Environnement Lançonnais

Renouvelables : la réforme qu’il faut faire

mardi 18 mars 2014 par Alain KALT (retranscription)

Le 07 février 2014 par Valéry Laramée de Tannenberg

Et si le développement des renouvelables, en France, passait par l’investissement des citoyens et des collectivités territoriales ? C’est ce que suggère une étude de l’Iddri et de RAEE.

Le développement des énergies renouvelables est, on le sait, massivement entravé. Le mur qui se dresse devant les promoteurs de champs d’éoliennes, de fermes photovoltaïques ou de chaudières à biomasse est constitué de briques administratives (autorisations multiples), sociétales (les projets éoliens font fréquemment l’objet de recours), économiques (le devenir des tarifs d’achat est incertain), et j’en passe. Ce qui explique le fort ralentissement de mise en service d’aérogénérateurs ou de panneaux solaires. Ce qui explique aussi que la France n’atteindra pas l’objectif renouvelable que lui a fixé l’Union européenne pour 2020.

L’Etat a pourtant quelques propositions dans sa besace. Jeudi 6 février, lors du colloque annuel du Syndicat des énergies renouvelables, le ministre de l’écologie, Philippe Martin, a assuré qu’il ferait tout pour maintenir la rémunération des exploitants d’éoliennes et la dotation du fonds Chaleur, que l’expérimentation du permis unique allait prochainement débuter et que les appels d’offres se poursuivaient. Des promesses qui n’ont pas totalement convaincu les professionnels.

Un étrange paysage

Alors que l’adoption du futur projet de loi sur la transition énergétique semble encore lointaine, le paysage des énergies vertes est figé dans l’Hexagone. A moins, peut-être, que l’on invite de nouveaux investisseurs à participer à l’aventure ? En s’inspirant de l’expérience allemande. C’est le sens d’une étude que publient conjointement l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) et RhônAlpEnergie Environnement (RAEE).

En une vingtaine de pages, les deux auteurs, Noémie Poize et Andreas Ründinger, rappellent « l’étrange » paysage des énergies renouvelables, outre-Rhin. En 2010, l’Allemagne comptait 53.000 mégawatts de capacités renouvelables installées. Près de la moitié de ce parc de production d’électricité verte (40% exactement) appartenait à des personnes privées, 11% à des agriculteurs et 4% à des régies locales. A contrario, les 4 grands énergéticiens de taille mondiale (RWE, E.ON Vattenfall et EnBW) n’en possèdent que 7%. Le solde étant réparti entre des entreprises, des fonds d’investissement, des banques et des développeurs.

« Chose plus étonnante, poursuivent les auteurs, les installations détenues par des personnes privées ne se résument pas aux seules installations photovoltaïques en toiture des ménages, mais comportent une part importante de projets citoyens collectifs, notamment dans l’éolien terrestre (53%) et la biomasse (72%). » Autrement dit, les particuliers et les agriculteurs possèdent plus de la moitié du parc d’ENR électriques.

L’antithèse du système allemand

Sur cette rive-ci du fleuve, c’est l’antithèse du système allemand ! Malgré de rares initiatives émanant du milieu associatif ou des collectivités territoriales, les électriciens et les fonds d’investissement restent les rois de l’éolien. Des entreprises qui, sans modification substantielle du paysage juridico-administratif tricolore, pourraient aller voir ailleurs. Obérant un peu plus nos chances de consommer, en 2020, 23% d’énergie d’origine renouvelable, comme nous l’impose le paquet Energie Climat 2020.

A moins, bien sûr, que l’on s’essaye au modèle « citoyen » allemand. En France, plusieurs formes de portage permettent, en principe, aux particuliers ou aux collectivités de se lancer dans l’aventure de la transition énergétique : société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), société par action simplifiée, société à responsabilité limitée (SARL), pour les particuliers, sociétés publiques locales (SPL), société d’économie mixte (SEM) et SCIC pour les collectivités.

Le modèle coopératif

Problème, ces types d’entreprise n’ont pas été conçus pour que des bataillons de souscripteurs financent des éoliennes, des chaudières à bois ou des fermes solaires. La SCIC, par exemple, impose de mettre en réserve plus de la moitié des bénéfices : i réduisant ses capacités d’investissement. Les collectivités ne peuvent entrer au capital d’une SAS. La SEM impose une mise au pot minimale de 37.000 euros (dont 50% apportés par une collectivité) : hors de portée d’une poignée de citoyens !

En Allemagne, les particuliers se regroupent principalement dans des structures coopératives (eG), pour de nombreuses raisons. Trois personnes seulement suffisent à créer une eG. Sa gouvernance est souple et évolutive. La responsabilité des actionnaires est limitée. Elle n’est pas tenue de publier de prospectus financier. Une loi de 2006 facilite la prise de participation des collectivités et des entreprises dans leur capital. Enfin, elles ont un accès préférentiel aux prêts de la banque de développement, la fameuse KfW. En outre, souligne le rapport, « le processus de souscription est souvent facilité par la collaboration étroite entre les coopératives de l’énergie et les banques coopératives locales qui en font la publicité auprès de leurs propres sociétaires ».

Pour les collectivités, c’est encore plus simple. Même si leur statut varie selon les Lander, elles peuvent, grosso modo, participer à tout type d’activité, si cela n’excède pas leurs capacités financières, si le principe de la responsabilité limitée existe, si le projet est d’intérêt général et se situe sur leur territoire. Pas étonnant, dans ces conditions, que 70 régies énergétiques municipales aient été créées, outre-Rhin, depuis 2008.

En France, les projets participatifs de production d’énergie renouvelable ne bénéficient d’aucune facilité. Ni dans l’accès au financement bancaire, ni à l’amorçage de projet (à l’exception des aides remboursables des régions), ni pour l’accompagnement des projets.

Pour débloquer ces freins, l’étude préconise un choc de simplification réglementaire et financière, un soutien public aux initiatives des particuliers ou des collectivités, et la pose de passerelles entre les mondes de la coopération et du privé (banques, développeurs, énergéticiens).

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