Fukushima, trois ans après
Le 10 mars 2014 par Valéry Laramée de Tannenberg, envoyé spécial
Trois ans après la catastrophe, le JDLE est allé dans la préfecture de Fukushima. Bien sûr, pour découvrir le site de la centrale accidentée. Mais aussi pour rendre compte des efforts menés par la population, les scientifiques et les autorités pour gérer le « post-accidentel ». Un travail titanesque appelé à durer une quarantaine d’années au moins. Pour un plus grand confort de lecture, le reportage a été scindé en 8 articles thématiques.
A Fukushima, les visites sont rares, mais bien orchestrées. Tout commence à une vingtaine de kilomètres de la centrale accidentée, dans l’ancien centre d’entraînement de l’équipe de football de l’équipe nationale nippone. Dans les semaines qui suivirent la catastrophe, ce village fut transformé en base arrière des secours. Aujourd’hui, il est le sas d’entrée de nombreux personnels et des journalistes. A 9 h, ce lundi : premier briefing. Un rapide coup d’œil par la baie vitrée montre que les terrains de sport ont laissé la place à de gigantesques parkings où foisonnent voitures, bus, engins divers et conteneurs de matériels. Des rangées d’Algeco abritent les travailleurs déplacés. Au loin, émergent les trois hautes cheminées de la centrale thermique d’Hirono.
Invité par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), le JDLE a participé, avec une dizaine de journalistes français, à un voyage de presse inédit. Fin décembre 2013, cet aréopage, accompagné d’experts de l’IRSN et du conseiller nucléaire de l’ambassade de France à Tokyo, a visité la centrale de Fukushima, la zone contaminée, l’université médicale de Fukushima, la centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa, les services de l’autorité de sûreté japonaise (NRA) et du ministère de l’environnement.
La réunion est rondement menée. Le responsable des relations publiques de Tepco commence par s’excuser « pour les embarras causés par l’accident » et remercie la France pour son « aide à la stabilisation de la situation ». Une présentation du site, quelques consignes (pas de photo, pas de film) et l’on reprend le bus. Direction la centrale, située à une vingtaine de kilomètres au nord. Quelques minutes à peine après le départ, premier barrage de police. Bienvenue en zone contrôlée. Des deux côtés de la route, des milliers de big bags témoignent de l’intensité du travail de décontamination mené depuis deux ans par les Japonais. En ce début d’hiver, le climat est doux. Nous traversons des bois de bambous et de cryptomerias, avant d’emprunter le pont, reconstruit après le tsunami, qui nous mène à la centrale. Au carrefour, un dosimètre lumineux indique la radioactivité ambiante : 3 millisievierts par heure (mSv/h). Dans une centrale nucléaire française, un tel débit de dose interdit la zone aux personnels non autorisés. Quelques centaines de mètres plus loin, sur la voie d’accès à la centrale, le débit atteint 17 mSv/h.
4.000 travailleurs
Passé le portail d’entrée, tout le monde descend et s’équipe dans le poste de garde : trois dosimètres, un masque respiratoire, une paire de gants blancs et des chaussures de sécurité constituent la panoplie minimale du visiteur. Une fois doté, direction un nouveau bus, dont les sièges sont joliment tendus d’une bâche plastique. Pas question que les particules radioactives s’insèrent dans les fibres du tissu ! La visite commence. Le site est immense, vallonné et boisé. Bien que l’on soit au cœur de la zone interdite, le site grouille de monde : 4.000 personnes y travaillent à temps complet. A chaque carrefour, l’on croise des minibus et des camions dont les occupants sont en scaphandre blanc. Le long d’une voie d’accès au bord de mer, un stockage de boues radioactives. Pas bien loin, une vingtaine de « châteaux », gros conteneurs blindés contenant des combustibles, attendent un hypothétique enlèvement, derrière des barbelés. A mesure que l’on s’approche de la centrale proprement dite, la catastrophe se fait jour. Partout, des bâtiments administratifs éventrés par le tsunami.
Des camions démantibulés
Sur la route-digue, qui protège les installations nucléaires de la mer, les murs des bâtiments turbines ressemblent désormais à des origamis géants. A leur base, des carcasses de camions démantibulés par l’immense vague. Tout autour, des grues, des engins de chantier, des groupes électrogènes, des camions sont servis par une myriade de travailleurs, suant sang et eau dans leur combinaison étanche. A proximité, les bâtiments réacteurs ont été rafistolés. Sur la tranche 4, les techniciens de Tepco ont posé une énorme structure d’acier. C’est à l’abri de ce « sarcophage » que les premières opérations de récupération du combustible ont débuté en novembre dernier.
En remontant le flanc de colline qui surplombe la centrale, le minibus passe à une encablure de la vaste zone de stockage des eaux contaminées. Devant nous se dresse une forêt de cuves blanches et bleu ciel. Le dosimètre s’affole. Le débit de dose est supérieur à 30 mSv/h : 10 fois supérieur à celui mesuré au bas des bâtiments réacteurs. Une activité qui n’encourage pas les techniciens à passer trop de temps au pied des cuves pour détecter les fuites.
La fin de l’histoire
Que va devenir ce site ? D’ici la fin de l’année, Tepco veut diviser par 10 le débit de dose. Pour ce faire, la totalité des pinèdes seront abattues et les arbres incinérés. Leurs cendres, comme tant d’autres déchets radioactifs, seront stockées sur place, en attendant l’ouverture de centres d’entreposage spécialisés. L’essentiel des 350 hectares du site seront recouvert de bitume, pour faire écran aux radiations du sol. Pour la suite, Tepco se prépare à une quarantaine d’années, au moins, de travaux. La priorité sera d’enlever les dizaines de tonnes de combustible des 6 réacteurs et des piscines de refroidissement. Cette opération qui s’effectue en quelques jours dans une centrale « normale », prendra une dizaine d’années, compte tenu de la fusion de 4 des 6 réacteurs. Ce n’est qu’une fois ce « nettoyage » effectué que le démantèlement des installations nucléaires pourra véritablement commencer. Une déconstruction que Tepco n’imagine pas conduire en moins de 3 ou 4 décennies.
Alain KALT (retranscription)
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