Air, L’Arctique victime de la qualité de l’air
En Europe, l’amélioration de la qualité de l’air ces dernières décennies, en particulier la baisse des émissions de dioxyde de soufre (SO2), a eu un prix : un réchauffement accru de l’Arctique. C’est ce que révèle une étude suédoise publiée lundi dans Nature Geoscience.
C’est l’une des quelques réussites dans la lutte contre la pollution de l’air : depuis les années 1970, les émissions de dioxyde de soufre (SO2), responsables des pluies acides, ont été réduites d’un facteur 4 en Europe. Or ce progrès a eu des effets indésirables sur le réchauffement climatique, comme le montre l’équipe d’Annica Ekman, de l’université de Stockholm.
Le SO2 s’agrège en aérosols sulfatés, qui ont la particularité de refléter le rayonnement solaire. Soit directement, soit indirectement, en favorisant la formation de nuages. Dans les deux cas, cela entraîne un rafraichissement de la température, qui a en partie masqué le réchauffement lié aux gaz à effet de serre (GDS), dont le CO2.
Une hausse de 0,5°C en Arctique
Or cet effet se ferait particulièrement sentir en Arctique. Dans leur étude, les chercheurs suédois estiment que la récente diminution des aérosols sulfatés en Europe a ainsi fait grimper la température polaire de 0,5°C, ce qui explique en partie pourquoi l’Arctique se réchauffe bien plus vite que le reste du globe.
Selon les chercheurs, cet effet de réchauffement se fait surtout sentir en automne et en hiver, mais trouve son origine en été. Pourquoi ? Parce que ce réchauffement lié à la raréfaction des aérosols, qu’il provienne d’Europe ou qu’il soit généré sur place, diminue la surface de la banquise estivale. Cette chaleur additionnelle est progressivement libérée par l’océan aux saisons les plus froides.
Dans une autre étude publiée dans Nature Geoscience, Trude Storelvmo, de l’université de Yale (New Haven, Connecticut) et ses collègues estiment qu’au niveau mondial, un tiers du réchauffement lié aux GDS aurait été masqué par les aérosols sulfatés. Un phénomène qui pourrait bien nous éloigner un peu plus de la cible de 2°C (et « si possible 1,5°C ») fixée en décembre 2015 lors de la COP21.
Un réchauffement plus rapide que prévu
Selon les chercheurs, la hausse de température par rapport à l’ère préindustrielle pourrait être de 2°C dès lors que le taux atmosphérique de CO2 aura doublé[i]. Bien plus que la hausse de 1,3°C projetée selon les tendances actuelles -qui ne distinguent pas l’effet, réchauffant, des GDS de celui, refroidissant, des aérosols-, mais proche de celle de 1,8°C qui ressort des modèles climatiques.
Dans un éditorial, Thorsten Mauritsen, de l’Institut Max Planck de météorologie à Hambourg (Allemagne), estime que le plus gros des réductions d’émissions européennes de SO2 est derrière nous, et que leur potentiel résiduel serait au pire d’une ampleur de 0,2°C. De plus, cet effet pourrait être contrecarré par la réduction d’autres aérosols, ceux à base de carbone-suie, qui ont au contraire un effet réchauffant.
[i] Il est actuellement de 402 parties par million (ppm), contre 280 ppm à l’ère préindustrielle.
Alain KALT (retranscription)
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