Environnement Lançonnais

Le gaz naturel est-il l’avenir du pétrole ? Bof…

mardi 14 décembre 2010 par Alain KALT (retranscription)

Wikileaks et l’or noir.

10 décembre 2010

La transformation du gaz naturel en carburant liquide est l’une des solutions majeures envisagées pour palier la raréfaction du pétrole conventionnel. Coûteuse, complexe, polluante, elle n’a rien d’une solution miracle

‘The Pearl’, l’usine de “Gas-to-Liquid” de Shell au Qatar, la plus grande du monde, est en cours de test. Elle doit atteindre une production de 140 000 barils par jour. Coût : 18 milliards de dollars. ‘Shell’ signifie coquillage. ‘The Pearl’, c’est la perle.[DR Shell]

L’exploitation du gaz naturel est pour l’industrie énergétique LA priorité stratégique du moment. Pour 3 raisons :

•le prix du baril devrait repartir à la hausse, rendant plus rentables les coûteuses usines qui permettent la transformation du gaz en carburant liquide – le Gas-to-Liquid (GTL) en anglais. Un décollage du prix du pétrole est notamment annoncé par la Deutsche Bank, Goldman Sachs et JP Morgan. Cette dernière s’attend à voir le prix du baril atteindre 100 dollars au cours du premier semestre 2011, puis 120 dollars en 2012 ;

•la production de pétrole conventionnel n’augmentera plus « jamais ». Le maximum historique (le ‘peak oil’, ou pic pétrolier), a été franchi en 2006, a reconnu en novembre l’Agence internationale de l’énergie. L’Agence insiste : il est désormais vital pour l’industrie du pétrole – et pour la croissance mondiale – de développer, et vite, toutes les formes possibles de pétrole non-conventionnel, aux premiers rangs desquels figurent les pétroles lourds, la liquéfaction du charbon et… la liquéfaction du gaz naturel ;

•Au contraire du pétrole, la production de gaz naturel est vigoureusement relancée par le boom de l’extraction des gaz de schistes.

Les gaz de schistes ? Attardons-nous sur cette « nouvelle frontière » de l’énergie.

Depuis 5 ans, une ruée vers les gaz de schistes a lieu aux Etats-Unis et, dans une moindre mesure, au Canada. Au Texas, dans les Appalaches ou dans le Colorado, les puits d’extraction poussent chaque année par centaines. Les techniques se diversifient et s’améliorent sans cesse, faisant chuter le prix du gaz. Une chute qui contribue elle aussi à rendre la liquéfaction du gaz en pétrole beaucoup plus compétitive.

Comté de Garfield, Colorado. Chaque point est un puits d’extraction de gaz de schistes. [Google]

Du coup, certains n’hésitent pas à présenter le gas-to-liquid comme une alternative face à la raréfaction du pétrole conventionnel. Sauf qu’il y a deux ‘hic’.

hic n°1 : LES EXTRACTIONS – polluantes et instables Un peu partout aux Etats-Unis et au Canada, les plaintes de riverains de puits de gaz de schistes se multiplient. Le « fracking », la technique très gourmande en eau qui permet de fracturer la roche pour en extraire le gaz, fait souvent appel à des substances chimiques toxiques (glycols, toluène) qui se retrouvent dans l’eau potable, rapporte CNN.

Et puis une fois libéré dans le sous-sol, le gaz naturel est très difficile à contrôler : dans un reportage vidéo de CNN, un homme montre qu’il y a du méthane dans l’eau qui sort de son robinet. Et il n’est pas le seul dans son coin.

L’ennui, c’est que pour espérer maintenir une production élevée de gaz de schistes, il faut sans cesse creuser de nouveaux puits. Il est très difficile de faire remonter le gaz à travers les couches de schistes, qui sont peu perméables. Conséquence : d’abord importante, la production chute ensuite très rapidement. Il est courant de voir les extractions d’un puits s’effondrer de 50 % dès la première année !

Outre les dégâts pour l’environnement, cette nécessité de lancer constamment de nouveaux forages risque de poser à terme un problème de rentabilité. Certains analystes redoutent que la baisse du prix du gaz naturel entraînée par le développement rapide des gaz de schistes en Amérique du Nord ne décourage le développement d’un nombre de nouveaux puits suffisant pour maintenir une production élevée et stable.

Les schistes du sous-sol français recèleraient des quantités importantes de gaz naturel.

Entre Montélimar, Nîmes et Millau, le géant français Total dispose de toutes les autorisations pour mener une campagne de prospection à la recherche de gaz de schistes, raconte une enquête publiée par le site français Owni. Les dommages que pourrait causer l’extraction de gaz de schistes vont à l’encontre, souligne Owni, de nombreux principes validés par le Grenelle de l’environnement, notamment celui de la préservation des ressources en eau. A fortiori dans une région où ces ressources sont fragiles.

En Pologne, on attend beaucoup du développement des gaz de schistes. Les majors américaines (Exxon, Chevron et ConocoPhillips) y ont acquis de nombreuses concessions. Mais là encore, les difficultés et les incertitudes demeurent immenses, à la fois techniques et écologiques, note le New York Times.

L’Agence internationale de l’énergie tranche : les gaz de schistes ne sont pas la solution miracle pour l’Europe.

hic n°2 : LA LIQUÉFACTION – de biens grosses usines… Une fois le gaz naturel extrait (qu’il s’agisse de gaz conventionnel ou de gaz de schistes), il faut le transformer en carburant liquide.

L’industrie maîtrise depuis longtemps la technique du gaz naturel liquéfié, qui permet de faire passer le gaz naturel à l’état liquide à très basse température, pour le stocker et le transporter, avant de le regazéifier [version corrigée, voir commentaires].

Mais le monde compte encore très peu d’installations industrielles qui sont capables de transformer de façon définitive le gaz en carburant liquide. ‘The Pearl’, la nouvelle usine de Shell au Qatar (voir photo ci-dessus) sera de loin la plus importante. Elle occupe la surface d’une très grande raffinerie classique.

Les capacités actuelles de production de GTL sont estimées à 250 000 barils / jour.

Des chercheurs américains ont évalué le potentiel maximal de développement d’usines de GTL telles que ‘The Pearl’. L’hypothèse de Robert Hirsch et de son équipe est celle d’un « programme mondial de crash » mis en place afin de faire face à un déclin imminent, jugé probable, de la production mondiale de pétrole.

Leur conclusion : au mieux, l’industrie mondiale pourrait parvenir à bâtir 10 usines équivalentes à ‘The Pearl’ en l’espace de 10 ans, soit une production évaluée à 1,5 million de baril / jour (mb/j).

Dans son dernier rapport annuel, l’AIE prévoit que les extractions des puits de pétrole aujourd’hui en activité vont chuter de 20 mb/j au cours des 10 prochaines années. La demande mondiale de pétrole actuelle se situe au-dessus de 80 mb/j, et elle augmente.


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