Environnement Lançonnais

Les écolos américains appellent à « l’action directe de masse »

vendredi 17 septembre 2010 par Alain KALT (retranscription)

Les écolos américains appellent à « l’action directe de masse » Par Hélène Crié-Wiesner | Personne écrivante | 12/09/2010 | 18H41

Le Congrès des Etats-Unis s’est dégonflé cet été en abandonnant son projet contre les changements climatiques. Tout espoir de voir le pays adopter une législation sérieuse s’est envolé. Dégoûtées, trois organisations majeures de la lutte pour l’environnement en appellent maintenant à l’action directe. J’ai déjà raconté la radicalisation de nombreux écolos américains. Il semble que le fossé entre « verts radicaux » et « écolos mous » soit en train de se combler tout seul. Les partisans de la discussion (Al Gore et ses disciples) n’ont pu que constater l’échec de leur stratégie.

Outre une reprise acharnée des luttes de terrain -notamment dans les Appalaches charbonnières -, un appel spectaculaire vient d’être adressé aux environnementalistes américains.

Publiée sur Grist, site phare du mouvement vert, cette lettre parue le 7 septembre est signée par le directeur de Greenpeace USA, son homologue du Rainforest Action Network, et par le leader du réseau 350.org. En voici une traduction-adaptation.

Je suis curieuse de voir ce que va donner cet appel, comment vont y répondre les groupes locaux, s’ils vont saisir la perche que leur tendent ces professionnels de la lutte. Car pratiquer l’action directe dans son coin, c’est une chose. A l’échelle des Etats-Unis, c’est un défi autrement complexe.


Chers amis,

Bon sang, quel été ! Les scientifiques viennent d’annoncer que nous venons de vivre les six mois les plus chauds, l’année la plus chaude, et la décennie la plus chaude de l’histoire humaine. Dix-neuf pays ont enregistré des records absolus de température : le thermomètre a grimpé à 54°C au Pakistan, un record en Asie.

Quand on voit l’impact de ces chiffres sur les incendies en Russie, ou sur le Pakistan noyé par des inondations sans précédent, on comprend qu’il n’y a rien d’abstrait dans tout ça.

Cet été, justement, le Sénat américain a décidé de reconduire un accord bipartisan en vigueur depuis vingt ans : l’immobilisme politique face aux changements climatiques. Lesquels, rappelons-le, ne résultent pas d’une quelconque volonté divine.

Nous sommes face aux industries les plus puissantes et les plus profitables du monde : celles qui tirent leurs bénéfices de l’exploitation des combustibles fossiles.

Nous ne les vaincrons pas en restant gentils. Nous devons construire un vrai mouvement, d’une ampleur sans commune mesure avec ce que nous avons bâti dans le passé. Un mouvement capable de contrer le pouvoir financier de Big Oil (pétrole) et Big Coal (charbon). Ce mouvement est notre seul espoir, et nous avons besoin de votre aide.

Honte aux leaders politiques

Quelles sont les priorités ? Dans l’immédiat, en ce moment partout dans le monde, des groupes préparent la Global Work Party du 10 octobre. Ce sera l’occasion de présenter nos solutions concrètes pour résoudre la crise climatique.

On ne se contentera pas de sortir quelques panneaux solaires. L’objectif est de faire honte à nos leaders politiques, de les apostropher : « On fait notre boulot. Et vous ? »

En attendant, dans tout le pays, des avocats et des associations locales abattent un travail d’enfer en combattant des projets de nouvelles centrales au charbon, des militants s’emploient à convaincre les banques de ne plus prêter d’argent aux sociétés délinquantes, des conseils municipaux rivalisent d’imagination pour rendre leurs villes plus propres et durables.

Tout cela constitue la base de n’importe quel mouvement, la fondation de tout progrès à long terme. Mais aussi indispensables que soient ces actions, elles ne sont pas suffisantes. Nous progressons, mais le problème va plus vite que nous. Le temps n’est pas notre allié.

Nous en avons conclu une chose : il faut passer à l’action directe de masse [ce sont les auteurs qui renvoient à Wikipédia, ndlr]. C’est ce qui a été employé autrefois pour le droit de vote, les droits civiques des Noirs, et la lutte contre la globalisation capitaliste [« corporate globalization » en anglais, ndlr].

L’action directe est un mode de lutte déjà employé par nombre d’environnementalistes, notamment ceux qui luttent contre les compagnies charbonnières des Appalaches. […]

L’histoire a prouvé qu’il y a une manière efficace de transmettre un message à la fois au public et aux décideurs politiques : s’impliquer physiquement, faire barrière de nos corps.

Le mouvement pour les droits des Noirs a mis du temps à décoller

Il est évidemment impossible de prédire à l’avance quel événement va servir de déclic. Après tout, des tas de Noirs avaient refusé de quitter les sièges réservés aux Blancs dans les bus sans que nul ne s’en émeuve. Il se trouve que quand Rosa Parks l’a fait à son tour, en 1955, le mouvement des droits civiques a pris comme une traînée de poudre.

Mais il y a au moins deux choses certaines. Premièrement, nous devons agir dans l’unité. Deuxièmement, nous sommes plus intelligents ensemble que seuls. C’est pourquoi nous réclamons votre aide.

Quand vous déciderez de vous lancer dans un combat écologique, pensez en terme d’action directe. Réfléchissez à ce qui est possible, et soumettez-nous vos idées. Voici quelques pistes de réflexion :

•Pensez à Gandhi, Martin Luther King, et à d’autres pacifistes avant eux. Pas de violence, pas de dommages à la propriété. •Nous avons besoin d’actions à grande échelle, impliquant un maximum d’acteurs. Pensez en centaines et en milliers de personnes. N’imaginez pas des actions si pointues que seuls quelques spécialistes pourraient y participer. Vous n’allez pas trouver des centaines de gens capables de grimper des façades en rappel ou de faire de la plongée sous-marine. •Nous ne sommes pas idiots, nous savons que nous n’arrêterons pas l’économie basée sur le charbon et le pétrole avec une seule action concrète. Nous devons nous concentrer sur des objectifs symboliques -par exemple des centrales à charbon vieilles et polluantes- que nous utiliserons pour plaider l’opportunité de passer à autre chose que du charbon. •Nos actions doivent être ancrées localement, c’est à dire s’appuyer sur des associations et des militants locaux. •Nos tactiques doivent emporter l’adhésion des spectateurs, pas nous les aliéner. Il faut tenir les provocateurs et les incendiaires à distance, et savoir attirer les gens qui auront une influence sur le public. La discipline compte beaucoup. •Nous devons être transparents, ne pas nous complaire dans le secret. Notre travail est forcément surveillé à la loupe par la police. •L’esthétique a son importance. On se bat aussi pour la beauté du monde, celle qui a été confisquée par nos adversaires. Nous voulons aussi gagner les cœurs et les esprits. •Nos ressources ne sont pas illimitées. Le coût et la complexité de ce genre d’action peuvent vite s’envoler. Comme pour tout ce qui concerne l’environnement, la frugalité et la simplicité sont des vertus cardinales. Les Etats-Unis sont historiquement responsables du problème

Bien que nos organisations respectives aient toutes des actions en cours à l’international, nous raisonnons en ce moment au seul niveau des Etats-Unis. Pour trois raisons :

1.Dans certaines parties du monde, des militants ont déjà fait un travail énorme, et ils ont bien des choses à nous enseigner ; 2.les Etats-Unis se doivent de montrer l’exemple, ne serait-ce qu’à cause du fait que notre pays est historiquement à l’origine de l’effet de serre ; 3.enfin, même si nous, Américains, prenons de vrais risques (face à la police) en nous engageant dans l’action directe, il ne faut pas oublier qu’ailleurs, ceux qui luttent de cette manière peuvent carrément être jetés en prison pendant des décennies, ou bien pire. Notez enfin que même si cet appel n’émane que de trois organisations écologistes, nous entendons que le combat soit ouvert à tous. Nous collaborerons avec plaisir avec quiconque partage nos objectifs et notre ligne de conduite.

En plus, nous pensons vraiment que le mélange et la collaboration entre les organisations est la clé du succès. On fait de notre mieux pour faire passer ce message, alors dites-nous si vous êtes intéressés. (…)

Nous nous doutons bien que cette stratégie d’action ne va pas convenir à tout le monde. Pas de problème. Pour ceux que cela intéresse, voici l’adresse où envoyer vos idées : climate.ideas@gmail.com. D’ici la fin de l’automne, on aura creusé tout ça, et on reviendra vers vous avec un plan cohérent d’action à démarrer au printemps.

Phil Radford, Greenpeace USA, Becky Tarbotton, Rainforest Action Network, Bill McKibben, 350.org

Photo : des activistes déguisés en ours polaires à une conférence de presse à Washington, en mars 2008 (Kevin Lamarque/Reuters)

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