Pourquoi il faut lutter contre l’acidification des océans
Le 15 novembre 2013 par Valéry Laramée de Tannenberg Limacina helicina, l’un des ptéropode déjà menacé d’une descente d’acide. DR
En plus de mettre à mal la biodiversité marine, l’acidification des océans devrait contribuer au réchauffement climatique.
Les politiques n’ont pas le temps. C’est connu. Aussi, pour se faire entendre d’eux, les experts usent-ils de nombreux artifices. Pour dénoncer les insuffisances des éditeurs de revues scientifiques, le physicien Alan Sokal proposa à la publication un article-canular. Ce texte fut publié, sans hésitation, par la rédaction de Social Text, en 1996.
Depuis 1990, les rédacteurs des rapports du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) produisent deux types de littérature. D’un côté, de volumineux rapports dont le nombre de lecteurs assidus est probablement inversement proportionnel au nombre de pages. De l’autre, des résumés qui, en quelques pages, synthétisent pour les décideurs l’état de la connaissance dans les nombreuses disciplines formant la climatologie.
C’est souvent sur la base de ce résumé que les médias du monde entier établissent le bilan de santé de notre climat.
540 experts
Les océanographes ont choisi d’utiliser, eux aussi, ce mode de médiatisation de leurs travaux. Lundi 18 novembre sera donc présenté, dans le cadre du sommet climatique de Varsovie, le summary for policymakers de l’acidification des océans. Cet opus synthétise les actes d’un séminaire durant lequel 540 experts du monde entier ont établi, en septembre 2012, l’état de santé des océans.
Déjà disponible en ligne, la brochure détaille, de façon fort compréhensive, les phénomènes en cours et leurs conséquences, tant environnementales qu’économiques. En accroissant de 40% la concentration dans l’atmosphère de gaz carbonique, l’humanité a aussi augmenté de près de 30% l’acidité de l’océan, en moins de deux siècles. Un rythme inédit depuis 300 millions d’années, soulignent les rédacteurs.
Menaces sur le phytoplancton
Les effets de la diminution du pH ont moult conséquences. Ecologiques, tout d’abord. Dans certaines régions de l’océan austral, l’eau de mer commence à corroder la carapace de certaines espèces d’escargot de mer. Alors que certaines variétés de phytoplancton semblent tolérer la vie dans une eau plus acide, d’autres ne la goûtent guère. Problème : cette microflore marine, et premier maillon de la chaîne trophique, joue un rôle non négligeable (via la photosynthèse) dans le transfert du CO2 atmosphérique vers les abysses.
Déjà fragilisés par la pêche, la plaisance, les rejets de phytosanitaires et le réchauffement de l’eau de mer, les coraux pourraient voir leur croissance très ralentie par un environnement acidifié. Or les récifs coralliens ne sont pas qu’un lieu de promenade subaquatique. Ils sont aussi une formidable nurserie pour nombre d’espèces, commercialisables ou non.
Et puisqu’il est question de commerce, les scientifiques utilisent un langage compris de tous : l’argent. Ils rappellent notamment que le chiffre d’affaires annuel des producteurs de mollusques (moules, huîtres), d’échinodermes (oursins), de crustacés (crevettes, crabes) et de poissons flirte avec les 130 milliards de dollars (96,5 Md€). Ils rappellent aussi que la disparition de certaines espèces perturberait la chaîne alimentaire, dont nous sommes l’ultime maillon.
En protégeant le littoral et la faune côtière de la houle, en attirant les touristes et les pêcheurs, les récifs coralliens fournissent des services évalués entre 30 et 375 Md$ (entre 22 et 278 Md€) par an.
Les participants au colloque de Monterey rappellent aussi que l’acidification s’ajoute à d’autres périls qui menacent l’intégrité écologique des océans : réchauffement, baisse de la concentration en oxygène, accroissement de l’exposition aux rayons UV solaires (résultant du mitage de la couche d’ozone), surpêche, pollutions diverses et eutrophisation.
Sans compter qu’un océan réchauffé et acide absorbe moins facilement le dioxyde de carbone atmosphérique. Or mers et océans engloutissent, chaque année, le quart du CO2 que nous émettons. Contribuant ainsi à ralentir la montée du mercure du thermomètre global.
En résumé du résumé, si nous ne ralentissons pas l’acidification des océans, nous contribuerons à accélérer le réchauffement climatique.
Alain KALT (retranscription)
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