Environnement Lançonnais

L’académie des sciences US veut une nouvelle culture de sûreté nucléaire

vendredi 6 février 2015 par Alain KALT (retranscription)

Le 25 juillet 2014 par Valéry Laramée de Tannenberg

Dans un rapport sur les conséquences de Fukushima, des experts mandatés par l’académie des sciences américaine appellent exploitants de centrales nucléaires et régulateurs à revoir leur culture de sûreté.

Et si les exploitants des centrales nucléaires américaines n’avaient tiré aucune conséquence de Fukushima ? Posée dans un pays qui a déjà connu un accident nucléaire majeur[1], la question semble saugrenue. Et pourtant. Jeudi 24 juillet, l’académie des sciences a publié un volumineux rapport sur le retour d’expérience américain de la catastrophe survenue dans l’est du Japon le 11 mars 2011.

En un peu plus de deux ans, une vingtaine d’experts ont conduit une quarantaine d’auditions d’exploitants, d’industriels mais aussi de régulateurs, tant aux Etats-Unis qu’au Japon. De cette investigation, les rapporteurs retiennent plusieurs choses.

Facteurs humains et organisationnels

A commencer par un retour d’expérience de la catastrophe nippone. Certes, soulignent les experts américains, l’accident de Fukushima était la conséquence d’un tremblement de terre et d’un raz-de-marée exceptionnels. Toutefois, maints facteurs humains et organisationnels ont permis leur aggravation avec les résultats que l’on connaît. Le tsunami a pu noyer la centrale, faute de brise-lame suffisants. Insuffisamment protégés des eaux, les générateurs et les batteries de secours ont été noyés.

Sans électricité, les opérateurs n’ont pu reprendre le contrôle des réacteurs et des piscines de refroidissement. Une situation à laquelle ils n’avaient d’ailleurs jamais été entraînés. Faute de téléphone satellite, les personnels de la centrale accidentée, elle-même située dans une région dévastée, n’ont pu communiquer ni avec le siège de leur compagnie ni avec les pouvoirs publics. De même, par manque de préparation, les rôles et responsabilités de chacun n’étaient pas distribués à l’avance. Ce qui explique nombre de retards lorsqu’il a fallu décider dans l’urgence.

Retour d’expérience

Quels enseignements l’industrie nucléaire américaine peut-elle tirer d’un tel retour d’expérience ? D’abord, répondent les rapporteurs, qu’elle n’est pas à l’abri de pareils événements cataclysmiques. « L’accident de Fukushima Dai-Ichi était un accident hors dimensionnement, tout comme Three Mile Island en 1979, ou Tchernobyl en 1986. L’analyse de 4 décennies d’exploitation montre que les risques ayant trait à la sûreté du cœur d’une centrale nucléaire sont souvent le fait d’accident hors dimensionnement. De tels accidents peuvent se produire à la suite de défaillance humaine ou technique, non-respect des protocoles opérationnels ou d’événements extérieurs extrêmes. » Problème, poursuivent-ils, la culture américaine de sûreté est basée sur le fait qu’un accident ne peut pas se produire… hors dimensionnement.

Le rapport appelle ainsi les régulateurs à se pencher sur les dernières données scientifiques relatives aux risques naturels et à revoir leur copie en fonction. « De nouvelles données montrent que certains événements ne sont pas aussi rares qu’on le pensait », confirme John Garrick, ingénieur nucléaire et co-auteur du rapport.

Un tsunami est possible

Les risques d’événements extrêmes, tsunami compris, existent aux Etats-Unis. Au large de la Caroline du Nord, l’extrémité du plateau continental est propice à d’importants glissements de terrain sous-marins. De tels événements, qui peuvent être déclenchés par des séismes, des mouvements de sédiments ou des relâchements d’hydrates de méthane, sont susceptibles de créer de vrais raz-de-marée.

Aussi, l’académie des sciences préconise-t-elle un changement de culture de sûreté nucléaire, tant des exploitants que du régulateur fédéral. Le rapport suggère ainsi que les électriciens évaluent leur capacité d’action suite à un accident sévère pouvant avoir des effets au plan régional.

Anticiper un environnement dégradé

Les rédacteurs soulignent que les opérateurs doivent pouvoir agir dans un environnement fortement dégradé, comprenant notamment une perte de l’alimentation électrique de la centrale, un échauffement des piscines de refroidissement et des rejets d’éléments radioactifs vers l’extérieur du site. De leur côté, les autorités devraient renforcer la protection des populations. Par exemple, en définissant des protocoles de distribution de pastilles d’iode ou en revoyant l’organisation de l’évacuation des riverains d’un réacteur accidenté.

De telles préconisations peuvent faire sourire de ce côté-ci de l’Atlantique. Voilà près de deux ans que l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a imposé à EDF, Areva et au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) l’organisation de « stress tests » et la construction de noyaux durs. Les Américains sont-ils à ce point en retard ? Oui et non. « Comme au Japon, les exploitants américains ont adapté leurs installations aux menaces les plus évidentes, explique Thierry Charles, directeur de la sûreté à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Mais pour ce qui est de changer la culture de sûreté, c’est forcément beaucoup plus long aux Etats-Unis, où l’on compte 30 exploitants différents, qu’en France, où les autorités n’ont besoin de convaincre qu’EDF. »

[1] Le 28 mars 1979, une série de défaillances matérielles et humaines provoquaient la fusion partielle du cœur d’un des réacteurs de la centrale nucléaire de Three Mile Island, en Pennsylvanie.

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