Environnement Lançonnais

Qui a peur de l’INCa ?

vendredi 11 juillet 2014 par Alain KALT (retranscription)

L’esprit autoritaire qui règne sur la médecine hospitalière ne permet pas son ouverture aux thérapies nouvelles, complémentaires ou alternatives. L’ahurissante affaire révélée par le Dr Delépine en est la meilleure preuve.

Le cancer, business mortel

Le Dr Nicole Delépine est cancérologue et chef d’un service d’oncologie pédiatrique à l’hôpital Raymond Pointcarré de Garches. Mais au moment où elle veut prendre sa retraite, l’administration veut fermer son unité.

Ce qu’on lui reproche, c’est d’appliquer aux ostéosarcomes (cancer des os) un protocole non conventionnel développé aux Etats-Unis. À l’époque où il a été introduit, seuls 40 % des enfants atteints d’ostéosarcomes survivaient dans les hôpitaux. Les enfants mourraient dans la majorité des cas. Avec sa méthode, elle a obtenu 80 % de résultats positifs.

Mais on souhaite fermer son service.

Afin de sensibiliser l’opinion publique à cette affaire, Jean-Yves Bilien, réalisateur très connu dans le domaine des médecines naturelles pour ses documentaires scientifiques de qualité, propose un film courageux qui s’appelle Cancer, business mortel. L’IPSN a assisté le 20 juin dernier à sa diffusion en avant-première au Cinéma Forum en Image (Forum des Halles). Dans la salle, l’émotion du public était palpable. On comptait de nombreux patients du Dr Delépine ou des coproducteurs, le film ayant été réalisé grâce à la participation de plus de 400 personnes. Étaient également présents des membres de l’association Ametist créée pour défendre la liberté de choix et soutenir le service de cancérologie pour enfants de l’Hôpital de Garches.

Et en effet, le film est bouleversant. Il nous permet de rencontrer tous les acteurs du service du Dr Delépine : patients, soignants et même stars amies (interviennent notamment Astrid Veillon et Laurent Baffie) qui témoignent en faveur du maintien de cette unité hospitalière dont ils défendent les résultats et la qualité d’accueil.

Des patients cobayes

Les autorités de santé exigent des firmes pharmaceutiques qu’elles fassent des études très lourdes avant d’autoriser les médicaments. Ce sont les fameuses études en double-aveugle où l’on compare les résultats entre un groupe de patients ayant pris un médicament A et un autre groupe de patients ayant pris un médicament B ou un placebo. Les uns et les autres ne savent pas à quel groupe ils appartiennent.

Ces études sont aussi appelées essais thérapeutiques. Elles font avancer la science parce qu’elles donnent aux médecins, aux chercheurs et aux laboratoires qui fabriquent les produits, une information précieuse sur le médicament testé. On peut savoir s’il occasionne des effets secondaires, et s’il est efficace sur les humains comme il a pu l’être précédemment sur des animaux.

Dans le cas de pathologies graves comme le cancer, les traitements testés sont particulièrement lourds et toxiques, et le patient devrait pouvoir choisir s’il veut ou non rentrer dans ces essais, en particulier s’il existe déjà un traitement éprouvé comme c’est le cas pour les ostéosarcomes.

Mais ce n’est plus ainsi que ça se passe. Aujourd’hui, les patients sont systématiquement orientés vers des essais thérapeutiques sans en être nécessairement prévenus alors que c’est là leur droit le plus strict.

Voici comment les choses se déroulent : on propose un traitement très cher à un patient en lui expliquant que c’est pour son bien et que c’est ce qu’il y a de mieux. On lui fait signer des papiers, ou bien à ses parents si c’est un enfant, et l’essai thérapeutique commence. Mais le patient n’est pas au courant du processus réel. À l’un, par exemple, on propose un traitement qui jusqu’à présent n’a été essayé que sur des animaux. Des parents expliquent qu’ils ont dû consulter en détail le dossier médical pour comprendre que leur enfant avait reçu le placebo plutôt que le traitement proposé. Ils se sont plaints et ont été envoyés devant le juge pour enfants… Mauvais parents qui voulaient que leur enfant soit réellement soigné !

Tout cela alors qu’il existe un traitement qui fonctionne à 80 % et un service qui le propose.

Ce service est l’unité que les autorités veulent fermer.

Comment en est-on arrivé là ?

Dans son livre Le cancer, un fléau qui rapporte [1], Nicole Delépine explique que le fond du problème est politique.

Si la pression sur son service existe depuis longtemps, c’est à partir des années 2000 qu’elle s’est accentuée, au moment où ont été votés les Plans cancer et créé l’organisme en charge de leur mise en œuvre : l’INCa. Ses missions sont larges : elles englobent la coordination des actions de lutte contre le cancer, l’évaluation de la lutte, l’information du public et des professionnels, la formation, le financement de la recherche et la mise en marche des Cancéropôles. Cela fait beaucoup pour une petite équipe à peu près indépendante des ministères, d’autant qu’aucun objectif chiffré n’a été formulé pour cette nouvelle agence.

En quelques années, avec la création de l’INCa, des Plans cancer et de plusieurs lois-cadre [2],on a créé une politique de santé publique nationale qui permet d’imposer des protocoles par le haut à l’ensemble des médecins. On a ainsi rendu la tâche bien plus facile aux laboratoires pharmaceutiques : au lieu de tenter de convaincre les médecins un par un grâce aux visiteurs médicaux, il suffit de s’entendre avec la tête du système. Les décisions sont prises au niveau de l’INCa et les autorités régionales de santé se chargent de les faire appliquer. Et pour ce faire, elles disposent des outils juridiques nécessaires : les SOR [3], c’est-à-dire les recommandations en cancérologie.

En France, cela fait près d’un siècle que l’on considère qu’un médecin doit dispenser des soins conformes aux données acquises de la science [4]. Aujourd’hui, cela veut dire suivre les recommandations formulées par la Haute Autorité de Santé qui, le plus souvent, se contente de reprendre les protocoles définis par des conférences de consensus, c’est-à-dire un système par lequel la majorité des acteurs d’une spécialité s’entend pour choisir le traitement qu’il conviendra d’appliquer à l’ensemble des patients atteints par la maladie concernée. Et ces décisions peuvent être étendues au monde entier quand on se réfère à des conférences de consensus internationales.

Ce système industriel du soin est très pratique pour la fabrication de masse de médicaments, mais il détruit toute alternative au traitement majoritaire imposé par consensus. Exit la médecine individualisée, exit les médecines complémentaires et alternatives…

Il revient à nier son rôle au médecin et à la médecine qui n’est plus un art mais une grande machinerie. Dans ces conditions, à quoi bon former des médecins pendant quinze ans puisque, in fine, ils ne sont que des exécutants ?

Et cela vous concerne car c’est vous qui, par vos impôts, payez leurs études.

En ce sens, le combat de Nicole Delépine et de ses patients pour maintenir le service de Garches s’inscrit dans un débat politique beaucoup plus large. Nous sommes tous concernés par ce combat pour la liberté, c’est la raison pour laquelle je vous engage à signer la pétition pour sauver l’hôpital de Garches initiée sur le site Change.org

Enfin, je tenais à signaler que la dernière réforme de la santé qui impose le tiers-payant à tout le monde s’inscrit dans la suite de cette logique. Pourtant, elle a été bien accueillie par les Français [5] puisque 54 % d’entre eux y seraient favorables. Ils oublient qu’en ne payant plus eux-mêmes les soins, leur relation va se dégrader avec leurs médecins qui ne travailleront plus pour eux, mais pour l’administration qui les paie. La liberté de choix du patient en sera nécessairement réduite et pourra même disparaître complètement à long terme, comme en Angleterre et en Irlande où les médecins ont été fonctionnarisés. Et tout le monde le sait, entre un service payant efficace et un service gratuit inefficace, la plupart des gens choisiront le deuxième, surtout s’il est offert par un médecin dûment accrédité par les autorités.

Ce qui n’augure rien de bon pour le droit des malades à choisir leur médecine.

Bien à vous,

Augustin de Livois

Sources :

[1] Michalon, 2011

[2] Notamment la loi du 9 août 2004 pour la politique de santé publique.

[3] Standards Options Recommandations

[4] Civ. 1ère, 20 mai 1936

[5] Tiers payant : 54% des Français favorables à sa généralisation


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