Organiser la rupture avec l’automobile polluante
Delphine Batho a présenté, ce mercredi 12 octobre, les conclusions du rapport de la mission de l’Assemblée nationale sur l’offre automobile française.
Au menu : réduction des avantages accordés au diesel, régulation renforcée et soutien à la recherche.
Un an après sa constitution, la mission de l’Assemblée nationale sur l’offre automobile française a adopté son rapport, ce mercredi 12 octobre. Mise en place quelques semaines après la découverte du Dieselgate, elle a entendu plus de 300 représentants des parties prenantes du secteur de l’automobile : constructeurs, bien sûr, mais aussi syndicalistes, économistes, fonctionnaires et associatifs.
L’objet du rapport est assumé par sa rapporteure, Delphine Batho : « Aller au bout de l’analyse de ce scandale pour se projeter dans le futur, proposer les solutions et un chemin pour rétablir la confiance ». Dit autrement, comment ne pas jeter l’industrie automobile avec l’eau du scandale Volkswagen ?
4 priorités
Voté à l’unanimité des 30 députés de la mission, le rapport avance 4 priorités : réformer les contrôles d’émission de polluants, atteindre en 5 ans la neutralité fiscale entre l’essence et le gazole, accélérer le renouvellement du parc roulant et aider l’industrie automobile à bâtir une offre adaptée aux enjeux économiques, sanitaires et environnementaux du moment.
Un peu de cohérence normative. Les députés proposent que les critères constitutifs de la future norme Euro 7 s’appliquent aussi à la composante ‘air’ de la taxe sur les véhicules de société et au bonus-malus automobile.
Au total, les parlementaires formulent 120 propositions, d’ampleur plus ou moins importante. A commencer par une proposition de loi visant à créer, sur le modèle de la commission Royal, un organisme indépendant de contrôle des émissions polluantes des véhicules en circulation. Ce Bureau d’enquête et d’analyse sur la pollution des véhicules aurait aussi pour tâche de vérifier que les constructeurs respectent bien l’interdiction des techniques d’optimisation des protocoles d’homologation, les fameux logiciels truqueurs à l’origine du Dieselgate. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sera aussi chargée de sanctionner la vente en ligne des dispositifs désactivant le système de traitement des oxydes d’azote, tel l’AdBlue Emulator Box.
Norme Euro 7
Pour faciliter tant le travail des régulateurs que celui des constructeurs, la commission parlementaire propose d’ouvrir le chantier d’une nouvelle norme européenne des émissions de véhicules. Déjà baptisée Euro 7, elle s’appliquerait aussi bien aux véhicules à essence que diesel, intégrerait tous les paramètres de pollution (CO2, particules fines, imbrûlés, oxydes d’azote, etc.). Reste à convaincre l’Union européenne. Delphine Batho et ses collègues suggèrent aussi de fixer un délai de 5 ans entre l’adoption de la norme et son entrée en vigueur et d’affirmer, 10 ans à l’avance, le nouvel objectif-cible en matière de protection du climat et de l’environnement.
Les emplois d’abord. Dans une brochure largement diffusée, Force ouvrière estime que la part de marché des véhicules diesel pourrait chuter à 30% du marché français en 2020 « soit la proportion des ventes de 1997 ! ». Cette évolution annoncée ne sera pas sans conséquence pour les deux grands constructeurs français, estime la fédération FO de la métallurgie. « Sans démagogie, ni parti pris », FO propose de « poursuivre la sévérisation des normes protégeant l’environnement », de « laisser les constructeurs et les équipementiers français amortir leurs investissements réalisés sur la technologie du diesel », de « protéger l’avance technologique que possèdent, dans les segments A-B et C, les constructeurs français ». Le gouvernement serait bien avisé d’aider les constructeurs tricolores.
Pour atteindre en 5 ans la neutralité fiscale entre l’essence et le gazole, la mission avance un amendement au projet de loi de finances 2017 (PLF 2017) qui fera passer de 53,07 à 69,87 centimes/litre le montant de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE) pesant sur le gazole. Ainsi, super et gazole seront également taxés, à partir du 1er janvier 2021. Autre amendement au PLF 2017 : celui instaurant une déductibilité fiscale pour les véhicules d’entreprise à essence[1].
Les adorateurs de la ‘Jupette’ et autres primes à la casse seront satisfaits : les députés proposent, pour les ménages non imposables, de porter à 2.000 euros la prime pour l’achat d’un véhicule d’occasion récent et performant.
Soutiens au covoiturage
Pour accroître l’offre de mobilité dans les territoires mal desservis par les transports publics, le rapport propose de donner de sérieux coups de pouce aux systèmes de covoiturage : places de parking réservées, tarifs préférentiels de péage. Le transport de marchandise propre n’est pas oublié. Les députés proposent que le biométhane soit considéré comme un biocarburant avancé pris en compte dans les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Les pouvoirs publics devront soutenir la recherche en faveur des véhicules et des motorisations du futur. Par exemple, en réformant les pôles de compétitivité, en maintenant les participations de l’Etat au capital de PSA et de Renault et en accroissant les soutiens publics aux programmes de R&D.
[1] Actuellement, seuls les véhicules d’entreprises carburant au gazole bénéficient de cette disposition fiscale.
Alain KALT (retranscription)
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