Environnement Lançonnais

Electricité : pourvu que l’hiver soit doux

mercredi 9 novembre 2016 par Alain KALT (retranscription)

Le 08 novembre 2016 par Valéry Laramée de Tannenberg

Les interconnexions joueront un rôle majeur dans la sécurité d’approvisionnement en électricité.

Réacteurs en maintenance ou inspectés, réduction des capacités thermiques, niveau des lacs de barrage au plus bas : le parc de production d’électricité apparaît désarmé face à l’hiver qui vient. RTE fourbit son arsenal. Reste à savoir s’il suffira en période de grand froid.

Le système électrique français passera-t-il l’hiver ? La question est posée depuis que l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a ordonné, mi-octobre, l’arrêt de 5 tranches pour examen de sûreté. A ces réacteurs suspectés d’abriter des pièces à l’acier trop carboné s’ajoutent une quinzaine de tranches dont la maintenance doit s’achever au cours des prochaines semaines. En ce début de saison fraîche, le tiers du parc nucléaire d’EDF est donc à l’arrêt. Ce qui n’est pas sans inquiéter les consommateurs.

Ségolène Royal rassurante

Interrogée sur Europe 1, Ségolène Royal s’est voulu rassurante : « Non, il n’y a pas de risque de pénurie », a déclaré la ministre en charge de l’énergie, le 4 novembre. Ce n’est pas tout à fait l’avis du responsable de l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité, RTE. « Nous avons placé cet hiver sous forte vigilance », confirme ce mardi 8 novembre François Brottes, président du directoire de Réseau de transport d’électricité (RTE).

Moins de production

Alors que l’hiver s’installe avec plus d’un mois d’avance, le secteur français est victime d’une véritable scoumoune. Jamais dans l’histoire récente, le parc de production tricolore n’avait été aussi peu disponible. Aux 10.000 mégawatts électriques (MWe) de capacités nucléaires qui manqueront s’ajoute la fermeture de 1.200 MWe de thermique à flamme. Last but not least : il a peu plu cet automne. Le niveau des lacs de barrage n’a jamais été aussi bas, en cette saison, depuis une décennie, souligne Jean-Paul Roubin, directeur de l’exploitation du gestionnaire de réseau de transport d’électricité.

ENR et interconnexions

Ces baisses de capacité de production sont en partie compensées par un accroissement des capacités renouvelables. En un an, environ 1.900 MW de parcs éoliens et de fermes photovoltaïques ont été raccordés au réseau[1]. Avec la mise en service de la liaison semi-enterrée entre la France et l’Espagne, le renforcement de l’interconnexion avec l’Italie et l’optimisation de l’utilisation des réseaux entre la France, le Benelux et l’Allemagne, RTE estime disposer d’une capacité d’importation comprise entre 7 et 9 GWe.

102,1 gW : record à battre

Au compteur, RTE peut compter sur 118 GWe de puissance. Bien assez, en apparence, pour satisfaire aux besoins des Français, même en période de forte demande. En date du 8 février 2012, le record historique de consommation est de 102,1 GWe. Encore faut-il que la situation ne se dégrade pas davantage, prévient Jean-Paul Roubin. Compte tenu de la ‘thermo-sensibilité’[2] de la consommation de courant, la baisse d’un degré de la température ambiante fait croître la demande de 2.400 MWe. Gare au général Hiver. « D’autant qu’une vague de froid sur l’Europe occidentale aurait de bonne chance de frapper la France, bien sûr, mais aussi ses voisins », souligne le directeur de l’exploitation de RTE.

100 €/MWh

Rien ne dit qu’en cas d’hiver rigoureux, les électriciens britanniques, allemands, belges, suisses, espagnols pourraient nous céder des MWh. « La situation n’est d’ailleurs pas très favorable non plus en Belgique et au Royaume-Uni », indique Clotilde Levillain, directrice générale adjointe de RTE. Prudents, les traders ont déjà pris des positions. Et les prix des contrats à terme d’électricité, pour livraison cet hiver, dépassent allègrement les 100 €/MWh. RTE compte aussi sur les ‘gestes citoyens’ pour réduire la demande en période de pointe. Depuis 9 ans, les consommateurs de Bretagne et de Provence-Alpes-Côte d’Azur disposent d’un système d’alerte pour les inciter à réduire leur consommation en période de pointe. Une façon comme une autre de sécuriser l’approvisionnement de ces deux péninsules électriques. Dès le 5 décembre, ce système Alerte ECO2Mix sera étendu à toute la France. « Ce qui pourrait nous faire gagner quelques GW », espère Jean-Paul Roubin.

L’Hexagone électrique n’est pas entièrement soumis aux caprices de la météo. De très nombreux industriels et particuliers (via les contrats EJP ou Tempo) sont engagés, contractuellement, à réduire leur consommation lors des périodes de pointe. De quoi lisser les pics de plus de 3.100 MWe. Pour renforcer cette capacité d’effacement, RTE a sélectionné 21 grands sites industriels capables d’arrêter de consommer en moins de 5 secondes. Gain espéré par la flexibilité de la production de ces fondeurs d’aluminium et de ces aciéristes : 1.500 MWe. Ce n’est pas tout.

Chute de tension

RTE pourrait ordonner aux gestionnaires des réseaux de distribution de baisser de 5% la tension. « Cela réduirait certes le rendement des appareils électro-ménagers, mais cela éviterait de mettre en production 4.000 MWe, l’équivalent de la consommation de Paris et Marseille », précise Jean-Paul Roubin.

Et si cela ne suffisait pas, la filiale d’EDF n’exclut pas de recourir à des « délestages programmés, momentanés et tournants ». Toujours exécutés par les GRD, ces coupures tournantes ne frapperaient pas les consommateurs plus de deux heures d’affilée. Les sites vitaux (hôpitaux, usines classées Seveso, par exemple) en seraient bien sûr dispensés.

Pour le moment, Météo France s’avoue bien incapable de donner des projections de températures pour cet hiver. Pour autant, « il semble très probable que la douceur exceptionnelle observée en France de novembre 2015 à janvier 2016 (trimestre novembre-décembre-janvier le plus chaud jamais observé en France) ne se reproduira pas cette année », indique le site du service de la météorologie. Ses partisans ont raison : la fin du nucléaire signe le retour de la bougie.

[1] Ce qui n’offre que 600 MW d’accroissement du productible.

[2] Largement imputable à l’importance du chauffage électrique en métropole.

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