Environnement Lançonnais

Faut-il vraiment aller à la Conférence environnementale ?

lundi 2 mai 2016 par Alain KALT (retranscription)

Le 21 avril 2016 par Valéry Laramée de Tannenberg

Le JDLE vous dévoile, en exclusivité, les mesures qui seront adoptées à l’issue de la Conférence environnementale des 25 et 26 avril prochains. Un catalogue qui s’annonce peu ambitieux.

Et revoilà la Conférence environnementale ! On l’avait oublié, le gouvernement français réunit, chaque année, une sélection de parties prenantes à la protection de l’environnement. Habituellement organisé à l’automne, ce raout est l’occasion de lancer de belles promesses qui restent souvent sans lendemain : taxe sur le nucléaire, taxe carbone aux frontières, réforme de la fiscalité environnementale, faire de la France la championne de l’excellence environnementale. L’an passé, l’administration Valls avait sauté l’exercice pour cause de COP 21.

Initialement, l’édition 2015-2016 devait être organisée mi-avril, avant d’être reportée aux 25 et 26 avril, histoire de célébrer, sans doute, le 30e anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl.

De quoi cette édition sera-t-elle faite ? De moult déplacements, tout d’abord. Après une matinée de grands discours à l’Elysée, le 25, les participants aux tables rondes devront se hâter de rejoindre leurs ateliers sur l’autre rive de la seine. Encore une petite matinée de travaux, le 26, avant de mettre un terme à la conférence lors d’une séance plénière qui s’achèvera à 14 heures tapantes !

Trois tables rondes

De quoi débattront les participants aux tables rondes ? De trois thématiques essentielles : l’agenda des solutions pour la croissance verte, la sensibilisation des parties prenantes à la transition écologique et la préservation des milieux. Histoire de satisfaire le goût du concret revendiqué par la ministre de l’environnement, une douzaine de mesures sont d’ores et déjà arrêtées.

La France veut, par exemple, créer un cadre financier pour les investissements verts. Rien que de très louable. Le problème, c’est qu’au-delà de cette volonté, il n’y a pas grand-chose de concret, justement. Le gouvernement veut ainsi conforter le prix du carbone et créer un corridor européen. Hélas, le commissaire européen à l’action climatique, Miguel Arias Cañete s’oppose à cette dernière mesure et avec lui le gouvernement allemand.

Côté prix du carbone, la loi de finances rectificative a fixé à 30,5 euros la tonne de CO2 le montant de la composante carbone des taxes intérieures sur les consommations des énergies fossiles. « Très insuffisant », estime Lorelei Limousin du réseau Action Climat France, qui demande que cette taxe carbone à la française « soit au moins portée à 40 €, dès 2017, pour compenser la faiblesse des prix du pétrole ». Les chiffres lui donnent raison. Depuis un an, la consommation de carburants routiers a progressé de 1,4%, en raison de leur chute des prix, annonce l’Union française de l’industrie pétrolière. Oubliée aussi la promesse de porter le prix du gazole au niveau de celui du supercarburant.

Elégant et pas cher

Pour accroître ses dotations climatiques à l’international, Paris va recapitaliser l’Agence française de développement (AFD). Ce qui permettra au bras armé de la coopération tricolore de consacrer plus de 2 milliards d’euros par an au bénéfice du climat. Tout en poursuivant, par ailleurs, ses (maigres) versements au fonds vert climatique. Courageuse, la France soutient le souhait de l’Organisation maritime internationale et de l’Organisation de l’aviation civile internationale de mettre en place des mécanismes internationaux permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre des armateurs et des compagnies aériennes. Elégant et pas cher.

Courageux, le gouvernement Valls se propose de respecter la loi, en achevant la transposition en droit français de la directive européenne sur les carburants alternatifs. Ce qui permettra d’accélérer le déploiement des bornes de recharge de véhicules électriques, sujet cher à la ministre. La France n’a pas de pétrole et n’entend plus en produire. C’est du moins ce que pourrait laisser croire la Conférence environnementale. Laquelle devrait accoucher d’un moratoire sur l’exploration d’hydrocarbures sur tout le territoire (Outre-mer compris) ainsi que dans les eaux territoriales. « C’est bien, mais pas suffisant, explique Pascal Canfin. Cette position est celle de Ségolène Royal, il faut qu’elle devienne celle de tout le gouvernement et qu’elle soit traduite au plan législatif avant les prochaines élections présidentielles », résume le directeur général du WWF.

Croissance verte et grande bleue

Paris veut accélérer la transition énergétique. Pas en débloquant des fonds, rassurez-vous. Mais en mettant en valeur des opérations exemplaires, en expérimentant la démarche néerlandaise de Green Deal ou en mettant un peu d’ordre dans les normes. « Cela reste très insuffisant. Le principal outil de la loi de transition énergétique, c’est la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) dont la publication du volet principal ne cesse d’être repoussée[1]. Or, sans savoir combien de réacteurs nucléaires le gouvernement français veut conserver [pour respecter le seuil des 50% d’atome dans la production d’électricité, ndlr], il est impossible d’adapter en conséquence les objectifs en matière d’énergies renouvelables ou d’efficacité énergétique qui nous permettront d’abattre de 40% nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 », rappelle Denis Voisin, porte-parole de la fondation Nicolas Hulot.

Après la croissance verte, la grande bleue. La Conférence environnementale devrait rappeler l’importance de « concilier entre eux les différents usages de la mer ». Et pour ce faire, on devrait « élaborer des lignes directrices permettant de concilier mieux éolien en mer et activité de pêche ». Il était temps. Des audacieux proposent de créer des ‘ports à énergie positive’ ou d’accélérer l’établissement d’une zone de contrôle des émissions de soufre des grands navires. La promesse de protéger 2% des zones métropolitaines sous juridiction nationale, en complément des aires marines protégées, devrait également être faite.

Voilà pour le gros morceau. Car la sensibilisation des citoyens et la préservation de la biodiversité devraient être expédiées assez vite.

Des bilans carbone pour sensibiliser

Dans le premier cas, le gouvernement veut insuffler de la green tech dans l’écologie. On mettra à la disposition des hackers un maximum de banques de données. A charge pour ces petits génies de l’informatique et du net de créer les applications du futur à l’occasion de Hackatons, plus ou moins festifs. Grands émetteurs de GES, les agriculteurs seront sensibilisés au réchauffement. Comment ? En les obligeant à faire des bilans carbone. Espérons que ce soit plus suivi que les préconisations des plans Ecophyto. Un nouveau plan national d’adaptation aux conséquences des changements climatiques sera élaboré dans les prochains mois, pour être publié en 2017. Pour « construire avec les citoyens le cadre de la transition écologique », le gouvernement publiera cet été « une charte de la participation du public ». Une promesse qui laisse rêveur Denez L’Hostis, le président de France Naturel Environnement : « On le voit bien une fois encore avec Notre-Dame-des-Landes, on ne laisse pas dans ce pays de place aux projets alternatifs ».

Les pieds dans l’eau

Les participants à la troisième table ronde « débattront » de mesures de protection de la biodiversité. Ce qui les obligera à mettre les pieds dans l’eau. On leur demandera d’approuver une batterie d’idées visant à « accompagner » les collectivités territoriales qui se voient confier par les lois Maptam et Notre de nouvelles compétences en la matière. Les experts devront donc imaginer comment faciliter l’établissement des stratégies d’organisation des compétences locales de l’eau (Socle) propres à chaque bassin ou financer les programmes de réduction des fuites des réseaux. Le gouvernement prévoit aussi de publier à la fin de l’année une instruction décrivant les solutions à mettre en œuvre pour renforcer la protection des 1.000 captages prioritaires identifiés par les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage). L’une des solutions est non pas de réduire l’usage de l’azote minéral (les engrais azotés) mais de les optimiser, avancent déjà les services du ministère de l’agriculture. Ce qui passera, par exemple, par l’encouragement à cultiver des légumineuses et à l’utilisation massive des digestats des méthaniseurs. L’écologie est au pouvoir, à n’en point douter.

La biodiversité est malade

Pour limiter l’artificialisation des terres, on diffusera de bonnes pratiques (toujours utiles), on « accompagnera les collectivités » (bis repetita). On créera aussi des partenariats pour « agir sur l’urbanisme d’entrée de ville ». Les afficheurs et les aménageurs en tremblent déjà. Je n’oublie pas non plus la mise sur orbite d’observatoires de consommation des espaces agricoles, naturels et forestiers. La biodiversité, j’y viens. Sa « reconquête » passe par le « renforcement des maladies dans la faune sauvage ». De quoi faire rire jaune Allain Bougrain-Dubourg : « La biodiversité n’est pas malade, elle se meurt », rappelle le président de la Ligue de protection des oiseaux. Tout comme les abeilles pour lesquelles est prévue la mise sur pied d’observatoires de la mortalité et des affaiblissements. Les autres pollinisateurs, eux, devront prendre leur mal en patience.

Cinq ans après

La biodiversité, c’est aussi l’homme. Pour réduire l’exposition aux toxiques de cet électeur potentiel, le gouvernement va réaliser un bilan des instructions relatives à la protection des personnes vulnérables aux produits phytopharmaceutiques. L’administration Valls va aussi demander à l’Institut national de veille sanitaire (INVS) de réaliser une étude épidémiologique pour évaluer les risques sanitaires de l’utilisation des produits phytosanitaires. La France pourrait aussi demander à l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) d’évaluer les effets du glyphosate (la molécule active du Round Up) sur le système endocrinien. A cet égard, la stratégie nationale devrait être révisée dans les prochains mois. Paris enfin veut identifier les substituts aux hydrocarbures saturés et aux hydrocarbures aromatiques d’huile minérale. Last but not least, le gouvernement pourrait décider de restreindre l’usage de certains nanomatériaux dans les filtres UV des produits cosmétiques. Une bonne façon de suivre une recommandation faite par l’Agence nationale de sécurité du médicament en ... 2011.

[1] Prévue pour la fin de l’année passée, sa publication est maintenant prévue pour le mois de juillet 2016.

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