Après 15 mois de gestation, le futur Code minier bientôt à terme ?
Le 06 décembre 2013 par Marine Jobert
Le Code Napoléon sur le grill.
Officiellement, le conseiller d’Etat Thierry Tuot a dû remettre le 10 décembre dernier à Philippe Martin le fruit de plus d’un an de cogitations avec les industriels et les associations environnementales, pour toiletter un Code minier chahuté par la fronde contre les gaz de schiste. Une parenthèse médiatique, avant que ne reprennent les discussions entre les parties (et sous l’œil bienveillant du ministère de l’écologie ?), dans une dernière ligne droite où risquent de se cristalliser les désaccords les plus essentiels. Notamment sur la répartition des recettes fiscales, sur les délais de réponse de l’administration ou le schéma national minier. L’occasion de procéder à un tour d’horizon des nouveautés.
Le groupement momentané d’enquête
Il découle de la « procédure renforcée d’information, de participation et de consultation du public », qui est une procédure préalable à l’octroi éventuel d’un titre minier ou d’une autorisation de travaux miniers, dont la mise en œuvre est laissée à la libre appréciation du préfet, « sur la base du dossier déposé et au regard des différentes composantes de l’intérêt général ». Ce groupement momentané d’enquête comprend « l’ensemble des parties prenantes intéressées, notamment les collectivités territoriales, les intérêts économiques et sociaux de toute nature, les associations notamment environnementales ». Il est précisé que « le pétitionnaire du titre examiné a accès permanent au comité pluripartite dirigeant le groupement, qui le tient informé et l’entend à sa demande ». C’est lui qui va veiller au financement des dépenses relatives à l’organisation matérielle des opérations et des expertises que ce groupement jugera nécessaires d’engager. « Cette somme est versée par le demandeur sur un compte ouvert auprès de la Caisse des dépôts et consignation. »
Concrètement, il s’agit de la mise en œuvre, avec des moyens financiers, d’une sorte de contre-expertise citoyenne, qu’appelaient de leurs vœux les associations et les collectifs opposés aux hydrocarbures non conventionnels.
Les conclusions de ce groupement ne lient pas le préfet, mais il émet des recommandations sur « le sens de la décision à prendre, sa durée de validité, les engagements, les sujétions et les conditions, éventuellement suspensives, auxquelles elle devrait être subordonnée ». Si l’autorité administrative décide de passer outre, elle devra motiver sa décision.
Création d’un Haut conseil des mines
Il rassemble les parties prenantes (avec une obligation de parité homme-femme). Il peut être saisi par tout ministre « de toutes questions relatives au champ d’application du Code minier, aux textes le modifiant, ainsi qu’aux décisions administratives relatives à l’exploration et l’exploitation des substances ou des usages du sous-sol ou à l’activité minière à ciel ouvert, ainsi qu’aux travaux miniers, prises en application de ces dispositions ».
Le schéma national de valorisation et de préservation du sous-sol
Deux logiques s’affrontent sur la nature de ce schéma national minier : les associations environnementales espèrent qu’il sera prescriptif, conçu comme un schéma directeur, quand les industriels le souhaitent indicatif, c’est-à-dire comme un forum national de discussion. Quelle forme prendra –il, celle d’un plan ou d’un texte ? Là aussi règnent des incertitudes.
Il s’agirait d’un schéma qui décrit (ou définit, selon l’optique qui sera finalement retenue), « au regard de l’état des connaissances scientifiques et techniques disponibles, les conditions dans lesquelles l’exploration et l’exploitation des substances et des usages du sous-sol régis par le présent Code peuvent être conciliées avec la protection de l’environnement, de la santé publique et de celle des travailleurs du secteur ». Ce schéma contient quantité d’informations sensibles. En effet, il touche notamment aux « priorités, techniques et limites en ce qui concerne la manière dont il est souhaitable et possible de procéder à l’exploration ou à l’exploitation des substances ou usages du sous-sol au regard des exigences environnementales et de santé publique ». Il vise également « l’impact potentiel de l’exploitation des ressources du sous-sol ou de ses usages sur les masses d’eau souterraines potables ou susceptibles d’être destinées à un tel usage à l’avenir, bénéficiant d’une protection pour des motifs tirés de la préservation de l’environnement et de la santé publique ». Ce schéma, élaboré, mis à jour et suivi par l’autorité administrative, après avis du Conseil économique, social et environnemental et du Haut conseil des mines, est soumis aux parties prenantes et tenu à la disposition du public.
La fiscalité applicable aux communes
Nouveauté de taille : le Code prévoit une contractualisation entre l’industriel et les commune pour fixer la redevance communale qui découle des nuisances engendrées par l’activité minière. « La partie de la redevance communale des mines qui résulte des sujétions et impacts environnementaux, sonores, visuels et matériels, est fixée de manière conventionnelle entre le titulaire du titre minier et les communes impactées, regroupées volontairement dans un syndicat intercommunal à vocation unique, chargé de cette négociation ».
Trois mois pour accorder un permis
Ce point risque de constituer un casus belli entre les parties prenantes. « En cas de silence gardé par l’autorité administrative pendant plus de trois mois sur une demande à compter de la date de réception, par l’autorité administrative, du rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête, le permis sollicité est réputé implicitement accordé à compter de la date de la demande. » Une variante assez inattendue de la petite révolution applicable depuis quelques semaines[1] aux décisions administratives (sauf exception), après deux mois de silence de l’administration. La mesure fait grincer des dents jusque dans l’administration.
Le ministre des mines reprend la main
La demande faisait consensus : les décisions sont recentralisées, au détriment des préfets, qui avaient jusqu’ici la main sur la délivrance des autorisations administratives, telles que les autorisations de travaux.
La publicité sur les substances utilisées
« Ni le secret industriel et commercial, ni le droit de propriété intellectuelle ne sont opposables au droit du public de consulter ou d’obtenir communication des informations relatives aux substances susceptibles d’être émises dans le sous-sol », prévoit l’alinéa 2 de l’article 111-8. Une disposition qui satisfera une des demandes des opposants au gaz et pétrole de schiste, très inquiets de l’utilisation d’additifs chimiques pour la fracturation hydraulique. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission Développement durable de l’Assemblée nationale, avait rappelé début juin que cette technique requiert aujourd’hui « 750 composés chimiques, dont 29 ont été reconnus cancérigènes et à risque pour la santé humaine ».
La soumission partielle au régime des ICPE
L’entrée en vigueur, le 1er juillet 2013, de l’ordonnance du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du Code de l’environnement concernera aussi les activités minières. Concrètement, le préfet bénéficiera d’outils supplémentaires (air, eau, bruit, etc.). Par ailleurs, le projet de nouveau Code minier fait référence à la partie du Code de l’environnement relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), soumettant désormais les travaux miniers aux procédures de déclaration, enregistrement et autorisation. Le texte intermédiaire dispose que « les pouvoirs attribués au préfet par la législation des ICPE en matière de délivrance d’autorisation, d’enregistrement ou de déclaration de l’exploitation d’une ICPE sont exercés par le ministre en charge des mines ».
L’après-mine
Un fonds national de l’après-mine voit le jour, qui « supplée aux défaillances des bénéficiaires des permis, titres et autorisations régis par le présent Code et indemnise les victimes des dommages résultant de risques dont l’indemnisation n’est pas mise à la charge de ces bénéficiaires. Il peut également intervenir en cas d’urgence afin d’avancer une partie du montant indemnitaire auquel il est raisonnable d’estimer que les victimes auront droit. Dans les autres cas, le fonds national de l’après-mine préfinance l’indemnisation des particuliers ou des professionnels victimes de dommages immobiliers nécessitant des réparations urgentes ».
L’instauration d’un régime de surveillance administrative et de responsabilité de l’exploitant de long terme -calqué sur le régime des ICPE- après la fin de l’exploitation, est confirmée.
Le groupe de travail n’a pas abordé la question de l’Outre-mer.
Alain KALT (retranscription)
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