplitudes des flux (plus épaisses lorsque les flux sont plus importants). On constate ainsi le fort déséquilibre qui existe en Europe entre l’amont de la chaîne de valeur, où peu d’industriels participent à la fabrication d’alliages ou d’aimants, et l’aval de la chaîne, où l’Europe importe massivement des aimants permanents ou des produits contenant des aimants. Après utilisation, ces produits se retrouvent naturellement dans les flux de déchets ; et actuellement de nombreux efforts de recherche sont dédiés à la récupération des aimants et des terres rares qu’ils contiennent. On cherche ainsi à exploiter ce qu’on appelle "la mine urbaine". En effet, en raison de la forte consommation de ces produits depuis plusieurs années, le stock accumulé dans le processus "Utilisation" est très important. On estime qu’en 2010 environ 16 000 tonnes de néodyme sont ainsi accumulées en utilisation dans le système "Europe des 28", compte tenu des durées de vie des différents produits contenant des aimants. Ce chiffre peut être comparé à la valeur d’environ 70 000 tonnes estimée par d’autres chercheurs pour l’accumulation de néodyme en utilisation au niveau mondial.

Les gisements potentiels du sous-sol sont estimés sur la base des informations disponibles relatives aux projets miniers en cours de développement en Europe et au Groenland. Le flux provenant de la case "Lithosphère" correspond à la production minière de la Péninsule de Kola (Lovozero - Russie). Les chiffres indiqués sous la case "lithosphère" sont des stocks potentiels qui correspondent à trois hypothèses de développement de projets miniers, le chiffre le plus élevé correspondant à l’hypothèse la moins probable.

Conclusions et perspectives

S’il demeure des tensions sur certaines terres rares on peut estimer que la crise des terres rares telle qu’elle a été vécue en 2011, où les prix d’éléments comme le dysprosium ont été multipliés par vingt, semble écartée (du moins à court-moyen terme). On ne peut pas exclure que de nouvelles tensions apparaissent mais le marché a maintenant tendance à privilégier des solutions technologiques moins gourmandes en terres rares. Cela dépend également de la viabilité des projets miniers hors Chine (Lynas et Molycorp), compte tenu des prix bas actuels. La méthodologie appliquée dans le cadre du projet ASTER peut être appliquée à d’autres métaux dits "critiques" (indium, gallium, germanium, lithium, etc) et les diagrammes de Sankey tels que celui présenté plus haut peuvent aider à identifier des potentialités de recyclage et à visualiser la dépendance de l’UE vis-à-vis des importations. Les flux présentés dans ce diagramme peuvent également être décomposés selon les différentes applications (véhicules, disques durs, éoliennes, etc.). De telles informations sont utiles pour les industriels dans la gestion de leurs sources d’approvisionnements ou encore pour l’orientation des politiques publiques (Comité pour les métaux stratégiques notamment).

Les terres rares et la production chinoise

Les terres rares sont un groupe de métaux qui comprend l’yttrium et quatorze lanthanides. On les répartit en deux familles : les terres rares légères comme le néodyme et les terres rares lourdes comme le dysprosium. Il n’existe pas de gisement primaire de terre rare au singulier, mais des gisements de minéraux contenant plusieurs terres rares, à prédominance soit de terres rares légères, soit de terres rares lourdes. Or les gisements riches en terres rares lourdes sont beaucoup plus rares que les gisements riches en terres rares légères.

Pour l’instant, les principaux gisements exploités de terres rares lourdes sont situés dans le sud de la Chine, ce qui entraîne une situation de monopole (en 2010, respectivement 99% et 87% de l’approvisionnement en terres rares lourdes et légères provenait de Chine) et génère des risques pour l’approvisionnement, risques qui ont été exacerbés par les quotas aux exportations chinoises apparus en 2011. Mais suite aux tensions sur les marchés des terres rares, le reste du monde a cherché à diversifier ses sources d’approvisionnement.

C’est ainsi qu’ont (re)démarré deux projets d’exploitation de terres rares légères ; l’un situé aux Etats-Unis (Mine de Mountain Pass) et l’autre situé en Australie (Mount Weld). Suite à ces actions, le monopole de la Chine sur l’extraction de terres rares a baissé d’environ 13%. La Chine a d’ailleurs mis officiellement fin aux quotas au début de l’année 2015.

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