Environnement Lançonnais

Risque « nano » au travail : comment se protéger ?

dimanche 25 septembre 2011 par Alain KALT (retranscription)

Le 22 septembre 2011 par Geneviève De Lacour

Fluorescents, les Quantum dots forment la nouvelle génération de nanomatériaux Les nanomatériaux ont envahi notre quotidien. Le Congrès mondial sur la sécurité et la santé au travail, qui s’est achevé à Istanbul le 14 septembre dernier, a mis l’accent sur « le nouveau défi pour la santé des salariés ». En France, un nombre croissant de salariés sont exposés au risque. Que sait-on de l’impact de ces matériaux sur la santé des salariés ?

Quel est le point commun entre l’hôtel de police de Bordeaux, la cité de la musique de Chambéry, un béton auto-nettoyant, un cathéter, un clavier d’ordinateur et une crème solaire ? Tous peuvent contenir des nanomatériaux. Entre la peinture, les vitres et la carrosserie, chaque voiture contiendrait environ 10 kilogrammes de nanomatériaux. Présents aussi dans les cosmétiques, les aliments, les vernis, les raquettes de tennis, les vêtements, le nombre de produits contenant des nanomatériaux -dont la taille est de l’ordre du milliardième de mètre- serait passé de 54 en 2005 à 1.317 en 2010. Rapidement, ils envahissent notre quotidien.

A l’échelle mondiale, le secteur se développe très vite, ce qui ne facilite pas l’évaluation des possibles impacts sanitaires. La production augmente et le nombre de salariés potentiellement exposés également. Selon l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), 700 salariés en France seraient impliqués au niveau de la production et 3.200 salariés seraient de simples utilisateurs dans les secteurs de la chimie, de la plasturgie et des peintures. « La production française de nanomatériaux ne cesse de croître ainsi que celle des nanotubes de carbone. Elle devrait passer de 10 à 400 tonnes par an très prochainement » estime Myriam Ricaud, du département Expertise et conseil technique de l’INRS.

Selon l’Institut de recherche en santé publique (IReSP) : « Le développement et les niveaux de production des nanomatériaux manufacturés devant s’étendre et s’intensifier dans les prochaines années, la question de leur éventuel impact sanitaire se pose dès aujourd’hui ». L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) recommandait explicitement dans l’un de ses rapports « d’initier des études épidémiologiques chez les travailleurs, aussi bien chez les utilisateurs que chez les producteurs ».

« Jusqu’à présent aucune enquête épidémiologique sur les nanomatériaux n’a jamais été réalisée en France ni dans le monde », regrette Myriam Ricaud. L’IReSP tente de mettre en place une cohorte de travailleurs. Et elle a déjà publié, en mars 2011, des « Éléments de faisabilité pour un dispositif de surveillance épidémiologique des travailleurs exposés aux nanomatériaux ».

À l’issue de ces travaux, l’IReSP a pu définir trois groupes d’entreprises : celles, publiques ou privées, qui font de la recherche et du développement et travaillent sur des nanomatériaux émergents et notamment sur les nanotubes de carbone. « Pour celles-ci, l’exposition apparaît peu probable en raison d’une fabrication ou manipulation en circuit fermé, le port d’équipements de protection individuelle adaptés… Et la collaboration à un dispositif de surveillance épidémiologique semble aller de soi », commente l’IReSP dans son document.

Deuxième catégorie : les entreprises du secteur privé produisant du noir de carbone (silices amorphes et dioxyde de titane nanométrique). La fabrication est ancienne, une cinquantaine d’années pour le noir de carbone et la silice précipitée, une vingtaine d’année pour le dioxyde de titane nanométrique. « L’exposition à des formes agrégées et agglomérées de nano-objets est probable et la collaboration à un dispositif de surveillance envisageable. » Enfin, dernière catégorie, les entreprises du secteur privé utilisatrices de nano-objets. « Dans les échanges avec ces entreprises, la définition des nanomatériaux est au cœur des discussions. Il est difficile de se prononcer en termes de probabilité d’exposition puisqu’un seul site industriel a pu être visité. La collaboration à un dispositif de surveillance s’annonce complexe », commente l’IReSP.

De quelle manière les salariés sont-ils exposés ? La voie principale de pénétration reste le système respiratoire. L’ingestion serait plus accidentelle. Quant à une exposition cutanée, elle serait favorisée en cas de lésion de la peau. Une fois inhalée, les nanomatériaux ont tendance à se déposer dans les poumons profonds puis passent les barrières biologiques, migrent dans la lymphe, puis dans l’organisme.

Les nanomatériaux présentent-ils un risque comparable à celui de l’amiante ? Tous n’ont pas la même toxicité. Des études récentes ont montré que certains nanotubes de carbone, une fois inhalés, provoquent chez le rat des granulomes (c’est-à-dire des tumeurs inflammatoires) des fibroses pulmonaires et surtout restent dans l’organisme. Les données relatives à la toxicité sur les humains des nanomatériaux manufacturés demeurent peu nombreuses mais de multiples études sont en cours sur des cellules et chez l’animal. L’INRS prévoit d’ouvrir un pôle « nano » à Nancy d’ici fin 2012. Une vingtaine de chercheurs vont travailler sur la toxicologie des nanomatériaux, les systèmes de filtration pour la protection des travailleurs, mais aussi sur les équipements et les stratégies de mesures essentielles pour évaluer l’exposition des salariés.

Autre point important : la loi du 12 juillet 2010 obligera, dès que le décret d’application sera publié (fin 2011), fabricants, importateurs ou distributeurs de nanomatériaux à déclarer à l’autorité administrative l’identité, les quantités et les usages de ces substances, ainsi que leurs entreprises clientes. Cette disposition devrait notamment permettre d’assurer la traçabilité des nanomatériaux et de favoriser le recensement des travailleurs dans l’objectif d’une surveillance épidémiologique.

D’autre part, l’IReSP appelle la France à se doter, au plus tôt, d’un dispositif permettant d’adopter une position de veille sanitaire en lien avec l’exposition aux nanomatériaux et cela « bien qu’aucune hypothèse précise ne permette aujourd’hui de cibler avec précision la surveillance ». Et de recommander deux pistes de travail : « des études épidémiologiques portant sur les effets à court terme d’une exposition professionnelle aux nanomatériaux recourant à des marqueurs précoces d’effet sanitaire pourraient être proposées dès à présent ». De la même façon, « la conduite d’études de cohortes rétrospectives étudiant les causes de décès chez les travailleurs ayant été exposés au dioxyde de titane ou au noir de carbone et silices amorphes permettraient de mieux documenter la question ».

Si les chercheurs ne manquent pas de pistes pour évaluer la toxicité des différents nanomatériaux, même pour les plus récents comme les nanotubes de carbone, les zones d’ombre sont encore trop nombreuses. Premier point : l’étiquetage. Il n’est pas obligatoire pour les produits « nano », ce qui les rend particulièrement transparents sur le marché. A noter une avancée : en 2013, la mention « nanoparticules » deviendra obligatoire sur les cosmétiques. Autre point important qui va de pair avec l’étiquetage. « Les fiches de données de sécurité devraient être adaptées aux nanomatériaux ce qui permettrait d’éviter les confusions volontaires ou non entre les formes ‘macro’ et ‘nano’ », explique Myriam Ricaud. Le diamètre des particules, leur distribution granulométrique, leur surface spécifique sont autant d’indications qui aident à reconnaître les nanomatériaux. Surtout si le nombre de nanomatériaux mis sur le marché ne cesse d’augmenter…

La gestion des déchets reste problématique puisqu’aucune filière d’évacuation n’existe. L’INRS recommande l’évacuation, après stockage en sac étanche, scellé et étiqueté, en centre de stockage des déchets ultimes (CSDU) de classe 1 c’est-à-dire dédié aux déchets les plus dangereux.

Le relargage des nanomatériaux inquiète aussi. Difficile de dire si l’usure des matériaux, l’abrasion, la pluie, la chaleur, favorise la libération des nanoparticules dans l’environnement.

Les nanomatériaux étant des produits chimiques, ce sont les règles générales de prévention du risque chimique qui s’appliquent. Les volumes de nanoparticules produites étant souvent trop faibles, la réglementation Reach n’est pas adaptée. Au niveau européen, une commission « Reach Nano » a donc été mise en place en 2009 et devrait rendre ses conclusions en 2012.

En attendant de pouvoir évaluer les risques réels pris par les salariés, certains fabricants de nanomatériaux procèdent à des campagnes de métrologie ce qui permet de quantifier les concentrations en particules nano dans l’air des lieux de travail. Par ailleurs, des mesures de prévention doivent être mises en œuvre par toutes les entreprises qui manipulent des nanomatériaux : le travail en vase clos, le captage des nanomatériaux à la source, la filtration de l’air, le port d’un appareil de protection respiratoire, etc. D’ailleurs, explique Myriam Ricaud, les résultats d’une recherche menée par l’INRS rassurent : « L’efficacité des filtres à fibres utilisés en ventilation générale ou en protection individuelle augmente lorsque la taille des particules diminue ».

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