Environnement Lançonnais

La viande, mauvaise pour la santé, mauvaise pour le climat

dimanche 3 avril 2016 par Alain KALT (retranscription)

Le 26 octobre 2015 par Valéry Laramée de Tannenberg

Près de 15% des gaz à effet de serre anthropiques sont imputables à l’industrie de la viande.

Sans surprise, l’OMS classe cancérigène la charcuterie et probablement cancérigène la viande rouge. Une viande dont la consommation croissante participe aussi au changement climatique.

Le carnivore est-il un inconscient ? On est tenté de le croire à la lecture de l’évaluation de la cancérogénicité de la viande, publiée ce lundi 26 octobre par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ).

Dans sa note, complétée par un article publié par The Lancet Oncology, le Circ fait la synthèse de plus de 800 études sur le cancer chez l’homme. Conclusion : la consommation de viande peut provoquer certains types de cancer. Conséquence : l’agence lyonnaise de l’Organisation mondiale pour la santé (OMS) classe comme « probablement cancérogène pour l’homme » (groupe 2A) la consommation de viande rouge[1] et comme « cancérogène pour l’homme » (groupe 1) la charcuterie. « Les experts ont conclu que chaque portion de 50 grammes de viande transformée consommée quotidiennement accroît le risque de cancer colorectal chez l’homme de 18% », notent les chercheurs.

Pas de surprise

Ces résultats ne surprennent guère les spécialistes. Voilà de nombreuses années que les oncologues considèrent qu’une trop grande consommation de viande et de « produits carnés transformés » peut engendrer le cancer colorectal, de la prostate, des ovaires, voire du poumon. Dans un rapport publié en juin dernier, l’Institut national du cancer (Inca) estimait convaincants les liens entre consommation de viande et de charcuterie et cancer colorectal. Des suspicions, plus ou moins fortes, existent pour les cancers du pancréas, du poumon, de la vessie et du sein.

En 2006, rappelle l’Inca, la moyenne de consommation de viande rouge chez les adultes est de 370 grammes par semaine, soit 53 g/jour. Elle est plus importante chez les hommes (460 g/semaine) que chez les femmes (285 g/semaine). Un quart de la population consomme au moins 500 g de viande rouge par semaine : 39% des hommes et 13% des femmes.

Si les mécanismes cancérogènes ne sont pas encore bien identifiés, certains pointent du doigt le glycane Neu5Gc. Présent chez de nombreux mammifères, mais pas chez l’homme, ce polymère de sucre induirait (une fois ingéré par le consommateur) la production d’anticorps. L’interaction de ceux-ci avec cet antigène produirait une inflammation, favorisant la survenue de cancers.

Pas de recette miracle

Plus élevé pour les viandes transformées par salaison, maturation, fermentation et autre fumaison, le risque est aussi important lorsque la viande rouge est cuite à feu vif. « La cuisson à température élevée ou avec la nourriture en contact direct avec une flamme ou une surface chaude, comme dans le barbecue ou la cuisson à la poêle, produit davantage de produits chimiques cancérogènes », tels les hydrocarbures aromatiques polycycliques et les amines aromatiques hétérocycliques.

Selon les estimations du Global Burden of Disease Project, 34.000 décès pourraient être attribuables chaque année dans le monde à une surconsommation de viande transformée, soit 16.000 de moins que pour la viande rouge. « Ces chiffres contrastent avec un million de décès par cancer par an environ à l’échelle mondiale imputables à la consommation de tabac, 600.000 à la consommation d’alcool, et plus de 200.000 à la pollution atmosphérique », temporise toutefois le Circ.

Incidence climatique

Coïncidence, cette étude est publiée en pleine rédaction du projet d’accord de Paris. Quel rapport entre la viande et le changement climatique ? Simple. A cause de son système digestif particulier, le bétail rote (bien plus qu’il ne pète) plus de 3 milliards de tonnes de CO2 par an : 6 fois plus que la France toute entière.

A l’autre bout de la chaîne, ses déjections émettent aussi 18 Mt de méthane, un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le gaz carbonique. On le sait peu, mais nos animaux domestiques sont de gros consommateurs d’énergie. Utilisant tous les modes de transport possibles (avec une prédilection pour le camion et le bateau), se prélassant à loisir dans les chambres froides, nos amies les bêtes à viande usent et abusent de combustibles fossiles et d’électricité. De quoi relarguer plusieurs dizaines de millions de tonnes d’équivalent CO2 par an estiment, à la louche, les experts.

Compostage et pâturage

Autre détail peu connu, le bétail est également un contributeur net en protoxyde d’azote (N2O). Ses prairies et ses champs de céréales sont de gros consommateurs d’azote qui, en se décomposant, rejettent du N2O dans l’atmosphère, encore un GES dont le pouvoir de réchauffement global (PRG) fait frémir : 296 fois celui du CO2. Les terres ne sont pas seulement enrichies à coup d’engrais chimiques.

Compostées ou non, les déjections des animaux d’élevage sont épandues sur la surface agricole utile. Le processus de dégradation de l’azote contenu dans ces rejets étant identique à celui des engrais, l’opération rejette de même du N2O dans l’air. En cumulant toutes les émissions de GES, conjuguées avec leur PRG, l’industrie de la viande émet chaque année environ 7 Mdt équCO2, 14,5% de la totalité des gaz à effet de serre anthropiques, estiment les statisticiens de la FAO. Plus que le secteur des transports !

[1] Contrairement aux cuisiniers, l’OMS considère le bœuf, le veau, le porc, l’agneau, le mouton, le cheval et la chèvre comme viande rouge.

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